Lola Young – I’m Only F**king Myself

par | 3 Nov 2025 | Chroniques

⏱ Temps de lecture : 5 min

À 24 ans, la londonienne Lola Young enchaîne déjà les uppercuts discographiques. Propulsée par le tube massif « Messy », entendu partout l’an dernier, elle revient avec I’m Only F**king Myself, un troisième album brut et désarmant, où elle transforme ses failles en hymnes imparables.

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Ça commence comme un disque culte : une intro un peu étrange, qu’on ne comprend pas forcément au premier abord mais dont on devine qu’on y reviendra. Et juste au moment où l’on s’y prépare, un riff imparable se pose droit devant nous – comme si Lola Young nous attrapait par le col en disant : « Ok, maintenant tu m’écoutes et je vais t’expliquer ce que c’est qu’un bon disque. Le mien. » Et on s’exécute sagement, parce qu’à partir de là, impossible de décrocher : on prend une claque, puis une autre, puis encore une autre. L’album est un enchaînement de droite, de gauche, de re-droite, de re-gauche, de re-re-droite et de re-re-gauche. C’est sans fin et on reste tranquillement à notre place, la tête dodelinante au rythme qu’elle nous impose. I’m Only F**king Myself est un enchaînement de coups précis, ultra-efficaces, jamais gratuits. Chaque morceau frappe fort, mais avec une pertinence claire et une cohérence frondeuse qui empêche le disque de devenir une simple collection de hits.

Banger ! Ce mot, qu’on pensait usé jusqu’à la corde, pour ne pas dire suranné, retrouve ici tout son sens – presque comme s’il avait été inventé pour cet album. Les deux premiers albums de Lola Young étaient déjà des petites pépites, parfaites pour danser seul dans sa cuisine un soir de spleen. Mais ce troisième effort marque un cap. De A à Z, tout semble parfaitement contrôlé, équilibré, d’une justesse rare. Rien ne dépasse, et pourtant rien ne sonne trop propre ou calculé, bien au contraire.

Prenons « d£aler » : contrairement au raz-de-marée qu’a été « Messy », ce single n’a pas connu un succès massif lors de sa sortie – malgré le soutien inattendu d’Elton John, qui croyait tellement fort au morceau qu’il avait déclaré que s’il n’atteignait pas la première place des charts, il lui donnerait les clés de sa maison. Pari perdu, le titre n’a pas été numéro 1, et le Rocket Man a tenu parole. Aujourd’hui, replacé dans le tracklisting, « d£aler » prend une nouvelle dimension et devient l’un des moments phares de l’album. Et justement, ce tracklisting est remarquable : tout s’enchaîne avec une fluidité qui nous empêche d’appuyer sur pause.

Et que dire des refrains ? « Post Sex Clarity » et « Not Like That Anymore » sont de véritables aimants à neurones : dès qu’on les entend, impossible de les faire sortir de notre tête. Lola Young nous sert des hooks qui nous hantent instantanément, sans jamais tomber dans une facilité trop pop pour être honnête. On les écoute pour la première fois et pourtant on croit les avoir toujours connus tant ils résonnent instantanément dans notre mémoire émotionnelle, là où les meilleures chansons se cachent, juste à côté de l’hippocampe.

Pendant ces 46 minutes, Lola Young circule dans notre cerveau comme une interne en psychiatrie, visitant chaque recoin de nos synapses, posant son stéthoscope sur nos angoisses, ajustant quelques connexions neuronales et semant ses pépites au scalpel suivant son sens inné de la mélodie.

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Et puis il y a le nom de cet album : I’m Only F**king Myself. Lola Young joue savamment sur un double sens : le côté cru, sexuel, assumé, presque provocant – mais aussi le côté sombre et auto-destructeur, “je ne fais de mal qu’à moi-même”. Tout l’album navigue dans cette zone trouble, entre plaisir et douleur, ivresse et gueule de bois, désirs et eaux troubles de la vie. C’est un disque qui ose se regarder en face, qui rit de ses propres excès tout en les célébrant, et qui finit par transformer cette vulnérabilité en une force vive que rien n’altère.

On sent même, au fil des morceaux, qu’elle cherche à se guérir, avec une lucidité qui ne s’épargne pas. On traverse avec elle les moments de turbulence, sans que rien ne soit édulcoré. L’album ne cherche pas à offrir des solutions ou des résolutions faciles. Au contraire, il expose la complexité de la condition humaine, avec ses contradictions, ses failles et ses moments de lucidité. Chaque morceau est une pièce du puzzle de son introspection, une tentative de comprendre et d’accepter ses parts d’ombre. On pense alors à Amy Winehouse ou Fiona Apple, qui ont su avant elle transformer leur douleur en art brut et sincère, et l’on se dit que Lola Young appartient définitivement à cette même classe.

Son album est un miroir tendu à l’auditeur, reflétant ses propres luttes, ses propres contradictions. C’est une invitation à l’introspection, à la remise en question, à la réconciliation avec soi-même. Au départ, elle expose ses plaies : la fuite, la douleur brute, les regrets. Puis peu à peu, on voit poindre une forme de refus de ces vieux cycles ‘’Not Like That Anymore’’. Le chemin reste semé d’embûches. Le progrès n’est jamais linéaire : elle vacille, doute, crie, s’effondre puis se relève et c’est ce qui rend l’album profondément humain. Ce n’est pas l’histoire d’une victoire triomphante, mais plutôt celle d’une guérison choisie, d’une route que l’on emprunte parce qu’elle semble enfin plus claire, un peu plus dégagée.

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Enfin, Lola Young semble plus libre que jamais, que ce soit dans son chant, ses compositions et ses choix d’arrangements, et cela sert magnifiquement le propos. Le mur de guitares compressées sur « SPIDERS » sonne comme une libération, tandis que le piano étrangement désaccordé de « Penny Out Of Nothing » apporte une fragilité presque déconcertante. Mais ce qui marque surtout, c’est le plaisir évident qu’elle prend tout le long du disque à nous faire chavirer entre la colère quasi emo de « Can We Ignore It » et le groove coupable de « Why Do I Feel Better When I Hurt You ». On l’imagine jubiler en studio, laissant éclater son plaisir à chaque idée, et cette joie se transmet comme une onde irrépressible.

I’m Only F**king Myself n’est pas simplement un disque brillant, c’est aussi une invitation à grandir avec Lola Young, à se laisser secouer par ses éclats de sincérité, à traverser ses doutes et ses victoires, pour en fin de compte découvrir que sa vulnérabilité résonne avec la nôtre, universelle et essentielle.

 

Lola Young – I’m Only F**king Myself est sorti le 19 septembre 2025 chez Island Records.

Style : Brutal Pop Intime

Tracklist :
1 – How long will it take to walk a mile? (interlude)
2 – F*CK EVERYONE
3 – One Thing
4 – D£aler
5 – SPIDERS
6 – Penny Out of Nothing
7 – Walk All Over You
8 – Post Sex Clarity
9 – SAD SOB STORY! 🙂
10 – CAN WE IGNORE IT? 🙁
11 – Why do I feel better when I hurt you
12 – Not Like That Anymore
13 – Who fucking cares?
14 – Ur an absolute c word (interlude)

Site Officiel : lola-young.com

Instagram : lolayounggg