EKKSTACY

INTERVIEW – Ekkstacy : « La musique est une addiction »

par | 5 Juin 2025 | INTERVIEW

⏱ Temps de lecture : 9 min

Un son brut, une énergie sombre et une urgence viscérale : Ekkstacy incarne la rébellion moderne entre punk, rock et mélancolie profonde, canalisant l’angoisse de sa génération à travers des riffs fiévreux et une voix au bord de la rupture. Chaque morceau est un exutoire, une immersion dans l’intensité d’un artiste torturé qui ne cherche pas à plaire, mais à exprimer sans filtre ce qu’il ressent. Comme sa musique, ses tatouages sont une extension de ses émotions, gravés sur sa peau comme des fragments de son histoire, entre chaos et catharsis visuelle.

Ekkstacy

Ekkstacy

 

Il était de passage au Supersonic Records il y a peu pour un concert exclusif à l’occasion de la sortie de son album Forever et autant vous dire que c’est la première fois que je vois des wall of death dans cet endroit aussi cool que minuscule. Pourtant le manque de place n’a pas arrêté les fans… bien au contraire. Et c’est dans une salle embrumée par la chaleur façon hammam (mais sans l’eucalyptus) qu’Ekkstacy a laissé exploser son énergie et son plaisir d’être sur scène. Et ce soir, il n’était pas question de tristesse, mais de partage, de kiff et de sueur. Et c’est un Ekkstacy fatigué, vidé, mais heureux que j’ai vu débarquer en interview le lendemain pour une interview à chaud entre souvenirs d’une adolescence pas si lointaine et nouveaux projets…

 

Hier soir, quel concert ! Comment l’as-tu vécu ?

Ekkstacy : C’était incroyable, vraiment beau. Probablement le meilleur concert qu’on ait joué à Paris jusqu’ici, peut-être même le meilleur en Europe. Même si la salle était petite, c’était sans doute mon préféré. La dernière fois qu’on a joué ici, c’était déjà un super moment, mais cette fois-ci, c’était encore mieux. L’ambiance était électrique et… humide, disons. La chaleur était folle, j’ai dû laver mon t-shirt après. L’énergie sur scène et dans le public était incroyable.

 

En général, quand je rencontre un artiste pour la première fois, j’aime bien revenir sur ses débuts et comprendre comment il est arrivé là. Remontons dans tes premiers souvenirs… qu’est-ce qui t’a fait aimer la musique ?

Ekkstacy : Je me souviens très bien du morceau qui m’a fait tomber amoureux de la musique : New Flesh de Current Joys. C’est un artiste indie qui vient de Vegas. À l’époque, je travaillais chez Amazon, dans un entrepôt, et j’avais une playlist très réduite : New Flesh, puis Money de The Drums, et Chamber of Reflection de Mac DeMarco. Je bossais de nuit, de 20 h à 6 h du matin, et j’écoutais ces trois morceaux en boucle. Peu après, j’ai découvert Nirvana, et ça a complètement changé ma vision du rock.

 

J’entends beaucoup d’influences différentes dans tes morceaux. La musique, c’est avant tout une forme d’expression pour toi ?

Ekkstacy : C’est une manière de m’exprimer, mais aussi une addiction et un besoin quasi primaire. À ce stade, c’est devenu une nécessité, comme manger, pisser ou dormir. Je ne peux pas m’en passer. La guitare vient toujours en premier. Ensuite, les mots viennent naturellement. Je ne planifie pas, je freestyle la plupart du temps. Parfois, j’enregistre mes idées sur mon téléphone, mais la plupart du temps, je suis juste chez moi, je joue de la guitare et je chante par-dessus. Mon producteur m’envoie des sons qu’il compose et je crée dessus. Puis, on part à LA pour produire le tout.

 

Ekkstacy

Ekkstacy photographié par Caro

 

Tu es retourné vivre à Vancouver récemment ?

Ekkstacy : Oui, ça fait un an maintenant. LA était géniale, mais j’avais trop de colocataires. J’avais besoin de vivre seul, et à LA, c’était compliqué. À Vancouver, au moins, je connais tout le monde, c’est là où j’ai grandi. Je peux vivre seul ET retrouver mes potes quand j’en ai envie de compagnie sans avoir à être entouré en permanence… la promiscuité ce n’est pas une bonne chose pour mon inspiration et ma capacité de travail.

 

Sur scène, tu joues de la guitare, tu as appris en autodidacte ?

Ekkstacy : Oui. J’ai commencé à en jouer sur scène très récemment, hier c’était la troisième fois. Pourtant, je gratte depuis des années, mais j’avais trop peur de jouer devant un public. J’ai fini par me lancer, et ça s’est révélé plutôt fun. Je l’avais prise au collège, puis j’ai arrêté au bout d’un an. Je m’y suis remis en 2020, donc ça fait environ cinq ans. Mais honnêtement… je trouve que je joue encore mal !

 

Pas hier soir en tout cas, ça sonnait très bien. Tu te concentres davantage sur les paroles ? Il y a des thèmes qui reviennent souvent quand tu écris ?

Ekkstacy : Les femmes, la tristesse, l’alcool, les drogues… mais aussi la joie et ma famille. J’ai écrit une chanson pour ma grand-mère, Keep My Head Down. C’est ma préférée. Elle ne parle pas directement d’elle, mais elle lui est dédiée d’une certaine façon. C’est ça, la musique : une manière de retranscrire des émotions.

 

 

J’ai lu dans JQ Magazine qu’ils t’avaient surnommé le « roi emo du sad punk de la Gen Z »… c’est un peu réducteur, non ? Il y a beaucoup de choses dans ta musique : du rock, des vagues sonores, une profondeur qui dépasse l’étiquette.

Ekkstacy : Merci à toi de percevoir tout ça. Oui c’est très réducteur et je n’ai pas apprécié. Je ne suis pas emo, je suis juste émotionnel. Je trouve que emo est devenu un terme un peu limité et réducteur, presque un truc à la mode pour se donner un genre… alors que ma musique explore bien plus de territoires, enfin… j’espère !

 

Pourquoi Ekkstacy ?

Ekkstacy : Mon nom de scène vient d’un état d’esprit. J’étais triste étant gamin, alors j’ai choisi un nom qui représentait l’opposé. Je voulais m’appeler Stacy, mais ce n’est pas mon vrai prénom. Alors Ekkstacy, ça sonnait parfait. Pour moi, c’est une façon de chercher une forme d’extase. Et le choix de Stacy vient de mon admiration pour Stacey Peralta, un skateur que j’apprécie beaucoup.

 

Comment as-tu percé dans la musique ? Tu as été repéré par un label ou tu as envoyé des centaines de démos ?

Ekkstacy : J’ai signé avec un label en 2021, après des tonnes de rendez-vous. En 2020, j’avais envoyé des démos à plusieurs labels, mais personne ne m’avait répondu. Puis, une de mes chansons a explosé sur internet, j’ai trouvé un manager et tout s’est accéléré. On ne m’a pas remarqué grâce aux concerts, c’est uniquement via internet que ça s’est passé. Aujourd’hui, c’est souvent ainsi que les artistes émergent.

 

Ton dernier album a un son très rock, et hier soir tu as présenté tes musiciens comme tes meilleurs amis. Comment les as-tu rencontrés ?

Ekkstacy : J’ai rencontré Hannah, ma bassiste, il y a quelques mois. Je cherchais quelqu’un de nouveau parce que, pour être honnête, je n’aimais pas trop l’ancien bassiste. Il avait un autre groupe, alors je lui ai dit d’y aller. Hannah vit à Vancouver, et dès qu’on s’est rencontrés, j’ai su que ça collerait. Mon guitariste, je joue avec lui depuis trois ans maintenant, donc on est très proches. Et Sean, mon batteur, je l’ai rencontré il y a longtemps aussi. On a joué quelques concerts ensemble, notamment au Mexique. C’est un mec génial, je l’adore. Pourtant, ce groupe-là n’a joué ensemble que quatre concerts jusqu’ici, ce qui est dingue quand on voit notre alchimie sur scène.

 

 

Tu fais une grande tournée avec ce nouvel album, et tu reviendras à Paris en novembre à la Machine du Moulin Rouge. Tu connais la salle où tu vas jouer ?

Ekkstacy : Non, mais on m’a dit qu’elle est beaucoup plus grande que celle d’hier, donc il y aura de la place pour un énorme circle pit ! Ce sera une ambiance différente et j’ai hâte de voir ça.

 

Et Beach House, que tu mentionnais souvent l’an dernier, tu écoutes encore autant ce groupe ?

Ekkstacy : Moins qu’avant, mais ils restent une influence importante. Ils ont clairement inspiré mon dernier album, surtout sur la chanson Keep My Head Down. Je continue d’écouter leurs disques, surtout en vinyle quand je suis chez moi.

 

Si tu pouvais faire une collaboration rêvée, avec qui ce serait ?

Ekkstacy : Kurt, sans hésitation. J’ai rêvé de lui récemment. J’étais à une fête et il était là. Il est venu vers moi et m’a dit : “Hé, ta musique est vraiment bien, mec.” Puis il est reparti. J’étais sous le choc. Meilleur rêve possible, complètement fou.

 

As-tu un meilleur souvenir, que ce soit sur scène ou en studio ?

Ekkstacy : Niveau concert, l’un de mes meilleurs souvenirs a été notre passage au festival Open Air à Munich. C’était la première fois que je jouais avec mon ancien groupe : mon guitariste actuel, mon ancien bassiste et mon batteur, Gigi. J’étais terrifié. Il y avait environ 3 000 personnes, et on avait un bon créneau, vers 20 h. J’ai vomi au moins dix fois avant le concert tellement j’étais stressé. Mais une fois sur scène, c’était incroyable. Pour l’enregistrement, je repense toujours à Keep My Head Down. La création de ce morceau était euphorique. J’étais dans un état second, complètement ailleurs, mais j’ai réussi à garder le cap et à écrire la chanson. J’ai pleuré des heures en voiture en écoutant le morceau en boucle sur le chemin de l’aéroport. C’est une chanson spéciale que j’ai écrite en pensant à ma grand-mère. L’une de mes préférées.

 

Est-ce difficile de rester sobre en tournée ?

Ekkstacy : Oui. J’ai essayé pendant deux mois, mais depuis mes 16 ans, j’ai dû être sobre seulement trois mois au total. Je bois tous les jours, c’est presque une obligation. Je pense parfois à aller en cure de désintoxication.

 

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Ekkstacy photographié par Caro

 

Les lendemains sont compliqués ?

Ekkstacy : Pas physiquement. Mais le matin, je suis hyper anxieux, je dissocie complètement. Je l’appelle the fear. C’est comme une angoisse profonde. Je perds la mémoire de la veille, parfois je ne sais plus ce que j’ai fait… Heureusement, rien de grave jusqu’ici.

 

Quand tu dis blackout, tu veux dire que tu ne te souviens de rien, mais que tu es toujours debout et actif ?

Ekkstacy : Ouais, c’est ça. L’autre jour, j’ai tellement pris de trucs que j’ai perdu toute notion du temps. Le matin, je me suis réveillé à côté de ma copine et on ne savait pas ce qu’il s’était passé. La sobriété, en ce moment, c’est compliqué. Je veux arrêter de boire, mais je n’y arrive pas. Je vais peut-être aller en cure pour m’aider à arrêter.

 

Il faut être bien entouré pour tenir le coup, que ce soit avec tes partenaire de vie ou tes amis musiciens. La force vient aussi de ceux qui t’entourent.

Ekkstacy : Tu as raison et c’est gentil de le dire. Je vais bien, je suis fonctionnel, donc ça va. Ça a été pire, vraiment.

 

Parlons tatouages maintenant. Quand ça a commencé pour toi ?

Ekkstacy : J’ai eu mes premiers à 17 ans, le même jour, sur mon visage. Peu de tatoueurs acceptent de tatouer un ado, surtout pour un premier tatouage, mais l’un d’eux était un ami et fan de ma musique. Il m’a dit : “Allez, on tatoue ton visage.” Je ne regrette aucun tatouage. Après ceux sur mon visage, j’ai fait Forever dans mon dos, une étoile sur mon cou et Love en russe sur ma poitrine. Puis, en Europe, j’ai quasiment rempli tout mon corps en quelques mois.

 

Tu cherches des tatoueurs en voyage ou tu prévois à l’avance ?

Ekkstacy : Tout est DIY. Des gens tatouent chez eux, dans le milieu underground. À Vancouver, tout le monde connaît tout le monde, donc j’ai vite eu des contacts. Je ne prenais jamais de rendez-vous. J’envoyais juste un message du genre : “Je suis là, je peux passer chez toi ?” et c’était réglé. En tournée je vais poster une story en demandant qui est dispo pour me tatouer, et les gens se manifestent tout seuls… je les laisse graver leur art sur ma peau. Je choisis rarement les motifs qu’on me tatoue, parfois j’ai une idée et je demande un truc particulier mais le plus souvent j’aime le fait de porter une pièce imaginée pour moi par quelqu’un d’autre, sans me poser de question sur le style ou le sens.

 

Tes tatouages ont des styles variés. Tu as une préférence ?

Ekkstacy : J’aime les traits fins, presque invisibles. Et les tatouages super noirs aussi. Parfois, je fais des superpositions—juste repasser encore et encore sur les dessins. Un de mes tatouages était rouge au début, mais je l’ai recouvert de noir. J’aime beaucoup mon dos qui est en photo sur la pochette de mon dernier album Forever. C’est le visage de Jésus, il n’est pas encore terminé je vais y ajouter une croix.

 

Qu’est-ce qu’un tatouage représente pour toi ? Un souvenir ? Une histoire ?

Ekkstacy : À la base, c’était une addiction, un besoin, comme manger. Je ne me fais plus tatouer aussi souvent, mais j’en ferai peut-être un aujourd’hui. Certains voient ça comme leur journal intime. Pour moi, c’est un peu ça aussi. Je me souviens de chaque moment, de chaque personne qui m’a tatoué. Chaque tatouage raconte un instant de ma vie.

 

Si tu devais donner un mot de la fin, un dernier message ?

Ekkstacy : Écoutez mon putain de nouvel album, s’il vous plaît.

 

ekkstacy forever album cover

Ekkstacy nouvel album Forever

 

Une interview de Caro @Zi.only.Caro

Retrouvez les actus et dates de concert d’Ekkstacy sur Instagram : @ekkstacy

Son nouvel album Forever est déjà disponible.

Ekkstacy sera en concert à Paris à la Machine du Moulin Rouge le 19 novembre 2025. Billets disponibles ici !