The Devil Wears Prada revient avec Flowers. Près de vingt ans après leur premier album, le groupe américain sort son neuvième disque le 14 novembre chez Solid State Records, et semble prêt à surprendre à nouveau.

Qu’il en a fait du chemin, le jeune groupe de Dayton, Ohio, fils d’un Rock chrétien typiquement américain, où l’on peut hurler sa foi et ses doutes tout en vendant des albums comme des cierges parfumés. Après avoir traversé les turpitudes du metalcore brut de ses débuts rageurs du Midwest, il revient aujourd’hui avec un bouquet de fleurs entre les mains.
De la genèse ravagée, il reste leur goût pour le contraste entre passages calmes et moments ultra-intenses, et c’est à peu près tout. Mais c’est déjà beaucoup : ce va-et-vient constant entre tension et apaisement définit leur manière unique de raconter le chaos intérieur. Chaque accalmie prépare l’explosion suivante, chaque montée de violence se teinte d’une émotion presque fragile, comme si la rage ne pouvait exister que parce qu’elle est tempérée par la beauté.
Parfois, entre ces grands écarts, l’équilibre parfait semble se trouver sous leurs yeux, comme une évidence. On pense notamment au single très réussi “So Low”, où la tension entre la mélancolie du début et l’explosion instrumentale finale crée un vertige parfaitement maîtrisé. Parfois encore, des bribes du passé nous reviennent via les cris de Mike Hranica sur “For You” ou via les riffs et breakdowns destructeurs de “All Out”, rappelant l’énergie brute de leurs débuts. Mais ici, la violence n’est plus gratuite : elle s’inscrit dans un cadre maîtrisé, sublimée par des mélodies et des textures nouvelles. The Devil Wears Prada semble savoir exactement quand pousser, quand relâcher, transformant chaque explosion en un moment d’émancipation parfaitement orchestré.
Un regard pop est aussi très présent — “Everybody Knows”, “Wave”, peut-être encore plus qu’avant. Suivra qui voudra : The Devil Wears Prada n’a jamais eu peur de salir ses refrains ni de tendre la main à ceux qui ne comprenaient pas encore qu’on peut à la fois hurler et briller en moins de 3 minutes 30. Et plus on progresse dans l’album, plus la douceur nous enveloppe, comme si The Devil Wears Prada, après avoir longtemps hurlé leur colère contre le monde, apprenaient enfin à s’apaiser sans perdre de leur force. Derrière la mélancolie affleure une lumière nouvelle — fragile, mais bien réelle. Une forme d’acceptation, presque de tendresse, envers ce qu’ils sont devenus, et envers ce que leur musique a toujours cherché à guérir.
Il y a aussi cette idée de progression, notamment sur le bouillonnant “Eyes”, qui s’ouvre dans une mélancolie feutrée avant d’exploser, quatre minutes plus tard, en une apothéose de cris, de guitares et de synthés. Comme si The Devil Wears Prada retraçait en accéléré tout un cycle émotionnel — la résignation, la colère, puis la libération. “Eyes” condense à elle seule ce mouvement vital : partir du doute pour rejoindre la foi, s’effondrer pour mieux renaître. On comprend alors que chez The Devil Wears Prada, cette montée en tension n’a rien de gratuit : elle traduit un besoin presque spirituel de transmuer la violence en lumière, de trouver dans le vacarme une forme de paix ou d’absolution.
Parmi les grands moments de bravoure de ce disque, on pense à “The Silence”, un titre très pop lui aussi, qui lorgne parfois vers des sonorités anglo-saxonnes à la Twenty One Pilots. Derrière cette façade accessible, le morceau révèle un groupe courageux qui ose et s’inspire de ce qui lui parle ailleurs, de ce qui entre en résonance avec lui, pour enrichir son propre univers. Les dynamiques restent maîtrisées, le contraste entre douceur et explosion intact, et cette capacité à absorber des influences extérieures sans se trahir montre à quel point The Devil Wears Prada sait évoluer tout en conservant son identité.

The Devil Wears Prada
Ce nouvel album, comme souvent avec The Devil Wears Prada fait la part belle aux opposées, aux extrêmes de la vie, aux antipodes. Le manichéisme à son paroxysme c’est en somme le carburant de The Devil Wears Prada : l’équilibre impossible entre le spirituel et le viscéral. Flowers aborde la perte, la résilience et la guérison, tout en montrant un groupe en pleine floraison créative même après 20 ans de pèlerinage sur les routes ou leur Metalcore, façon chemin de croix, a bien voulu les mener.
Mais au fond, que reste-t-il aujourd’hui de cette culture qui faisait de la foi un style musical à part entière ? Peut-on vraiment détacher The Devil Wears Prada de ses origines, ou faut-il y voir, encore, une forme de prosélytisme déguisé ? La question mérite d’être posée, d’autant que The Devil Wears Prada semble, disque après disque, s’éloigner du dogme pour embrasser quelque chose de plus universel : la foi non pas en Dieu, mais en la possibilité même de continuer à croire, à espérer, à créer du sens dans le chaos. Ne serait-ce alors qu’une prétention, un argument de vente ? Des illusions savamment orchestrées pour engranger quelques deniers au nom de Jésus, ou bien la simple traduction d’une culture américaine que nous ne saisirons jamais tout à fait ? Peut-être un peu des deux. The Devil Wears Prada semble vouloir donner cette image de ceux chez qui la foi n’a jamais été outil marketing, mais un cadre, un langage, une manière d’exorciser ses propres contradictions à travers la musique. Croyons les, ou pas !
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