Man that you fear, Marilyn Manson : Derrière le masque

Par Bruce Tringale
Publié le 30 décembre 2024

C’est comme si la honte devait lui survivre. On se rappelle que la sortie de l’album précédent de Marilyn Manson, We Are Chaos, avait déjà été entaché par le scandale lancé par Evan Rachel Wood et bientôt relayé par d’anciennes groupies, assistantes ou collaboratrices de l’autoproclamé « dieu de la baise ». Si le fan hardcore supputait déjà que Marilyn Manson était un gros con égocentrique et mégalomane, il lui fallait quand même accuser le coup de toutes ces accusations épouvantables de viol, séquestrations et mutilations sur ces jeunes femmes qui avaient toutes comme dénominateur commun de s’être laissées attirer par le serpent, avant d’être mordues…

 

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4 ans plus tard, des fouilles à domicile du FBI qui n’ont rien donné, des poursuites abandonnées et des règlements financiers à la clé, Manson revenait affuté comme jamais avec un disque brillant sur lequel on pouvait quand même émettre des réserves déontologiques. Et c’est à ce moment qu’un documentaire en trois parties de Karen McGann vient ternir l’opération rédemption tentée par Manson. Curieusement, ces 120 minutes extrêmement bien documentées et qui ont le mérite de donner voix et visages à ses accusatrices, ne provoquent pas le même tollé sur les réseaux sociaux qu’il y a quatre ans.
Et pourtant…

 

Un constat accablant

Le constat est pourtant aussi accablant que le document sur Depardieu diffusé il y a quelques mois sur France Télévisions. Déclarations pédophiles minables bien loin de l’image de dandy qu’il voulait se donner, sexisme à tous les étages avec apologies du viol et de la torture, il est de plus en plus difficile de se voiler la face sur la véritable nature de Marilyn Manson qui, comme Rolling Stone le rappelait dans une enquête qui aura duré 9 mois (!), serait un véritable monstre caché en pleine lumière. Celle de notre adulation construite sur la souffrance et la dévastation semée autour de lui.

Le documentaire rappelle, sans haine, les qualités intrinsèques de Marilyn Manson : l’homme est brillant, charismatique et possédé par sa mission de rock star. Il convient même de le préciser : toutes ses victimes étaient consentantes et continuaient même de le fréquenter malgré les violences infligées. En cela, le documentaire est une véritable illustration du phénomène d’emprise entre des victimes aux blessures intérieures manifestes qu’elles chercheraient à guérir auprès d’un bourreau séduisant et pervers. On appelle ça tout simplement, de la violence conjugale.

 

Marilyn Manson

Marilyn Manson

 

Il convient de dresser l’inventaire de ce que Marilyn Manson chantait, et nous avec lui, et de ce que ces femmes ont subi : ces abus qu’il glorifiait dans « Sweet Dreams », ces viols qu’il scandait dans « Angel With the Scabbed Wings » ou le plaisir de la violence physique dans « Pistol Whipped » vont plus loin que la simple licence artistique (tu es si belle quand tu pleures/je ne veux pas te frapper/mais notre amour c’est avant tout : ton nez en sang, un lèvre tuméfiée et un œil au beurre noir).

Le documentaire se veut assez honnête et laisse la parole à la défense de Marilyn Manson en rappelant que la plupart des affaires son désormais classées. Son irascible avocat Howard King, cynique et imperturbable témoigne : ces femmes mentent et veulent  toutes leur minute de gloire. D’ailleurs, elles se seraient toutes liguées contre lui pour ruiner sa carrière, un postulat aussi paranoïaque que l’univers de Manson et des arguments de défense rétrogrades visant à blâmer les victimes, quasiment les mêmes que ceux de grands féministes comme Doillon, Depardieu, Miller, PPDA ou Matzneff.

Lorsque défilent à l’écran ces femmes en larmes aux traumas visibles, lorsque témoigne Evan Rachel Wood, digne et précise dans ses accusations, lorsque certaines d’entre elles abandonnent leurs plaintes à cause du bashing des réseaux sociaux, de messages de haine, de mort ou de viol, on peut pourtant légitimement se demander quel bénéfice elles ont tiré de tout ça…

 

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Evan Rachel Wood, digne et crédible

 

Marilyn Manson : Un monstre caché en pleine lumière

Parmi les défenseurs de Marilyn Manson, un représentant assez inattendu : Stephen Bier son ancien claviériste aka Pogo ou Madonna Wayne Gacy qui, il n’y a pas si longtemps encore, souhaitait la mort de son ancien patron sur les réseaux sociaux. Celui-là même qui dans les mémoires de Manson participait à l’incident de la viande en hurlant vouloir baiser l’oreille d’une groupie sourde, couverte de viande et et de pisse…

Le fin mot de cette histoire : Marilyn Manson n’en ressort pas grandi. Défendu par ses illustres pairs (Ozzy et Alice Cooper en tête), il n’ira jamais sans doute au tribunal pour démentir les faits et encore moins en prison. Evan Rachel Wood dans une séquence surprenante autorise même ses fans à continuer à écouter sa musique tant qu’ils ne se bercent plus d’illusions sur la véritable nature du bonhomme. Un modèle d’ouverture d’esprit lorsque de son côté, Manson avec sa voix la plus cruelle, continue de chanter qu’il donnera des cauchemars à toutes ces femmes…
Chacun restera donc sur ses opinions, les fans auront le choix, comme ceux de Michael Jackson de composer avec les terribles accusations de pédophilie dont le roi de la pop avait également fait l’objet de son vivant.

On pourra détester Marilyn Manson pour cela : pas seulement cette Histoire de Violence mais aussi pour avoir donné raison aux puritains, aux évangélistes et à tous les casse-couilles d’extrême droite qui interdisaient ses concerts. En ce temps-là, il était le champion de notre liberté d’expression, un empêcheur de penser en rond et c’est bien le rock qu’il a trahi.

 

Marilyn Manson – As Sick As The Secrets Within

Marilyn Manson – As Sick As The Secrets Within

 

Marilyn Manson : Derrière le masque, est disponible et visible sur Canal Plus.

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