Trainspotting : le bijou héroïnomane des années 90

par | 16 Juin 2025 | FILMS / DOCS / SERIES

⏱ Temps de lecture : 17 min

Trainspotting, c’est pas juste un film sur des camés en jogging qui squattent des apparts aussi accueillants qu’un frigo vide. C’est une fresque déglinguée de l’humanité qui se shoote pour supporter la grisaille. Une sorte de fresque punk où la morale a pris la tangente à la première injection. Au centre : Mark Renton, junkie philosophe, moitié rat de labo, moitié raté tout court, qui tente de s’extraire d’un vortex de potes plus toxiques que l’héroïne elle-même.

Avec lui : Spud, le Bambi lobotomisé ; Sick Boy, le beau gosse aux grandes théories et au cœur aussi vide qu’un compte en banque de fin de mois ; Begbie, la haine personnifiée avec une moustache ; et Tommy, pauvre agneau propre qui s’est dit que traîner avec des loups ça allait être marrant. Spoiler : ça ne l’est pas. Tout ça sur fond d’Édimbourg, version béton armé et néon blafard. Le film alterne entre trip sous héroïne et crash social façon documentaire animalier, mais avec plus de dialogues absents et de seringues usagées.

 

Trainspotting : le manifeste cinématographique d’une génération épuisée.

Trainspotting : le manifeste cinématographique d’une génération épuisée.

 

 

Résumé, personnages et pitch toxique de Trainspotting

Trainspotting brille d’abord par la densité de ses personnages : Mark Renton, junkie à l’intelligence acérée, tente de se sevrer d’une bande de copains aussi fauchés que fous – Spud, le doux attardé ; Sick Boy, loquace et obsédé par Sean Connery ; Begbie, psychopathe tendance hooligan ; Tommy, idéaliste broyé par la dope. Sur fond d’Édimbourg, la narration expose chaque trajectoire, comme le ferait un riff de guitare sale, alternant séquences dionysiaques, rebondissements tragi-comiques et plongées dans la misère des années Thatcher.

Ce film ne se contente pas d’étaler le quotidien d’un groupe de toxicomanes, il dresse un portrait social acide où la chute est aussi inévitable que la came du matin. Citations féroces, dialogues à l’arraché, Laboratoire cinématographique d’une époque plus qu’un simple film, Trainspotting bouscule, cogne, intrigue, et donne ses propres règles au cinéma underground britannique.

 

Les cinq fantastiques du fond du trou :

  • Mark Renton : junkie éclairé qui passe son temps à fuir tout, sauf ses contradictions. Il rêve de s’en sortir, mais il court en rond, en caleçon, avec la voix d’Iggy Pop en fond sonore.

  • Spud : le mec trop gentil pour ce monde et trop défoncé pour en sortir. Il chie dans les draps, rate tout ce qu’il tente, mais tu peux pas t’empêcher de l’aimer.

  • Sick Boy : une bouche, deux costards, zéro éthique. Il pourrait vendre sa mère pour une fix, puis disserter sur Sean Connery pendant qu’il encaisse.

  • Begbie : le mec qui pète un câble parce que sa pinte mousse trop. Violence gratuite, sexisme de vestiaire, et une vraie passion pour les bastons improvisées.

  • Tommy : le seul qui avait encore une âme. Il l’a perdue en même temps que sa copine, son chat et sa santé. La drogue, c’est pas pour lui. Du coup, il meurt. Logique.

 

 

 

Personnage Acteur Rôle dans le groupe Évolution
Mark Renton Ewan McGregor Leader malgré lui De la fuite à l’émancipation individuelle
Spud Murphy Ewen Bremner Doux imbécile, victime consentante Sacrifice sur l’autel de la drogue
Sick Boy Jonny Lee Miller Manipulateur, charmeur cynique Perd au jeu de l’amitié et de la combine
Begbie Robert Carlyle Violent incontrôlable Ennemi public de la bande – indéboulonnable
Tommy Kevin McKidd Innocent basculant Destruction tragique

 

Si le spectateur croit s’aventurer dans une simple chronique de drogués, il se retrouvera vite entraîné dans une odyssée existentielle où le rock, la révolte et la poésie crade s’entrechoquent. Envie de plonger plus profond dans le vortex Trainspotting ? Attachez votre ceinture… ou serrez votre garrot.

 

Trainspotting : le manifeste cinématographique d’une génération épuisée.

Trainspotting : le manifeste cinématographique d’une génération épuisée.

 

Analyse du scénario et symbolique générationnelle

Tenter de saisir Trainspotting, c’est un peu comme essayer d’attraper une anguille trempée dans l’huile en pleine crise d’identité. Le film file entre les doigts, balance des uppercuts esthétiques et philosophiques sans prévenir, et te laisse, hagard, à moitié con, en train de te demander si t’as vu un chef-d’œuvre ou juste une pub Benetton sous acide. Au cœur du truc : Renton. Un mec qui cavale, toujours. Il fuit l’héroïne, ses potes, sa famille, ses responsabilités, son reflet dans le miroir, et probablement l’idée même d’un futur. C’est pas un héros. C’est pas non plus un anti-héros. C’est un mec qui a pigé trop vite que tout était foutu. Et quand t’as pigé ça, t’as deux choix : tu te flingues ou tu fais des monologues en voix off sur fond de Lou Reed. Il a choisi la deuxième option.

 

Trainspotting : le manifeste cinématographique d’une génération épuisée.

 

Socle thématique : choix de la vie ou du néant ?

Choose Life.” Tu t’en souviens ? Bien sûr que tu t’en souviens. Même si tu ne te souviens plus de l’adresse de ton ex ou du code de ta carte bleue, cette phrase t’a été tatouée dans le cortex au burin. Sauf que ce n’est pas une invitation à choisir la vie. C’est un doigt d’honneur déguisé en mantra. Une manière de dire : “On a vu votre monde. Il craint.” Le monologue d’intro balance tout : job, famille, micro-ondes, TV couleur, dentiste. Toute la panoplie du bon petit soldat capitaliste. Et Renton ? Il te répond avec une seringue dans le bras et un rictus au coin de la bouche. Laisse tomber la retraite complémentaire : il choisit le néant. Il choisit l’instant. Il choisit la déconnexion totale.

 

L’héroïne comme échappatoire métaphysique

Chez Boyle, l’héroïne, ce n’est pas juste une saloperie chimique. C’est un bouton pause dans un monde qui ne sait faire que “lecture”. Une manière de dire fuck à la société de consommation, au conformisme moisi, à la perspective d’une vie longue, stable… et atrocement ennuyeuse. Tu crois que Renton est malade ? Peut-être. Mais regarde bien autour de toi. Qui est vraiment malade dans cette histoire ? Lui, qui se shoote pour ne plus voir le monde ? Ou le monde, qui continue de tourner en rond en vendant des cafetières connectées à des gens déjà en burn-out à 30 ans ?

 

 Danny Boyle, chirurgien du cadavre britannique

Boyle ne filme pas la misère sociale. Il la disséque. Il sort les tripes, il découpe au scalpel Thatcher et ses enfants déchus. Et il ne le fait pas en pleurnichant façon Ken Loach : il le fait avec un sourire en coin et une BO qui te file des palpitations. Tu veux une scène clé ? Spud qui saborde volontairement un entretien d’embauche. Pourquoi ? Parce que même le plus misérable des boulots lui semble plus insupportable qu’un lendemain de cuite.


Sick Boy, lui, disserte sur Sean Connery pendant qu’il vend de la came, comme si le cinéma était le dernier bastion d’un monde qui se délite. Ils ne veulent pas “réussir”. Ils veulent juste survivre sans devenir aussi chiants que leurs parents. Ce n’est pas un film sur la drogue. C’est un manifeste contre le sens de la vie qu’on nous impose. Une parabole grinçante où les seringues valent mieux que les slogans LinkedIn. Et où la seule vraie question n’est pas “que faire de sa vie ?”, mais “à quoi bon jouer à ce jeu si on n’a pas écrit les règles ?”

 

Trainspotting : le manifeste cinématographique d’une génération épuisée.

Trainspotting : le manifeste cinématographique d’une génération épuisée.

 

Trainspotting et le choc esthétique : bande-son, image et montage

On pourrait croire qu’un film sur des junkies à la dérive se doit d’être sale, lent et déprimant. Mais Danny Boyle, lui, a choisi la voie du clip sous acide. Trainspotting, c’est une explosion visuelle et sonore qui t’arrive en pleine gueule comme un uppercut d’Iggy Pop un lendemain de cuite. Et ça fait un bien fou. Pas question ici de te faire pleurer sur le sort de l’Écosse post-industrielle. Boyle t’en met plein les yeux, t’en colle plein les oreilles, et t’oblige à danser sur les ruines avec des chaussures trouées. Et tu sais quoi ? T’en redemandes.

 

Une bande-son qui ferait trembler un audiophile

Trainspotting ne se contente pas d’avoir une bonne bande-son. Elle est la bande-son. C’est un personnage à part entière, une voix-off punk qui commente chaque shoot, chaque fuite, chaque overdose. Iggy Pop, Lou Reed, Underworld, Blur, New Order… Un défilé de tubes qui ne cherche pas à enjoliver l’histoire mais à la sublimer dans sa crasse.

  • “Lust for Life” ouvre le bal comme un hymne de junkies qui refusent la marche funèbre.

  • “Perfect Day” transforme une overdose en moment de grâce aussi beau que malsain.

  • “Born Slippy” t’accompagne dans le climax comme un cri de liberté désespéré.

Le message est clair : la défonce a sa propre esthétique. Et putain, elle est belle.

 

Visuellement, c’est quoi ce délire ?

Boyle injecte dans son film une esthétique clippée, nerveuse, sans aucune envie de plaire à la critique de Télérama. Le montage, c’est du ping-pong sous Red Bull. Les plans s’enchaînent comme des flashes de mémoire d’un mec en manque. La caméra virevolte, s’écrase, chute, s’élève. C’est jamais propre. C’est vivant. Tu veux une scène culte ? L’overdose de Renton. Il s’enfonce littéralement dans le sol, le tapis s’ouvre comme une bouche de cercueil moelleux, pendant que Lou Reed lui murmure une berceuse mortelle. C’est du cinéma de la sensation, de l’organique sous celluloïd.

 

L’image : crade ou pop ?

Les couleurs oscillent entre teintes froides et néons déglingués. Un vrai kaléidoscope de la déchéance. D’un côté, les chiottes les plus célèbres de l’histoire du 7e art. De l’autre, des scènes quasi glam, saturées comme des pochettes d’albums de britpop. Ce paradoxe, c’est toute la réussite du film : te faire avaler la misère avec une cuillère en argent, mais rouillée. Boyle n’a pas filmé des junkies. Il a filmé un ballet de damnés en Doc Martens, qui foncent vers le mur en dansant, casque vissé sur les oreilles et seringue dans la poche. Et tu sais quoi ? Ça reste encore aujourd’hui plus stylé que 90% de la production Netflix.

 

Musique Scène associée Impact
« Lust for Life », Iggy Pop Ouverture, course de Renton Energiquement désespérée, hymne à la liberté illusoire
« Perfect Day », Lou Reed Overdose de Renton Beauté de la chute, ironie tragique
« Born Slippy », Underworld Climax final, évasion de Renton Exaltation, libération, mélancolie

 

Pourquoi ça marche ?

  • Parce que chaque chanson est au service de la narration. On t’enfonce la musique dans le cerveau pour t’y laisser des cicatrices.

  • Parce que le montage ne respire jamais. Il te colle la tête sous l’eau, puis te laisse haleter en paix deux secondes avant de recommencer.

  • Parce que l’image épouse les sensations : quand ça plane, c’est beau ; quand ça pue, tu le sens presque à travers l’écran.

  • Parce que la laideur devient sublime, et que c’est ça, l’ultime punk.

 

 

Trainspotting : le manifeste cinématographique d’une génération épuisée.

Trainspotting : le manifeste cinématographique d’une génération épuisée.

 

Origines, adaptation et casting : l’odyssée d’un projet impossible

À l’origine, Trainspotting, c’est un roman illisible pour les non-initiés, écrit dans un sabir écossais plus rugueux qu’un pub de Glasgow un samedi soir. Un bouquin qu’aucun studio ne voulait adapter, sauf si c’était pour en faire un film social ennuyeux, avec un fond de violon triste et un message bienveillant à la fin. Bref, un cauchemar à subvention.

Heureusement, Danny Boyle a débarqué avec un grain de folie, un amour du chaos, et une sacrée paire. Il lit le bouquin d’Irvine Welsh, voit le potentiel rock’n’roll du truc, et décide qu’il n’en fera ni un drame à Oscars, ni un pamphlet socio-éducatif. Ce sera un film sur la beauté du sale, le sublime du rejet, l’élégance des déchets.

 

 Le trio infernal : Boyle, Hodge, Macdonald

Le producteur Andrew Macdonald, le scénariste John Hodge, et Boyle se mettent en mode garage punk : écriture rapide, budget maigre, énergie maximale. Hodge taille dans le roman comme un boucher poète, recentrant tout sur Renton et virant les voix multiples qui faisaient de Trainspotting un joyeux bordel narratif. Résultat : un scénario ramassé, nerveux, à la fois drôle et tragique, aussi tranchant qu’un rasoir de junkie.  Même Irvine Welsh, le papa toxique du roman, finit par dire oui. Il accepte de filer ses gosses aux mains de ce trio, surtout parce qu’on ne lui promet pas une “adaptation fidèle”, mais une relecture iconoclaste. En gros : « On va trahir ton livre, mais avec style. »

 

Le casting ? Une collection de parieurs fous

Pas de grosses stars. Pas de gueules trop propres. Que des mecs et des filles un peu bizarres, à fleur de peau, capables de te jouer un sourire et une crise d’angoisse en une réplique.

  • Ewan McGregor, inconnu à l’époque, accepte de perdre 15 kilos pour devenir Renton. Il ne joue pas un drogué. Il devient une veine ambulante.

  • Ewen Bremner, qui jouait Renton sur scène, se transforme en Spud, l’idiot céleste qu’on aurait envie de sauver s’il ne se foutait pas la tête dans les chiottes.

  • Jonny Lee Miller, mi-charme, mi-cynisme, improvise une imitation de Sean Connery qui entre dans la légende.

  • Et Robert Carlyle, monstre magnétique, incarne Begbie avec un naturel flippant. Ce type aurait pu tabasser un figurant par erreur, personne ne s’en serait douté.

 

Anecdotes croustillantes (ou comment on fabrique une bombe)

  • McGregor, pour le rôle, mate des vidéos de toxicomanes en manque. Pas pour jouer mieux, mais pour savoir jusqu’où aller sans tomber dans la caricature.

  • Le budget est microscopique, alors les décors sont souvent réels, cradingues, et non désinfectés (ça se sent).

  • Welsh lui-même fait un caméo en dealer dans un coin du film. Comme quoi, tout le monde veut un bout du gâteau, même le boulanger.

  • Les premières projections test plantent complètement. Puis, le bouche-à-oreille fait le taf. Parce que Trainspotting, ça ne se regarde pas : ça se chope, comme une maladie vénérienne stylée.

Trainspotting, c’est un film fait de morceaux de hasards, de paris fous et de refus catégorique de la normalité. C’est le projet qui aurait dû échouer… et qui finit par redéfinir ce que peut être le cinéma anglais.

 

Réception, controverse et postérité sociale du film

Quand Trainspotting débarque en 1996, c’est le bordel. Pas le bordel habituel des critiques mi-figue mi-raisin. Non, un vrai bordel : éditos outrés, lettres de parents paniqués, débats télé à deux balles. On crie à l’apologie de l’héroïne, au sabotage moral, au scandale cinématographique. En face, des jeunes spectateurs sortent des salles avec les yeux brillants et une envie soudaine de vomir leur quotidien bien rangé. Boyle, lui, regarde tout ça comme un pyromane contemple son feu de joie : avec un petit sourire en coin et zéro envie de se justifier.

“C’est une honte !” (traduction : c’est une claque)

Les bonnes âmes criaient au loup : “Le film va inciter nos enfants à se droguer !” Réponse non officielle : non, chérie. Ce film donne moins envie de se piquer qu’un documentaire sur la gastroentérite. Ce n’est pas sexy. Ce n’est pas cool. C’est sale, c’est glauque, et c’est désespéré. Mais c’est vrai. Et ça, justement, ça dérange.

 

Succès critique et commercial (malgré les vieux ronchons)

Malgré les cris d’orfraie, le film cartonne. En salle. En VHS. En DVD. En streaming. En posters vendus sur les marchés de Camden. Il récolte des prix, des nominations, des palmarès de fin d’année. La critique, après avoir digéré la claque, reconnaît son génie. Même The Guardian finit par dire qu’il s’agit “d’un film essentiel pour comprendre la jeunesse britannique des années 90” – ce qui est une manière polie de dire “Ok, on s’est peut-être un peu emballés.”

 

En résumé, les polémiques ? Le carburant du culte.

  • Le film est trop cool pour parler de drogue ? Faux. Il montre qu’on peut rire de tout, y compris quand on touche le fond.

  • Il glorifie la marginalité ? Peut-être. Mais c’est toujours mieux que glorifier la comptabilité et les happy hours dans les bureaux de Merde&Fils.

  • C’est immoral ? Absolument. Et c’est pour ça que c’est grand.

 

Postérité : du film maudit au classique générationnel

En quelques années, Trainspotting devient ce que tous les films de genre rêvent d’être : un mythe. Il s’installe dans les manuels, dans les playlists, dans les sapes, dans les conversations d’étudiants qui font semblant d’avoir tout compris. Il inspire des pubs, des clips, des slogans, des gifs, des parodies. Il renaît avec T2 Trainspotting, 20 ans plus tard, avec la même bande de mecs usés, un peu moins camés, mais toujours aussi perdus.

 

Trainspotting : héritage, pop culture et rémanence

Il y a des films qui vieillissent comme du lait. Et puis, il y a Trainspotting. Le genre de truc qui refuse de mourir. Un peu comme ce pote camé qui disparaît pendant trois mois et revient sans prévenir avec une nouvelle dentition et une philosophie de vie. Depuis sa sortie en 1996, le film a muté, contaminé la culture, et s’est incrusté dans la rétine collective comme une vision après un flash de stroboscope. 

Trainspotting, c’est le cauchemar des marketeux devenu… leur meilleur copain. T’as la citation “Choose Life” sur des mugs, des tote bags, des casquettes. Les tee-shirts vintage floqués de Renton en train de courir comme s’il fuyait le capitalisme (spoiler : il le fait). Des DJs samplent la voix de Spud, des marques de fringues reprennent les couleurs de l’affiche, et les stylistes branchés te balancent des collections “héro chic” à 450 balles le pantalon troué. Ironie : le film qui crachait sur la société de consommation est devenu un produit dérivé géant. Et c’est parfaitement cohérent.

 

Influence tous azimuts : séries, musiques, pubs, politique culturelle

Le virus Trainspotting s’est répandu dans tous les recoins de la culture :

  • Dans les séries UK comme Skins ou Black Mirror, où la jeunesse est toujours paumée mais mieux coiffée.

  • Dans les musiques électro, où “Born Slippy” est encore hurlé par des trentenaires bourrés dans les afters.

  • Dans la pub : bagnoles, parfums, baskets… tout le monde a tenté de capturer un peu de ce feu. Spoiler : personne n’y arrive vraiment.

  • Et même dans la politique : à chaque crise sociale, y a un édito qui ressort la référence Trainspotting. Comme si le film était devenu l’étalon de la lose générationnelle.

 

Le film a engendré un imaginaire. Un lexique. Un moodboard complet pour toute personne qui refuse de choisir entre l’autodestruction chic et la réussite molle. Tu veux exister sans devenir un cliché ? Trainspotting te répond : “OK. Sois un autre cliché, mais avec du style, des punchlines, et la BO de ta vie dans les oreilles.” Aujourd’hui, il vit dans les festivals, dans les mèmes, dans les fringues de hipsters qui ne savent pas qui est Lou Reed. Et ce n’est pas grave. Parce que la beauté de Trainspotting, c’est d’appartenir à tout le monde sans ne plus vraiment être à personne. Si certains films meurent dans l’indifférence, Trainspotting continue de vivoter à travers chaque génération, comme un riff de punk qui refuse de s’éteindre ou un slogan brodé à l’acide sur une veste en cuir.

 

Trainspotting : le manifeste cinématographique d’une génération épuisée.

 

 

Pour finir : Trainspotting, ou comment vomir sur le monde avec panache

Trainspotting n’est pas un film sur la drogue. C’est un film sur le vide
Le vide des années Thatcher. Le vide des promesses sociales. Le vide existentiel qu’on tente de remplir avec des shots d’héro, des punchlines cyniques, ou des fuites minables en direction de Londres. C’est un film qui regarde l’effondrement de toute une génération droit dans les yeux, sans sourciller, sans filtre, sans morale. Et qui te le balance à la tronche avec une telle énergie que t’en redemandes. Tu veux du sens ? Y’en a pas. Tu veux un happy end ? C’est de l’ironie. 

Tu veux du style ? Là, on peut parler. Parce que même dans la crasse, Trainspotting transpire une classe cradingue que les autres films rêveraient d’avoir. C’est ça, le génie de Boyle, Welsh et compagnie : te faire aimer des types qui n’aiment même pas leur propre vie. Te faire rire en plein désastre. Te faire danser au bord du gouffre. Alors choisis la vie, ou choisis de revoir ce film encore et encore. Parce que dans ce monde de LinkedIn, de TikTok et de bullshit masticable, Trainspotting reste un des rares trucs qui sonne encore vrai.

 

FAQ – Trainspotting (1996) : Pour ceux qui veulent gratter sous la crasse

1. Pourquoi Trainspotting est-il considéré comme un film culte ?

Parce qu’il a capturé une époque, une énergie, un désespoir. Trainspotting est culte parce qu’il ne cherche pas à plaire. Il montre la marginalité sans en faire une comédie sociale ni une tragédie lacrymale. Il est viscéral, drôle, sale, stylé, punk. Il a mis un coup de pied dans la fourmilière du cinéma britannique en prouvant qu’on pouvait filmer la misère avec de la musique électro et des ralentis de pub Nike. Il a rendu la défonce poétique (sans la glamouriser). Il a offert à une génération une esthétique de la fuite, un art de l’autodestruction. Et il l’a fait avec un ton unique, entre l’ironie, la douleur, et le groove.

2. Quelle est la vraie signification du monologue “Choose Life” ?

Ce n’est pas un conseil. C’est un crachat. Une parodie amère de tous les slogans de développement personnel. Ce monologue résume l’absurdité de nos vies modernes : job, télé, machine à pain, crédit. Une suite de cases à cocher qui ne mène nulle part. Renton ne dit pas “choisissez la vie” – il dit “regardez la merde qu’on vous vend comme une vie”. C’est une satire, pas une ode. C’est l’expression d’un ras-le-bol générationnel, une désillusion qu’on tente d’oublier avec une piqûre dans le bras. Et ce monologue, justement, nous renvoie notre propre vide comme un miroir sale.

3. Est-ce que Trainspotting glorifie la drogue ?

Non. Et ceux qui le disent n’ont pas vu le film ou ont raté le point. Trainspotting montre la drogue comme un choix merdique mais compréhensible dans un monde sans horizon. Il ne te dit jamais “la drogue, c’est cool”. Il te montre des mecs qui se décomposent lentement, qui perdent tout – amis, santé, dignité – pour une dose. Mais il le fait sans pathos, sans leçon de morale. Et c’est justement pour ça que c’est fort : parce que c’est humain, sans jugement. Ce n’est pas une campagne de prévention, c’est une chronique de l’intérieur.

4. Quel est le rôle de la musique dans Trainspotting ?

Elle est omniprésente. Elle n’accompagne pas l’action, elle la précède. Elle la souligne. Elle la déforme. Chaque morceau est une émotion, un commentaire, un sarcasme. “Lust for Life”, c’est la révolte. “Perfect Day”, c’est la descente. “Born Slippy”, c’est la fuite, le choix, le départ. La musique donne une profondeur esthétique et symbolique au film, elle transforme la crasse en opéra electro. C’est une bande-son qui vit et qui respire, encore aujourd’hui. Elle a fait de Trainspotting une expérience sensorielle totale, inimitable.

5. Pourquoi Begbie est-il le personnage le plus terrifiant du film ?

Parce qu’il est réel. L’héroïne, les hallucinations, les bébés zombies… tout ça, c’est du cinéma. Begbie, c’est ton voisin. Il explose pour une broutille, il cogne par réflexe, il nie tout. C’est le mec toxique par excellence, celui qui ne touche pas à la drogue mais qui est mille fois plus dangereux que tous les autres. Il est la violence ordinaire, le patriarcat en roue libre, la haine sans conscience. Et Boyle le filme sans filtre. Juste avec ce qu’il faut de réalisme pour te foutre mal à l’aise.

6. Est-ce que Trainspotting est un film politique ?

Évidemment. Mais pas à la manière des tracts. Trainspotting est politique dans ce qu’il montre, pas dans ce qu’il déclare. Il parle d’une génération laissée sur le carreau, d’un pays ravagé par le néolibéralisme, d’un système qui te donne le choix entre te conformer ou crever. Il filme les ruines sociales post-Thatcher comme d’autres filment des paysages apocalyptiques. Le fait même de donner la parole à ces exclus, de leur accorder du style, de la beauté, c’est un geste politique. Un doigt d’honneur aux classes dominantes.

7. Pourquoi le film reste-t-il pertinent en 2025 ?

Parce que rien n’a changé. Ou plutôt : tout a empiré. Les jobs sont toujours plus précaires, les loyers plus absurdes, les politiques plus absurdes encore. La jeunesse est toujours en crise, sauf qu’elle a des smartphones et des anxiolytiques en plus. Trainspotting reste pertinent parce qu’il continue de dire : “Non.” Non à la norme, non au bonheur préfabriqué, non au parcours imposé. Et ce refus, en 2025, est plus nécessaire que jamais.

8. En quoi la mise en scène de Boyle est-elle unique ?

Parce qu’il ne filme pas la réalité. Il filme ce que les personnages ressentent. Il filme le délire, la douleur, le manque. Il t’emmène dans la tête d’un junkie comme personne. La caméra devient une seringue. Le montage devient une crise. Boyle utilise le langage du clip, du clip publicitaire même, pour saboter le réel. C’est brillant, c’est violent, c’est dérangeant. C’est un cinéma organique, qui colle, qui gratte, qui pique. Et ça, c’est rare.

9. Que penser de la suite, T2 Trainspotting ?

T2, c’est le fantôme du premier film. C’est les retrouvailles d’une bande de mecs qui ont vieilli, mal, et qui se demandent ce qu’ils foutent encore là. Ce n’est pas une suite au sens hollywoodien, c’est un commentaire. Un film sur le passage du temps, la trahison de soi, la nostalgie dégueulasse. Ce n’est pas aussi tranchant, ni aussi nécessaire. Mais c’est touchant. C’est la gueule de bois après l’orgie. Et ça a le mérite de ne pas trahir l’esprit originel. Même dans le malaise, Boyle reste fidèle.

10. Est-ce que Trainspotting est toujours un film à recommander ?

À 100 %. Mais pas à tout le monde. Si tu cherches une feel-good story ou une morale bienveillante, passe ton chemin. Trainspotting, c’est une expérience. Un choc. Une immersion dans une esthétique du dégoût et de la beauté mêlés. Mais si tu veux comprendre une époque, un état d’esprit, un cri générationnel… alors oui, il faut le voir. Et le revoir. Parce qu’il a encore des choses à dire. Et que dans un monde trop propre, trop cadré, trop marketé, un peu de crasse sincère fait du bien.

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