4/5 ⭐️⭐️⭐️⭐️ Jeune groupe français à la croisée du rock, du metal et du lyrisme pur, MÜ fait partie de ces projets qu’on ressent avant même de les comprendre. Ça commence doucement, comme un chuchotement dans la brume automnale. Puis le vent se lève, les guitares grondent, les cris transcendent : Le Vertige, nouvel EP du groupe, déborde d’émotion, de maîtrise et de feu intérieur. Un son massif, des textes à fleur de peau, et cette façon unique de transformer toutes leurs influences en une seule voix — la leur.

Aux origines
Tout a commencé sur les bancs du collège, quelque part à Nantes. Une bande de potes, une envie de faire du bruit, d’y donner du sens. À l’époque, MÜ n’était encore qu’un projet de lycéens, bricolé entre deux restrictions de liberté et des rêves de scène. « On a mis tellement de temps à réussir à sortir le premier album, avec tous les confinements, on repoussait les sorties puisqu’on ne pouvait pas faire de release, etc. Finalement, quand on a pu présenter le projet officiellement, ça ne nous correspondait déjà plus depuis longtemps. » raconte Noé, chanteur, guitariste et tête pensante du groupe.
Depuis, MÜ a grandi, s’est affûté : « Entre temps, on a progressé musicalement, on a beaucoup pratiqué. On était devenus meilleurs, avec plus d’ambition. On a découvert plein de musiques différentes. On est tombé dans le métal avec Gojira ou Landmvrks alors qu’on n’en écoutait pas du tout avant. Et tout ça, ce sont des influences qui sont venues se greffer au projet, qui était, à la base, un genre de blues rock un peu progressif. » De cette première période reste la débrouille et la sincérité. Noé a appris le son, monté son studio, et aujourd’hui, il gère tout, du mix au mastering. « C’est un projet émergent, mais on le fait avec le cœur, pas pour les chiffres. » Cette authenticité, c’est aussi ce qui place MÜ sur l’échiquier du rock français.

Le Vertige : un cri poétique
Le Vertige, c’est six titres à écouter du début à la fin, sans pause, sans zapper. Chaque morceau cache une surprise, un rythme inattendu, un virage émotionnel. Tu crois avoir compris le ton, et puis tout bascule : une douceur soudain lacérée par un cri, une montée qui explose en lumière. Couche après couche, MÜ t’emmène ailleurs, toujours plus loin dans ses reliefs. Le groupe joue avec les contrastes comme d’autres jouent avec la technologie. Des passages d’une délicatesse presque fragile se heurtent à des blasts rageurs. Et ce grand écart, ils le maîtrisent à la perfection. « J’écris la musique que j’ai envie d’entendre », dit Noé. « Parfois violente, parfois posée. »
Impossible à ranger dans une case, le groupe navigue entre mille mondes : le rock aérien, le metal viscéral, le post-rock contemplatif. « J’aime beaucoup le post-rock de manière générale », explique Noé. « Russian Circles, Bruit, Last Train, ce sont des groupes que j’écoute énormément. » Cette influence se ressent dans les passages instrumentaux, souvent pensés comme des respirations avant la tempête. Leur musique oscille quelque part entre Radiohead et Gojira « J’ai beaucoup écouté Radiohead, j’admire leur manière de rester eux-mêmes tout en se réinventant à chaque album », confie Noé.
La langue comme miroir de l’âme
Ce qui rend également Le Vertige à part, c’est ce choix audacieux de chanter en français. Dans un genre où tout ou presque se fait en anglais, MÜ ose brillamment sa langue natale, maniant avec poésie les mots à la façon des plus grands. « Écrire en français, c’est difficile, on est plus transparent qu’en anglais, on ne peut pas se cacher », reconnaît Noé. « Mais je veux que les gens comprennent, qu’ils puissent s’identifier. » Et ça, on le ressent. Sa voix et ses mots, quelque part entre Luke et Damien Saez, transportent et bouleversent, comme une urgence de dire. Pour autant, MÜ ne s’interdit pas l’anglais, comme sur « Fate and Ashes », morceau incandescent où la tension ne retombe jamais.
Les textes, d’une beauté sombre et clairvoyante, parlent d’enfance, de société, de désillusion. Pas comme un étendard, mais comme un miroir implacable. « Ce n’est pas de mon histoire particulièrement dont je parle », précise Noé. « C’est de la place qu’on laisse aux enfants dans nos sociétés. C’est un sujet qui me touche, et qui touche beaucoup de monde je pense, on a tous été enfants, et malheureusement pour beaucoup d’entre nous, on a tous été marqués par les adultes qui nous entouraient et leurs mauvaises actions, ou à plus grande échelle, par les décisions d’adultes dirigeants nos sociétés. Bien souvent les enfants, qui sont par essence innocents, ne sont pas considérés alors qu’ils sont l’avenir du monde. »
Chez MÜ, tout est une question d’équilibre. Une musique libre, insaisissable, qui suit l’instinct plutôt que la mode. « Si on veut faire un morceau calme du début à la fin, on le fera. Et si on veut balancer deux minutes à 200 BPM, on le fera aussi », sourit Noé. C’est cette liberté qui fait de MÜ un groupe à part, un laboratoire émotionnel où tout peut arriver, tant que ça vibre.
La force du renouveau
S’il y a bien un endroit où MÜ prend toute sa dimension, c’est sur scène. Leur musique y devient organique, chaque titre se déployant massivement : « Le live, c’est notre moment préféré », confie Noé. « C’est là qu’on partage vraiment. On donne tout, et les gens le sentent. » Le line-up a beaucoup bougé depuis leurs débuts au collège. Une première chanteuse avait marqué le premier album, avant de partir vers d’autres horizons. Derrière les fûts, le poste a lui aussi changé : l’ancien batteur a laissé sa place au petit frère de Noé, 18 ans, aussi jeune que redoutablement talentueux.
Le groupe se réinvente une nouvelle fois, sans perdre son âme. Théo, bassiste historique, s’apprête également à quitter l’aventure, tout comme Valentin, le guitariste. Mais rien ne se fait dans la précipitation : « On voulait que la transition se passe en douceur. On répète déjà avec les nouveaux musiciens pour que tout soit prêt en janvier. » Pas de drame ici, juste des trajectoires de vie différentes, et la volonté de continuer à faire vivre MÜ dans la même énergie. « Trouver les bonnes personnes, c’est le plus difficile pour un groupe émergent », reconnaît Noé. « Mais je leur fais totalement confiance. Ce sont des musiciens que je connais, avec qui j’ai déjà joué. » L’alchimie continue, et dans ces changements MÜ prouve une fois de plus que son vertige, ce n’est pas une chute, c’est une ascension.

Le chemin se trace
Pas le temps de souffler : MÜ regarde déjà vers l’avenir. Un nouveau single est prévu pour la fin d’année, avant un premier album complet à l’été 2026. « On veut prendre le temps de bien faire », insiste Noé. « Si les gens ont aimé l’EP, ils aimeront l’album. » L’objectif : pousser plus loin cette fusion entre puissance et poésie, entre ombre et lumière. Garder le chaos, jouer avec les intensités, mais avec plus de temps d’intégration. MÜ n’a pas besoin de calculs ni d’étiquettes. Ils tracent leur route, à l’instinct, avec une foi désarmante dans ce qu’ils font. Et c’est sûrement pour ça qu’ils nous touchent autant : parce que c’est humain et vibrant. Il y a dans leur musique quelque chose d’intensément vivant, et cet EP porte bien son nom : c’est un plongeon, une ascension, une chute libre et étourdissante dans tout ce que la vie a de plus violent et de plus beau.






