Interview – Frank Carter and the Rattlesnakes : « Le Rock est un espace de liberté pour tout le monde ! »

Par Caro
Publié le 27 octobre 2024

Alors qu’ils viennent d’annoncer un break prochain du groupe après 5 albums et 9 années d’existence, Frank Carter et son acolyte Dean Richardson répondaient à mes questions à Rock en Seine fin août dernier. Entre vieux souvenirs, premières rencontres et nouvelles aspirations, nous avons papoté musique, bains de foule endiablés et encre sur la peau…

Une interview de Caro @Zi.only.Caro

 

Quelle a été la chanson ou l’album qui vous a donné envie de faire de la musique ?

Frank : Moi j’avais 12 ans quand j’ai découvert Nirvana et ça été un vrai choc. J’étais entouré de gens plus âgés, des grands de 18 ans qui avaient des t-shirts trop cool de Nirvana, ça m’avait donné envie d’écouter et ça a été une vraie révélation musicale pour moi. Greenday aussi !

Dean : J’allais dire Greenday ! C’est le premier groupe qui m’a donné envie de jouer de la guitare autrement que tout seul dans ma chambre… et à l’école tous les copains écoutaient aussi. Une fois qu’on a été assez nombreux on s’est dit « ok, on est un groupe maintenant, allons jouer du Greenday ! »

 

Frank Carter By Eric CANTO

Frank Carter By Eric CANTO

 

La guitare était déjà ton instrument de prédilection ?

Dean : Oui, j’ai commencé la guitare très tôt à la maison, même si la première fois que j’ai joué sur scène c’était en tant que batteur car il manquait quelqu’un à la batterie dans un groupe et c’était ma chance de monter sur scène donc j’ai foncé… mais je suis définitivement meilleur guitariste que batteur !

 

Et toi Frank, tu as toujours voulu chanter ou tu avais une autre idée pour t’exprimer en musique ?

Frank : Moi je voulais jouer de la basse, je sais c’est pas le truc qui fait rêver habituellement en premier ahaha, mais j’avais vu System of a Down en 1998 et ça avait changé ma vie. Je voulais jouer de la basse absolument, c’était un lien entre la rythmique et la mélodie. Bon, j’ai fini par faire autre chose finalement et ça ne s’est pas trop mal passé…

 

En même temps, le bassiste est souvent le mec calme et concentré, sauf quand il s’agit de Flea des Red Hot bien sûr…

Frank : Ahaha c’est vrai que j’avais déjà cette énergie à faire sortir et j’avais du mal à me canaliser donc la basse c’était pas totalement fait pour moi…

 

 

Tu écrivais déjà des paroles de chanson à l’époque ?

Frank : Oui, j’ai toujours aimé les mots, écrire c’est comme peindre : c’est mettre en image des pensées, et les mots permettent cette visualisation. J’écrivais de la poésie très jeune et des paroles de chanson, je faisais déjà ça à 12 ans avec mon premier groupe, c’était le chaos mais on rigolait bien et je savais déjà que la musique était ce que je voulais faire le plus au monde !

 

Qui étaient vos icônes rock à l’adolescence ?

Frank : J’avais un poster de Nirvana évidemment et c’est un grand honneur d’avoir pu jouer en même temps que Dave Grohl des Foo Fighters d’ailleurs… J’adorais Deftones aussi comme beaucoup de mes potes, et Slipknot pour toute cette énergie qu’ils envoient. Mais celui qui a eu le plus d’influence sur ma musique c’est Jeff Buckley, je l’adorais. J’ai réécouté son album Grace il y a peu, c’est tellement beau…

 

Comment vous êtes-vous rencontrés tous les deux ?

Dean : Je cherchais quelqu’un qui fasse des tattoos bien dark et Frank travaillait pas mal le noir et les trucs assez sombres à l’époque. Moi je faisais du design graphique et des sites web et on a troqué du tatouage contre du webdesign ce qui explique que j’ai pas mal de pièces de Frank sur moi car on se voyait facilement une fois par semaine pour bosser sur ma peau ou… sur son site.

Je jouais dans un groupe et Frank aussi et il n’était pas encore question de faire de la musique ensemble mais on parlait musique aussi quand on se voyait et ça s’est fait quelques années plus tard après un live où j’étais venu voir Frank jouer.

 

Il y a en toi un paradoxe entre toute cette énergie et cette violence que tu laisses échapper quand tu chantes et quand tu te jettes dans la foule et en même temps beaucoup de bienveillance à l’égard de tes fans… un paradoxe ou un équilibre… Tu étais bagarreur étant petit ?

Frank : Pas bagarreur dans le sens où je cherchais la bagarre, mais la bagarre me trouvait. Je suis rouquin et petit, je te laisse imaginer que je me suis fait pas mal bousculer à cause de ça quand j’étais gamin, je devais m’imposer… Je suis un outsider, un petit homme avec un grand cœur mais je dois contenir des milliers de gens dans la foule qui attendent de moi cette énergie alors j’y vais ! Mon public a aussi cette dualité en lui : un combat personnel qui s’exprime grâce à la musique et aux mots !  Mon talent c’est ça : pas tant cette énergie ou cette violence mais le fait de trouver les mots pour exprimer cette dualité que tant de gens ressentent.

C’est ce qui fait que la musique est si puissante car elle connecte les gens entre eux. Ils se comprennent en se retrouvant dans mes paroles. C’est ce qui fait aussi la beauté de notre relation avec Dean. Lui s’exprime en musique avec sa guitare, là où moi je fais ça avec des paroles. On a eu de la chance de se rencontrer et de se trouver car on se complète. On a beaucoup de choses à dire chacun mais une façon différente de l’exprimer.

 

Le « pit » réservé aux filles est devenu ta marque de fabrique depuis quelques années. D’où t’es venue cette idée ?

Frank : Cela me vient du désir de faire d’un concert de rock un endroit sûr pour tout le monde, spécialement dans le punk-rock, composé de gens qui sont en marge de la société, pas forcément pris en compte ou respectés à cause de leur style ou de leur refus des conventions… et quand je parle à des femmes, elles me disent qu’elles se sont toutes à un moment donné senties mises à l’écart, que ce soit par la société elle-même ou par les hommes. Comme si elles n’avaient pas le droit d’être là, de s’éclater librement. C’est ce que je veux faire. Donner un espace de liberté aux femmes devant la scène.

C’est un devoir, en tant que personnage public avec une foule qui m’écoute, de montrer l’exemple. C’est le minimum que je puisse faire et tous les groupes devraient y penser. Les femmes doivent pouvoir se sentir libres de faire ce qu’elles veulent, y compris à un concert, et encore plus à un concert même, le Rock est un espace de liberté et de respect pour tout le monde !

Dean : Ce qui est super avec ça c’est de constater à quel point les mentalités ont changé à ce sujet dans les dernières années ! Avant il y avait toujours des mecs qui râlaient quand on leur demandait se pousser pour laisser la place aux femmes alors que depuis 5-6 ans les râleurs sont de plus en plus rares et le concert prend une autre tournure après la chanson réservée aux filles ! Les gens se prennent dans les bras, se regardent, font plus attention aux autres…

 

Frank Carter By Eric CANTO

Frank Carter By Eric CANTO

 

Parle-moi un peu de toute cette encre sur toi… tu es tatoueur quand tu n’es pas sur scène ! Le tatouage était ton premier choix de carrière, avant la musique ?

Frank : J’ai toujours voulu être tatoueur et la musique a été un accident de parcours très chanceux sur ma route. J’ai toujours mon shop de tattoo à Londres et c’est un super moyen de me connecter à mes fans et de partager un moment même si j’ai peu de temps à consacrer au tattoo avec les concerts, les tournées, les enregistrements. Je veux conserver cet espace de créativité de liberté plus calme, loin de l’agitation des concerts. Le tatouage c’est mon refuge !

 

Tu as commencé comment ?

Frank : J’ai 3 frères plus jeunes, ils ont été de bons cobayes et ont pas mal de vilains tattoos de mes débuts ahaha ! Mais aussi des plus jolis que j’ai réalisés par la suite, car j’ai évolué dans ma pratique en 20 ans de pique et de dessins heureusement ! Je me suis également un peu piqué moi-même sur les jambes comme beaucoup de tatoueurs débutants.

 

Ton truc c’est le old school depuis le départ ?

Frank : Oui, c’est un style qui m’a toujours attiré, les premiers flashs de Sailor Jerry, les tatouages de marins et les gros traits bien épais qui restent lisibles même au bout 60 ans. Après, si des gens viennent me voir pour un tatouage et qu’ils sont vraiment gentils je leur dessine et je leur tatoue ce qu’ils veulent mais ma préférence va aux motifs old school. J’adore les pokemons aussi, et j’aime bien les redessiner à ma façon…

 

Comment as-tu découvert le tatouage ?

Frank : C’est à cause de mon oncle, il avait un énorme tattoo représentant la scène de la crucifixion dans le dos, j’ai découvert ça quand j’avais 7 ans et ça m’a paru être le truc le plus cool du monde et ça m’a marqué. Avoir un dessin encré sur la peau qui ne s’effacerait jamais était un rêve de gosse !

Dean : Moi c’est mon père qui était dans la marine, il était couvert de tatouages et mon grand frère aussi, c’était logique pour moi de me dire que je serais plein de tattoos un jour, la question n’était pas « est-ce que je me ferai tatouer un jour », c’était « quel tatouage me faire en premier ? ».

Mon père m’a emmené chez un tatoueur quand j’avais 15 ans il a dit au tatoueur que j’avais 18 ans et que c’était ok ! C’est quand-même trop jeune pour se faire piquer et si j’ai des enfants un jour je leur dirai d’attendre d’être majeur ! Je trouve ça dingue et beau à la fois de se dire qu’un jour tu choisis un dessin dans un book parce que tu le trouves chouette et que ça va rester sur ta peau jusqu’à ta mort. C’est presque un acte de foi…

 

Tu as toujours tatoué dans le calme d’un shop ou tu as fait des tatouages en tournée ?

Frank : Aujourd’hui je préfère le calme de mon studio pour réaliser les tattoos d’une façon qui me fait plaisir mais il y a quelques années j’emmenais mon matériel avec moi ! Les tournées c’est le chaos, même si c’est super, c’est le chaos ! On est tout le temps en train de se déplacer, on ne prend pas le temps de se poser, de dormir ou de manger assez. Je me souviens avoir déjà tatoué Dean dans un avion, et même si le résultat n’est pas si mal, je ne le conseille à personne, ça bouge et on n’est pas bien installé ! Je me suis un peu assagi avec le temps !

 

 

Quelle est ta conception du tatouage ?

Frank : Le tatouage c’est des histoires que tu racontes sur ta peau, des souvenirs, des symboles ou des objectifs à atteindre, c’est beaucoup de choses. Longtemps j’ai pensé que c’était une expression de ma personnalité mais j’ai mis du temps à me trouver et certains de mes tattoos ne sont pas forcément représentatifs de qui je suis aujourd’hui, mais sont des marques du temps qui passe et des souvenirs de celui que j’étais… qui se cherchait et s’interrogeait.

 

Tu as l’air plus apaisé en effet, et ton dernier album Dark Rainbow est un exercice d’équilibre entre l’énergie et la douceur…

C’est ça ! J’ai parcouru des années et j’ai passé des étapes dans ma vie personnelle comme dans mon évolution artistique et aujourd’hui je n’ai pas peur d’afficher toute la complexité de ma personnalité et toutes mes facettes en chanson.

Il y a toujours cette énergie et cette colère contre les choses qui me déplaisent… mais aussi de la douceur, de la fragilité et de l’amour ! J’accepte de le montrer aujourd’hui car je m’accepte moi-même et je me connais mieux !

 

Merci pour cette interview les gars, et régalez-vous sur scène ! Je serai dans le pit des filles ! 😊

Frank : Si tu te fais écraser fais-moi signe je viendrai te chercher !

 

Caro

 

Frank Carter and the Rattlesnakes continuent leur tournée européenne jusqu’au 16 novembre !
L’album Dark Rainbow est disponible partout et en vinyle édition limitée.

@andtherattlesnakes
Andtherattlesnakes.com

 

 

 

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