Si en Angleterre, il remplit des stades, en France, il reste étrangement en retrait, à l’écart des radios et médias populaires. Ce mois-ci, Sam Fender revient avec un nouvel album : People Watching.
Chronique de Julien Maurey
Sous le ciel pluvieux de North Shields où il a grandi, Sam Fender, dans sa vingtaine, dressait déjà le portrait d’une génération, la sienne, celle d’Hypersonic Missiles, son premier album (2019). Celle d’un monde au bord des guerres où les informations défilent trop vite pour qu’on puisse vraiment les comprendre et où les alarmes retentissent sans jamais réveiller les âmes endormies de sa banlieue ouvrière, où la jeunesse, sa jeunesse, est coincée entre des rêves trop grands et un ciel trop gris.
Ce n’est pas un hasard si Sam Fender a choisi de mettre à l’honneur pour les différentes éditions de son troisième album, le regard avisé de Tish Murtha, la photographe des classes populaires du Nord-Est de l’Angleterre. Lui aussi en porte la voix et dépeint assidûment la réalité de son pays avec toujours cette force, sa force, celle de faire exister ensemble son récit, son vécu, et ses réflexions sensibles et réfléchies sur la société anglaise.

Sam Fender
Aujourd’hui et alors qu’il entame ses trente ans, sa musique se fait plus riche « Wild Long Lie » et pourtant moins éparse que sur son disque précédent Seventeen Going Under (2021). Nous sommes maintenant face à un rock grand, car simplement beau où les mélodies ne sont pas forcément imparables comme elles pourraient l’être ailleurs. Ici, elles prennent le temps de s’installer, de ne pas rester en surface. Avec un sens de la composition encore plus ciselé « Rein Me In » et des parties orchestrales particulièrement bien senties, People Watching s’affirme comme un album franc et pleinement abouti.
Sam Fender nous offre un son devenu plus mature, qui prend plus d’ampleur et qui va à l’essentiel. Et même si ses héros ne sont jamais loin (on pense encore parfois à Bruce Springsteen), sa composition, son jeu, sa voix apparaissent ici resserrés, libérés comme sur le très personnel « Remember My Name », hommage sensible à ses grands-parents disparus, morceau qui signe à la fois la fin de l’album et son ouverture vers d’autres horizons musicaux.
Alors, faut-il s’émanciper de ses modèles pour être un artiste totalement accompli, ou faut-il grandir et avancer avec eux, en faire ses pairs, ses frères d’armes avec qui l’on conquiert le cœur des mélomanes avides et autres foules de festivals ? Il semblerait que Sam Fender ait choisi de ne jamais rien renier : ni sa vie, ni ses opinions, ni ce qui le constitue, car c’est ce qui fait l’essence de ce troisième album brillant, limpide et qui lui ressemble profondément.
Tracks :
- People Watching
- Nostalgia’s Lie
- Chin Up
- Wild Long Lie
- Arm’s Length
- Crumbling Empire
- Little Bit Closer
- Rein Me In
- TV Dinner
- Something Heavy
- Remember My Name