Formé en 2019 par Anna, née en Autriche et basée à Londres/Berlin (auteur, chant, guitare, cowbells et percussions), Friedberg est complété par Emily Linden (guitare, chant), Cheryl Pinero (basse, chant) et Fifi Dewey (batterie). Hardcore Workout Queen s’appuie sur les premiers succès de Friedberg en 2019 avec le single “Go Wild” – un tube qui a figuré sur la bande originale de FIFA 2020 et dans la série à succès « Normal People » – et leur premier EP “Yeah Yeah Yeah Yeah Yeah Yeah Yeah”, une collection de chansons conçues pour la scène.
C’est dans une ambiance chargée de good vibes que Friedberg a enflammé la Boule Noire à Paris samedi 15 mars 2025, confirmant en live tout le bien que l’on pense de leur premier album Hardcore Workout Queen. Mais avant de mettre le feu à Paris, c’est en toute décontraction qu’Anna Friedberg, la frontwoman charismatique du groupe, a pris le temps de discuter musique et inspirations avec nous.

photo by Brian Downie
Dans ton dernier album Hardcore Workout Queen, il y a un mélange de sonorités psychédéliques, dance punk et pop. Quelles ont été tes inspirations musicales principales pour ce projet ?
Anna Friedberg : Je pense que tout a commencé avec ESG, le groupe de New York, quand je les ai vus en live pour la première fois au Jazz Café à Londres. C’était incroyable ! Ils n’avaient que des percussions, une basse et des cloches à vache. Et toute la salle dansait. C’était juste dingue de voir à quel point c’était groovy, la manière dont ils utilisaient les cloches et les woodblocks avec si peu d’instruments… même pas un seul instrument harmonique. Et pour moi, c’est devenu une obsession, ce son des cowbells. J’aime ce mélange entre musique électronique et beaucoup de percussions, un peu comme de la dance music, combiné avec des sons de guitare très présents. C’est vraiment ce que j’adore.
On retrouve des thèmes récurrents dans tes textes, entre introspection et observation du monde. Y a-t-il un fil rouge qui traverse cet album ?
Anna Friedberg : Bonne question. Je pense qu’un thème récurrent, c’est la difficulté à prendre des décisions. Il y a trop d’options dans ce monde. Regarde, rien que pour le lait d’avoine : il y en a une centaine. C’est un exemple à petite échelle, mais c’est pareil pour les applications de rencontres, pour tout en fait. On a des millions d’options et j’ai du mal à faire des choix. Donc, ça influence mes chansons. Par exemple, Hardcore Workout Queen parle de l’obsession du développement personnel et de l’optimisation de soi à l’extrême.
Un jour, je faisais du sport avec une amie, et ça m’a agacée, toute cette pression pour être plus saine, plus performante… Alors, j’ai commencé à imaginer comment être la plus paresseuse possible. Ce genre de choses revient souvent dans mes textes. Parfois, j’écris aussi sur le fait d’essayer d’échapper à sa propre tête, de voir le monde à travers quelqu’un d’autre. C’est le cas dans Hello, par exemple.

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Justement pour Hello, c’est une chanson qui a connu plusieurs versions avant d’aboutir à celle qu’on entend aujourd’hui. Comment as-tu su que c’était la bonne ?
Anna Friedberg : Honnêtement, je ne sais toujours pas si c’est la bonne version. Je me suis rendue compte que, la plupart du temps, la première version d’un morceau est la plus proche de ce qu’il devrait être. J’en ai fait tellement, puis je suis revenue à la toute première que j’avais enregistrée dans mon appartement à Berlin. L’enregistrement était très mauvais, mais l’ambiance était géniale. Alors, je suis retournée à cette version et j’ai juste réenregistré les percussions. C’est tout. J’ai laissé les voix telles quelles, même si elles étaient mal enregistrées, parce que je n’ai jamais réussi à retrouver la même vibe.
Tu as d’abord connu le succès en solo sous le nom d’Anna F., puis tu as fondé Friedberg. Qu’est-ce qui t’a poussé à faire ce switch vers un projet de groupe ?
Anna Friedberg :Oui, j’ai fait l’inverse de ce que les artistes font habituellement (Rires) Normalement, on commence par un groupe avant de se lancer en solo. Moi, j’ai fait l’inverse.
Tu ne voulais plus être seule ?
Anna Friedberg : Exactement. J’en avais marre que tout tourne autour de moi. Et aussi, mon projet solo a démarré tellement vite que je n’ai même pas eu le temps de réfléchir à ce que je voulais vraiment. J’ai été projetée dedans. Avec ces nouvelles chansons, j’avais envie de repartir de zéro et réfléchir à comment je voulais les sortir et les présenter. Mon projet solo a décollé en un clin d’œil, avec un seul titre, et puis bam, tournée avec Lenny Kravitz. Je n’avais aucune idée du business de la musique. Pas de management. À peine quelques concerts à mon actif, et tout à coup, j’étais en tournée avec Lenny Kravitz. C’était dingue !
L’alchimie entre les membres du groupe semble très forte sur scène. Comment avez-vous construit cette dynamique si rapidement ?
Anna Friedberg : Je ne sais pas. Elles sont juste incroyables. Tout s’est fait naturellement… [« C’est naturel » dit-elle en français] (Rires)
Ta musique joue beaucoup avec l’ironie et la critique des injonctions, notamment sur l’image de soi et la pression sociale. En tant que groupe entièrement féminin dans une industrie encore majoritairement masculine, est-ce que cette dimension féminine est un moteur, une revendication, ou juste un état de fait pour toi ?
Anna Friedberg : Ce n’était pas vraiment prévu comme ça, mais oui, je pense que ça reste une revendication en soi. Mais avant tout, c’est parce que chacune d’elle est une musicienne et une personne incroyable. Je pense que ça n’a pas vraiment d’importance, elles sont juste de grandes musiciennes, d’excellentes performeuses et des gens super sympas avec qui passer du temps. Ça ne devrait pas être une question de genre, mais juste de talent et d’alchimie.

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Les réseaux sociaux et leur côté artificiel sont critiqués dans So Dope. Quel est ton rapport personnel à ces plateformes en tant qu’artiste ?
Anna Friedberg : Oh mon Dieu… Si demain elles pouvaient toutes disparaître, ce serait mon rêve ! Ça prend tellement de place dans notre esprit, mais on a l’impression d’être obligés de les utiliser. Je préférerais passer ce temps à écrire plus de chansons.
Tu parles souvent de la cloche à vache (cowbell) comme un instrument fétiche. Quelle est son histoire dans Friedberg et pourquoi cet attachement particulier ?
Anna Friedberg : Oui, ça a commencé quand j’ai vu ESG en live, puis j’ai vu LCD Soundsystem peu après, et ils sont tous des maîtres du cowbell ! Du coup, je suis devenue complètement obsédée, et dès que j’entends un cowbell, ça me rend heureuse (Rires). J’ai commencé avec un seul cowbell, et maintenant j’en ai peut-être tout un set, sept ou huit quelque chose comme ça. Oui, j’adore ça, c’est vraiment génial. Je pense que ça rend chaque chanson meilleure. Je crois qu’il n’y a qu’une seule chanson sur l’album qui n’a pas de cowbell.
Tu dis que cet album est la bande-son parfaite d’un road trip, si Friedberg devait composer la playlist idéale pour ça, quels autres artistes ajouterais-tu ?
Anna Friedberg : Pour un road trip je dirais JJ Cale, un style old school mais très bien pour la route. Courtney Barnett, peut-être ? J’aime aussi les sons bruts en road trip. J’ai essayé ça dans le désert. Ouais, c’est bien ! Adrianne Lenker aussi, hum… Royel Otis, un super groupe d’Australie. Il y en a sûrement plein d’autres, mais je ne les ai pas en tête pour l’instant (Rires)
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Après La Boule Noire ce soir, à quoi peut-on s’attendre pour la suite de la tournée et les prochains mois du groupe ici et ailleurs ?
Anna Friedberg : On a d’autres dates en France et en Europe après Paris, et on a reçu tellement d’invitations pour des festivals français, c’est dingue ! C’est notre premier concert à Paris, nos premiers vrais concerts ! Et puis, cet été, on va faire plein de festivals français, ce qui est vraiment cool. On aime vraiment être ici, je veux dire, oui, ça ressemble à un amour naturel entre les Français et nous.
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Leur première date parisienne a été une réussite totale, et ce n’est que le début. Si vous avez raté leur passage, vous pouvez encore les rejoindre le samedi 29 mars 2025 à Annecy ou cet été sur les festivals. Un groupe frais et talentueux comme on les aime !
Retenez bien leur nom, car Friedberg risque à coup sûr de devenir un incontournable de la scène alternative-rock européenne.