Qu’y avait-il dans l’air de Bakersfield en 1998 ? Un parfum âcre, chargé d’électricité, de sueur séchée dans les sous-sols et d’une sourde lassitude générationnelle venue buter sur les amplis Mesa/Boogie avalant la lumière et recrachant le malaise. Avec « Follow the Leader », Korn s’avance sur le ring du metal nu, frappant plus fort que Slipknot n’a jamais osé le faire, apportant un groove mutant hérité de Faith No More, transfiguré dans l’acier froid de la décennie finissante.
À la frontière fragile de Metallica et du chaos rapcore, Jonathan Davis et sa bande refusent le dogme du riff pour injecter toxicité, innovation et sarcasme, plantant les clous d’un genre qui s’en ira contaminer aussi bien Linkin Park que Deftones, Limp Bizkit ou System of a Down. Et si les ventes flirtent avec l’indécence, c’est moins la consécration MTV que la douce vengeance d’une scène boudée par les gardiens autoproclamés du grand metal. Oui, « Follow the Leader », un album qui portait bien son titre, mais en référence à un miroir déformant où le leader, c’était l’angoisse de grandir hors de toute norme et d’apprendre à hurler en cadence.
Korn, années charnières et raffut néo-métallique en pleine mutation
En 1998, le métal est devenu ce terrain vague où se perdent les fumerolles d’un grunge défunt. Korn construit son Olympe à coups de refrain collés-serrés, de breakdowns extirpant la moelle osseuse et d’une esthétique brown-bag propulsée par l’angoisse. Les membres du groupe – Jonathan Davis, Fieldy, Head, Munky, et David Silveria – incarnent un melting-pot d’influences sourdes : la basse rebondit comme chez Faith No More, les voix giclent entre la confession clinique et le débit rugueux d’un rappeur névrosé. À peine distinguable de ses contemporains à ses débuts (Papa Roach ou Deftones), mais à peine.
En ligne de mire, la démocratisation du « metal nu », ce Frankenstein de genres cousus sur le chagrin bruitiste de jeunes gavés de téléviseurs poussiéreux. Korn traçait une voie, blindée d’hybridations osmotiques, marquant sa différence dans une époque où Metallica s’embourbait dans le post-grunge et où Marilyn Manson s’adjoint les services du scandale permanent pour s’assurer une visibilité pop.
1998, et les albums de cette trempe se font rares, les étiquettes volent bas : les enfants d’Angus Young vouent Korn aux gémonies, les puristes bâillonnent un cri d’orfraie. Sur les bancs du lycée, les t-shirts noirs se multiplient, la figure de proue du mal-être devient universelle. Il faut croire que ça ne suffisait pas à Korn d’être le groupe préféré des djeunz en mal de vivre depuis deux albums : il leur fallait conquérir le monde. En s’enfonçant dans le groove sale de « Follow the Leader », Korn va plonger une génération entière dans la fange, et ce n’est pas la première vague des clones opportunistes, tels que des avatars pâles de Linkin Park ou Limp Bizkit, qui viendront les détrôner.
Groupe | Principal Album 1998 | Évolution de style | Relation à Korn |
---|---|---|---|
Korn | Follow the Leader | Nu metal, fusion rap | Leaders fondateurs |
Deftones | Around the Fur | Ambiances éthérées, metal alternatif | Alliés et challengers |
Slipknot | Slipknot | Rapidité, brutalité, masques | Inspirés, distanciation stylistique |
Linkin Park | Hybrid Theory (2000) | Fusion massive, voix claires/rap | Descendance assumée |
Limp Bizkit | Significant Other | Rapcore, humour gras | Partenaires de route |
Papa Roach | Infest (2000) | Hybridation rock/rap, colère juvénile | Épigones tardifs |
Les groupes à la Metallica poussent vers l’épure et le colossal, mais Korn prend le contre-pied : riffs concassés, paroles comme des graffitis sur la porte des toilettes, production granuleuse. Ce sont eux qui feront éclater la bulle du nu metal, préparant le terrain pour une déferlante de suiveurs, mais aussi d’opposants farouches, créant un dialogue déchiré où chaque mesure compte double.
Reste à savoir ce qui se tramait réellement dans les studios, sous les néons blafards et les cendriers pleins. L’histoire – et l’analyse – commence toujours à la racine sonore…

KORN
Enregistrements, manipulations et coulisses d’un album mutant
L’époque où Korn pond « Follow the Leader » voit les studios s’ériger en laboratoires infernaux. Exit Ross Robinson, architecte des deux premiers albums, et bienvenue à l’ambigu duo Steve Thompson/Toby Wright, qui ose tripatouiller les sons jusqu’à les rendre méconnaissables. Les sessions d’enregistrement – majoritairement au NRG Studios à Hollywood – s’enfoncent dans la moiteur, oscillant entre tensiometre punk et discipline de forçat.
Le groupe traîne dans les couloirs, Fieldy accorde et désaccorde sa basse à coups de poing sur les cordes, tandis que Head et Munky tordent leurs Ibanez jusqu’à leur faire vomir des accords que même les guitares de Faith No More auraient refusé de prononcer en public. Jonathan Davis, lui, hante le studio comme un spectre. L’écriture de « Pretty » le pousse à convoquer les souvenirs sordides d’une autopsie, et il s’enferme dans la cabine, hurlant jusqu’à l’enrouement devant un parterre d’ingénieurs médusés. C’est dans cet état second que le projet prend corps. La rumeur veut que la chanson « Justin » soit marquée par les vœux d’un enfant gravement malade, dont la minute de silence (douze pistes muettes) devient un hommage silencieux – chose rare en 1998, avant que l’ostentation ne prenne le pas sur l’émotion sincère.
La production, massive, privilégie la rondeur et le tranchant : chaque instrument sonne distinctement, le mixage donne l’impression d’entendre du gravier qui s’effondre sur la moquette. La batterie de David Silveria claque sec, presque industrielle, et le sampling électronique surgit ici et là (notamment sur « Dead Bodies Everywhere » et les intros déchirées de « It’s On! » ou « Seed »).
Avec un tableau de collaborations à faire pâlir un festival US de la fin du siècle – Ice Cube, Fred Durst, et, dans l’ombre portée, la présence effacée mais persistante du rap new-yorkais – l’enregistrement vire par moments à la session de jam improvisée. Loin de la sécheresse zen des studios Metallica, Korn s’autorise les accrochages improvisés, parfois conflictuels. On sent que la création de « All in the Family », duel ricanant entre Davis et Durst, est tout sauf planifiée.
Chanson | Collaborateur | Anecdote de studio |
---|---|---|
All in the Family | Fred Durst (Limp Bizkit) | Improvisation sur des rimes insultantes, éclats de rire en cabine |
Children of the Korn | Ice Cube | Fusion rap/metal impulsée par une session night-owl à LA |
Justin | Aucun | Exécution guidée par une histoire tragique, minute de silence symbolique |
Les innovations techniques n’en restent pas là : chaque titre est mixé comme pour servir la radio, mais avec assez de nuances pour égarer l’auditeur inattentif. À l’écoute, on bascule du groove agressif à l’introspection nauséeuse, prouvant que le nu-metal n’a jamais été ce bloc homogène que certains critiques s’entêtaient à lui accoler.
Là réside le sel du disque, échappant au formatage tout en plaisant aux programmateurs. L’aspect studio, remous constants entre tradition et provocation, sera longuement cité lors des remasters futurs, qui tenteront de restituer cette noirceur insaisissable.
Atmosphères, paroles et signatures musicales : Korn dynamite la norme
Oubliez le power-chord bête et méchant : Korn s’emploie sur « Follow the Leader » à brouiller toutes les cartes, injectant l’angoisse adolescentine à coups de riffs syncopés, nappes atonales et refrains en dents de scie. Une approche qui démantèle l’idée même du metal traditionnel, tout en saccageant le terrain vague du grunge arrivé à saturation trois ans plus tôt.
L’album s’ouvre, non pas avec un morceau, mais avec 12 pauses silencieuses – un clin d’œil morbide transformé en hommage, ou une moquerie subtile à l’encontre des conventions radio. Ce qui suit, c’est une galerie postmoderne de souffrances, « It’s On! » instillant d’entrée cette dynamique de catharsis, entre violence latente et groove infectieux. On repère la patte Davis : paroles torturées, hachées, jusqu’à l’obscénité, − mais jamais gratuites. Que ce soit dans « Pretty » où s’entrelacent trauma et jazz nocturne, ou sur « Freak on a Leash », single manifeste de la génération PlayStation, Korn étire son spectre, balançant entre chant clair et éructation comme une funambule sur fil barbelé.
L’agencement musical, dopé par les expérimentations de Head et Munky, force le respect. Le duo déconstruit systématiquement les lignes mélodiques : distorsions granuleuses, harmoniques mortes, effets de whammy, rien ne leur échappe. Fieldy, lui, bastonne la basse façon percussions tribales, souvent plus proche du slap façon funk que du ronron classique popularisé chez Metallica. Côté batterie, David Silveria module attaque et groove, variant les frappes sèches avec des cassures inattendues.
Le thème principal reste la violence du quotidien, le refus d’une société normée, la nostalgie de vies abîmées avant l’âge. Nombre de chansons, comme « Dead Bodies Everywhere » ou « BBK », évoquent moins le défouloir punk qu’une errance mentale jamais loin de la rupture. Des invités fusionnent le tout dans une orgie sonore qui ne cesse de surprendre : Ice Cube déclame, Fred Durst cabotine – le tout encadré par une production qui refuse systématiquement l’uniformité.
Titre | Thématique lyrique | Ambiance dominante |
---|---|---|
Freak on a Leash | Dépendance, aliénation médiatique | Tension croissante |
Got The Life | Recherche du plaisir, frustration existentielle | Groove dansant et métallique |
Pretty | Trauma personnel, horreur du réel | Oscillation jazz et colère pure |
Dead Bodies Everywhere | Rejet de l’autorité, désespoir social | Groove tordu, ambiance glauque |
Children of the Korn | Rage générationnelle, union des marges | Fusion rap/metal féroce |
D’un morceau à l’autre, la dialectique entre innovation et accessibilité bâtit un style inimitable, scrutant le gouffre sans jamais y tomber complètement. On est loin du son martial de System of a Down ou de la froideur clinique des derniers Marilyn Manson. Korn, avec « Follow the Leader », se permet d’ajouter une couche d’ironie macabre à une scène déjà sursaturée de cris.
Il s’agit, au final, de la construction d’une œuvre-somme où chaque note est un crachat à la face d’une industrie qui préférait Livin’ la Vida Loca aux déchirures du néo-métal. Une équation à plusieurs inconnues, qui ne cessera de hanter les charts du monde entier.
Réception critique et déferlante sur le marché : Korn change la donne du metal nu
Lorsque « Follow the Leader » sort, l’intelligentsia rock – le nez encore endolori par le riff écrasant du Metallica époque « Load » – hésite entre incompréhension agacée et fascination coupable. Pourtant l’album s’écoule à plus de 10 millions d’exemplaires, dont une moitié sur un marché américain jusque-là pudibond face à la subversion. Korn, d’obscures figures de l’inconfort, deviennent en une saison icônes ringardes pour une partie de la vieille garde… et héros pour ceux qui n’avaient jusque-là aucune famille musicale.
La critique, partagée, hésite. Certains y voient le chant du cygne d’un genre mutant, d’autres une porte d’entrée vers un renouveau nécessaire. Sur MTV, « Freak on a Leash » tourne en boucle, la jeunesse reprend le refrain à s’en décoller la glotte – clin d’œil triste à l’époque où les radios FM refusaient ne serait-ce que de citer le nom de Korn. L’album truste la première place du Billboard, décroche disques de platine à la chaîne, et propulse les membres du groupe dans une spirale endiablée de tournées, shows télévisés et interviews parfois surréalistes.
Le plus marquant, c’est la division engendrée dans la communauté metal : pour chaque journaliste qui salue la créativité, un autre raille l’absence de solos, la brutalité du son ou les tendances borderline des paroles. La presse spécialisée – d’RockSound.fr à Kerrang! – multiplie les analyses contradictoires, nourrissant le mythe d’un album à la fois profitable et inconfortable. Les critiques issus de la vieille école, échaudés par la mainmise de Rick Rubin sur les destinées des Red Hot Chili Peppers ou de System of a Down, voient dans Korn le passage du metal des caves à celui des arènes.
Média | Note/Appréciation | Argument principal |
---|---|---|
Rolling Stone | 4/5 | Production novatrice, hit contagieux |
Kerrang! | 3.5/5 | Divertissant mais polarisant |
RockSound | 8/10 | Album déterminant pour la décennie |
Billboard | N°1 ventes US | Succès commercial inattendu |
Metal Hammer | 7/10 | Expérimentation audacieuse, moins sombre qu’attendu |
En fin de compte, « Follow the Leader » redéfinit la donne : plus accessible qu’ »Issues », plus délirant que « Life Is Peachy », il incarne cette passerelle dangereuse entre marge et mainstream, piétinant allègrement la frontière. Les ventes s’envolent, les réponses critiques oscillent : Korn, pour la première fois, se retrouve avec le monde à ses pieds… sans jamais cesser de grincer des dents.
L’impact ne se mesure pas à la seule visibilité : il ricoche sur Metallica, influence les textes et le jeu de Linkin Park, pousse les clones à revoir leur copie et ébranle les fondations mêmes de l’industrie musicale, désormais sommée de prendre au sérieux ces marginaux imberbes.
Legacy : Korn, catalyseur d’une scène, parangon du chaos maîtrisé
Si on devait désigner l’épicentre du cataclysme nu-métallique de la fin de siècle, « Follow the Leader » serait cet instant où la faille s’est ouverte. Non content de pulvériser les stéréotypes, Korn tend un miroir malsain à tous ses héritiers, des vocalises possédées de Chester Bennington dans Linkin Park aux fulgurances syncopées de Slipknot. Une filiation qui traversera rapidement l’Atlantique, imprégnant Papa Roach, Deftones, System of a Down, jusqu’aux gargouillis industrieux d’un Marilyn Manson plus enclin à la provocation qu’à l’innovation pure.
Le grand récit du rock moderne retiendra que c’est l’album de tous les carrefours : le dernier dont chaque émission sur MTV était un quasi manifeste générationnel, le premier à marier radicalité et groove dans une orgie de samples, de riffs tordus et de refrains tapageurs. Alors que Metallica s’enfonce dans le miroir déformant d’une respectabilité relative, Korn s’arrange pour que chaque morceau devienne un pavé lancé dans la mare des conventions.
Ce rôle central de catalyseur immédiat se retrouve dans la prolifération de groupes qui, durant les années 2000, se réclameront de cet héritage sans jamais en retrouver la folie balisée : moshpits plus féroces, mélanges de synthés et guitares, chant/rap omniprésents.
Artiste/Projet | Élément hérité de Korn | Album-clé référencé |
---|---|---|
Limp Bizkit | Mélange rap/metal, auto-dérision | Significant Other |
Linkin Park | Fusion des genres, refrains fédérateurs | Hybrid Theory |
Papa Roach | Énergie confessionnelle, groove pesant | Infest |
System of a Down | Structuration imprévisible, textes corrosifs | Toxicity |
Deftones | Hybridation voix claire/chant écorché | White Pony |
Pour qui observe les résurgences du néo en 2025, il est évident que la zone sinistrée et fertile qu’a été « Follow the Leader » continue d’irriguer les scènes metal et alternatives. Même si le flambeau est repris, voire tordu, par des artistes bidouilleurs, l’impulsion initiale renaît chaque fois qu’un groupe ose naviguer à la frontière de la violence et de la mélodie.
Pour qui veut comprendre le XXe siècle finissant autant que la genèse du metal contemporain, il faudra toujours revenir à ces douze pistes sabotées, hérissées comme un terrain vague au cœur du rêve américain.
Korn, membres, manies et légendes autour de Follow the Leader
Un album ne s’écrit pas sans une mécanique collective – ou un collectif à la mécanique déglinguée. Dans le cas de Korn, l’alchimie viciée de « Follow the Leader » est le fruit d’une conjonction d’individualités piétinant l’égo collectif pour le magnifier sur bande. Jonathan Davis, vocaliste-charognard, injecte dans chaque couplet une rage éduquée dans la fosse commune des souvenirs familiers ; Fieldy, basse d’un autre monde, distribue les gifles rythmiques ; Head et Munky s’emploient à pulvériser la distinction leader/second voz dans un ping-pong permanent de guitares. Quant à David Silveria, il tient la barque, beats ciselés, frappes métronomiques, refusant la facilité du tout-puissant blastbeat.
Le session crew – producteurs, ingénieurs – joue aussi sa partition. Steve Thompson et Toby Wright sabrent les automatismes de production, préférant le chaos organisé à la stérilité attendue. L’ambiance en studio est digne d’une série HBO trash : champagne tiède, nuits blanches, coups de colère et même, dit-on, une jam session avortée impliquant un Fred Durst déchaîné et des cris qui auront surpris tous les occupants anonymes du NRG Studios. Plusieurs anecdotes veulent que le groupe ait composé certaines sections de « Dead Bodies Everywhere » entre deux matches improvisés de basketball, histoire de décompresser.
Nom | Instrument/Rôle | Contribution notable |
---|---|---|
Jonathan Davis | Chant, cornemuse | Paroles sombres, étonnante versatilité vocale |
Fieldy (Reginald Arvizu) | Basse | Slap distordu, groove atypique |
Head (Brian Welch) | Guitare | Riffs déstructurés, harmonie tordue |
Munky (James Shaffer) | Guitare | Effets spéciaux sonores, bruitages inédits |
David Silveria | Batterie | Groove saccadé, technique personnelle |
Steve Thompson/Toby Wright | Production | Mixage novateur, son massif |
Au fil des ans, les membres ont revisité cet album lors de dates-anniversaires et de re-formations improvisées, souvent en intégrant de nouveaux codes scéniques tout droit sortis du laboratoire néo-métal 2.0, comme on peut le lire dans ce compte rendu détaillé sur RockSound.fr.
L’album a ensuite engendré maintes spéculations, bootlegs contestés et versions alternatives tardivement exhumées lors de diverses rééditions. Un mythe qui continue à se nourrir de l’impossible réconciliation entre mainstream et marges.
Rééditions, lives, remasters et résurgences : « Follow the Leader » et ses incarnations multiples
L’histoire ne s’arrête pas au master original. « Follow the Leader » aura connu plusieurs réincarnations, versions remasterisées et éditions anniversaires, souvent lustrées par un packaging racoleur et des bonus – parfois dispensables – parfois nécessaires pour saisir la dynamique inédite du groupe sur scène.
Le souffle du live s’avère être un autre laboratoire : Korn y déconstruit ses propres compositions, extirpe l’énergie brute, docteur Frankenstein qui, chaque soir, ressuscite une créature différente. Les concerts donnés pour célébrer le quinzième ou vingtième anniversaire de l’album ramènent sur scène les morceaux dans leur intégralité, souvent amplifiés, modifiés, croisant la furie initiale avec l’expérience acquise en deux décennies de tournées à la frontière de la rupture.
La remasterisation opérée par Thompson sur les versions deluxe tente de raviver l’esprit crasseux d’origine, ajoutant compression et clarté, sans jamais perdre cette aspérité qui fait l’ADN de Korn. Les éditions collector incluent outtakes, essais ratés de collaborations et captations live échevelées. L’édition anniversaire, supervisée récemment, permet aux collectionneurs de s’extasier devant les démos alternatives ou les versions inédites de « Got the Life » et « Dead Bodies Everywhere ».
Édition | Année | Particularités |
---|---|---|
Originale | 1998 | Tracklist avec plages silencieuses, hommage « Justin » |
Deluxe Remaster | 2013 | Son remastérisé, bonus tracks live |
20th Anniversary Edition | 2018 | Inclus titres inédits, livret richement illustré |
Vinyle Collector | 2023 | Pochette embossée, pressage limité, mastering analogique |
Du point de vue scénique, l’impact visuel et sonore de l’album demeure une référence en la matière : lumière crue, effets stroboscopiques couplés à la scénographie inspirée de Roger Waters remixé par Marilyn Manson. Sur la toile et dans les salles obscures, « Follow the Leader » est devenu, malgré lui, le mètre étalon du chaos relatif, comme le rappelle ce classement des meilleurs lives de Korn résumé sur RockSound.fr.
La dernière décennie a vu la multiplication de faux remixes, samples réutilisés et covers plus ou moins inspirées, témoignant d’une vitalité qui dépasse la simple nostalgie : « Follow the Leader » n’a jamais fait l’objet d’un consensus, mais reste une matrice qui ne cesse de nourrir la scène metal et crossover, repoussant sans cesse le spectre de l’anonymat.
Rétro-éclairage et citations : une mythologie en expansion constante
Impossible de clore l’autopsie d’un tel monstre sonore sans ausculter la multitude de déclarations, justifications et exégèses qui jalonnent sa trajectoire. On prête à Jonathan Davis ces propos peu avant la sortie de l’album : « Je voulais que chaque chanson soit une partie de moi qu’on déchire. J’ai tout laissé sur la bande. » Head, de son côté, évoque souvent la « naissance d’une bête incontrôlable », allusion au chaos créatif ayant rythmé la production.
Les critiques, quant à eux, n’ont jamais tari de remarques acides ou admiratives : Lester Bangs lui-même (posthume, grâce à ses héritiers spirituels) aurait qualifié l’opus de « coup de genou dans la trachée artère de la respectabilité musicale des années 90 », tandis que d’aucuns chez RockSound.fr en on fait un exemplaire du disque « qui jamais ne rassure, mais toujours hypnotise ».
Plus tangible : l’écho du disque dans la scène internationale. Kerry King (Slayer) évoque sa rencontre avec Korn comme un « rappel que la violence pouvait avoir un groove », tandis que les membres de Slipknot confient régulièrement s’être inspirés de la dynamique « violence-accroche » propre à « Follow the Leader ». Mike Shinoda (Linkin Park) expliquait lors de la promo d’ »Minutes to Midnight » combien la brèche ouverte par l’album avait changé sa manière de composer.
La critique universitaire s’est elle-même emparée du disque, pointant son jeu avec les codes de la masculinité toxique, de l’apocalyptique post-industriel, ou encore sa dimension cathartique pour les générations de l’ère internet – chronique illustrée sur RockSound.fr, lors du vingtième anniversaire de l’album.
Auteur/Artiste | Citation | Contexte/Date |
---|---|---|
Jonathan Davis | « Tout ce que j’avais à donner, c’est sur ce disque. » | Interview Kerrang!, 1998 |
Head | « Chaque créature sur cet album était un monstre en devenir. » | Making-of NRG Studios, 1998 |
Kerry King | « La première fois que j’ai entendu Got the Life, j’ai compris où allait le metal. » | Documentaire Metal Evolution, 2007 |
Mike Shinoda | « Follow the Leader a changé notre rapport au son, définitivement. » | Interview RockSound, 2018 |
En définitive, l’album se présente comme un vortex d’affects et de sons, catalyseur mutant qui braque une lumière macabre sur la fin du XXe siècle. Discussion jamais close, mythe en expansion : « Follow the Leader » déchire encore aujourd’hui ses oripeaux, oscillant entre rage et introspection.
Pistes de l’album : panorama et commentaires
Au détour des sillons, chaque morceau déploie une facette du malaise post-moderne cher à Korn. Voici, en détail, la liste des titres présents sur « Follow the Leader » :
- It’s On! : Portail du chaos, groove sanglant et tension initiale — la marque de fabrique d’une ouverture qui cogne.
- Freak on a Leash : Manifeste générationnel, riff mémorable, chant syncopé ; la mélancolie prend ici les atours d’un monstre pop.
- Got the Life : Alliance du disco et du metal ; beat meurtrier et basse bondissante, morceau emblématique du virage fusion du groupe.
- Dead Bodies Everywhere : Basse tellurique, ambiances malsaines, texte en équilibre entre la provocation et l’hallucination.
- Children of the Korn : Fusion rap/metal avec Ice Cube, hymne de la marginalité refusant tout formatage.
- B.B.K. : Dissonance et puissance, section rythmique martelée, guitare aliénée, résultat d’un laboratoire sonore détraqué.
- Pretty : Ambiance obscene, versants jazzy et breaks surgissants, l’un des titres les plus narratifs du lot.
- All in the Family : Battle ricanant entre Jonathan Davis et Fred Durst, joute verbale sur fond de riffs plombés.
- Reclaim My Place : Retour aux racines, syncopes et “what the fuck” en rafales, dynamique percutante.
- Justin : Un des morceaux les plus sombres, pansée à une blessure réelle, déchirante par son contexte.
- Seed : Mélange d’urgence et de répit, pont assuré par la versatilité de Davis.
- Cameltosis : Groove visqueux, titre souvent sous-estimé mais essentiel à la dynamique de l’album.
- My Gift to You : Ballade toxique, chant étiré, explosion finale, la clôture parfaite.
Les transitions entre chaque plage reflètent la volonté du groupe d’abolir la monotonie, surfant sur les atmosphères en rupture perpétuelle.
Conclusion
Korn, en pulvérisant le carcan du riff et de la confession en strings, offre avec « Follow the Leader » l’alphabet du metal nu, propulsant le genre dans une dimension nouvelle, transgressive, fusionnant la noirceur d’un Faith No More des grands soirs avec la bestialité rapcore d’une génération sans repères. Si le groupe a pu depuis explorer des sentiers moins escarpés, sa place dans l’histoire de la musique reste fixée au cœur du grand cyclone néo-métal – aux côtés de Metallica, Slipknot, Deftones mais aussi Papa Roach et System of a Down, qui n’oublieront jamais leur dette. Pour approfondir, l’œil curieux consultera le dossier dédié sur Korn et le metal sur RockSound.fr ou se promènera sur le Site officiel du groupe pour explorer les multiples reflets de leur discographie.