S’il existe des albums qui ne veulent pas vous lâcher, alors Adamas de Charles Pasi est de ceux-là. Il est de ces disques qui, une fois posés sur la platine, refusent d’en sortir. Il y reste vissé, fermement ancré, comme un phare dans une mer trop remplie de sons. Il y a pourtant d’autres disques, des cargaisons entières de nouveaux prétendants, chaque vendredi de chaque semaine, qui pourraient y tourner. Mais Adamas ne se laisse pas déloger. Il est de ces disques que l’on veut réécouter et tant pis pour les autres.

Adamas – Charles Pasi
C’est d’abord un album qui n’a pas peur du vide. Adamas, quand il parle de la mort, il fait sonner la vie. Quand il cherche l’essence, il va jusqu’à l’épure. Il évite les faux-semblants, dépasse les artifices et arrive droit dans l’os – ou au cœur, pour les plus sentimentaux d’entre nous – afin d’y résonner plus fort encore. C’est aussi un album qui laisse respirer ses silences. En témoignent des titres comme « Maurice, Samouraï » et « Mikado », deux interludes sensibles et suspendus, comme des embruns, comme une balade italienne mais sans paroles. Une ondée passe et Adamas a déjà trouvé le recul suffisant pour transformer sa peine en puissance, sa douleur en beauté.
Puissant, comme « Garbage Dog », un morceau Rock, brut et viscéral. Un titre passionné qui dicte son besoin de faire ce qu’il aime, coûte que coûte. Un hymne à la vie de musicien, sans concession, puisqu’il ne peut en être autrement. Beau, comme « The Eyes of Cecilia », dans son écrin de soie au centre d’un océan ouaté. Une chanson sublime, née d’une histoire tragique, mais qui ne sombre jamais dans une mélancolie trop profonde car Adamas a dans son écriture une résilience qui ne se crie pas et ne se clame encore moins. Instinctive et sincère, c’est une chanson qui infuse lentement, qui ne cherche jamais l’effet facile.
Adamas de Charles Pasi, c’est aussi « Marmelade Blues », une instrumentale régressive à souhait qui nous balance en plein milieu d’un Juke Joint et nous ramène aux toutes premières amours de Charles Pasi, au Blues de son premier album, Mainly Blues. On y retrouve son harmonica bien sûr, toujours bien présent, bien en forme, et décidé à nous montrer qu’il n’a pas pris une ride en 20 ans de route.
Alors d’accord, c’est bien beau d’encenser Adamas mais il ne faudrait pas qu’il ait les chevilles qui gonflent. Il serait plus que temps de lui rappeler qu’il ne serait pas ce qu’il est sans son auteur, Charles Pasi, et sans sa voix, qui n’a jamais besoin d’en faire trop pour toucher au plus juste. Tout comme Adamas ne serait pas Adamas sans avoir été mixé de main de maître par Michael Brauer, qui signe ici une production organique, presque dépouillée, et lui confère cette présence brute, à fleur de peau, qui renforce l’émotion et donne à l’ensemble une intemporalité précieuse, nous embarquant sans effort dans chaque histoire racontée et chaque style abordé.
Car Adamas de Charles Pasi est riche de plein de pays et pourtant il n’a pas de drapeau. Adamas, c’est la Folk comme c’est le Jazz, le Blues comme le Rock ou la Soul. En somme, c’est un album libre, qui embrasse la perte sans s’y ensevelir, qui célèbre les absences comme on célèbre la vie. On l’écoute une fois, puis deux, puis trois… et finalement, il nous accompagne bien plus longtemps que d’autres.
Au moment de poser le point final à cette chronique il m’est venu l’idée, dans un sursaut de rigueur, de checker la traduction d’Adamas. Adamas : du grec ancien « ἀδάμας » signifie « indomptable », « inébranlable » ou encore « inflexible ». Dans un contexte plus large, Adamas de Charles Pasi symbolise quelque chose d’incassable, de pur et de précieux, que ce soit une force intérieure, une résilience ou une vérité inaltérable. Ça ne s’invente pas, il est des mots qui portent en eux une vérité qui précèdent leur propre écho. Comme si le sens avait toujours été là, attendant qu’on l’attrape.
Charles Pasi – Adamas sorti le 7 Mars 2025 chez Blue Note
La tracklist :
- 01 Nothing To Say
- 02 Nino, Cielo e Terra
- 03 Addict
- 04 Garbage Dog featuring. Queen Omega
- 05 Maurice, Samourai
- 06 Une lettre
- 07 The Eyes of Cécilia
- 08 Marmelade Blues
- 09 Mikado