Il compose dans la nuit, enregistre des idées dans sa salle de bain, tourne des clips avec des zombies et fait hurler les guitares comme des démons exorcisés. Wolfgang Van Halen, alias Mammoth, n’a pas hérité du rock, il l’a réinventé. Fils d’un dieu du riff, il a préféré le feu de la création plutôt que l’ombre du mythe. Frontman d’un projet viscéral, il joue tout, ressent tout, crie tout. Mammoth, c’est du rock qui cogne comme un coeur qui bat, des mélodies qui collent à la peau, et une énergie scénique qui se propage comme une onde. Dans cet entretien, il aborde tous les sujets avec autant de passion que de simplicité : solitude créative, tournées en tête d’affiche, tempo, thérapie. Mammoth, c’est lui. Brut. Sincère. Incandescent.

INTERVIEW : Mammoth, « Chaque morceau est un exorcisme »
Rock Sound (Caro) : Comment vas-tu ?
Mammoth : Bien, je suis très content d’être ici. Le simple fait d’être ici grâce à ma musique, c’est vraiment quelque chose de cool. J’adore Paris et ça fait deux ans qu’on n’était pas venus. La dernière fois, c’était en première partie de Metallica, ce qui était vraiment génial. Ça me rappelle de bons souvenirs, donc je suis heureux d’être de retour.
Rock Sound (Caro) : Si on remonte dans le temps, à l’époque de ton enfance… tu te souviens de la première chanson ou du premier album qui t’a fait aimer la musique ?
Mammoth : Je pense qu’en grandissant dans un environnement musical aussi riche et foisonnant que celui dans lequel j’ai été éduqué, avec un père et un oncle rockstars, ce n’est que vers neuf ou dix ans que j’ai découvert des morceaux qui me parlaient vraiment, par moi-même. Et c’était Enema of the State de Blink-182. Cet album m’a donné envie de progresser à la batterie. Les parties de Travis Barker ont été une énorme source d’inspiration pour moi. Donc oui, c’est clairement l’un des premiers disques que j’ai trouvé seul et que j’ai adoré.
Rock Sound (Caro) C’était une révélation rock à ce moment-là ? Tu t’es dit : “OK, c’est ça que je veux faire plus tard, je veux être musicien” ?
Mammoth : Ouais, c’est marrant… Je m’amusais juste à jouer de la batterie. C’était quelque chose qui me parlait. Et à 14 ans, je jouais déjà avec mon père. J’ai l’impression que je n’ai pas vraiment eu à prendre la décision, c’est la musique qui m’a choisi.
Rock Sound (Caro) : Et puisqu’on parle d’instruments… Tu as commencé par la batterie, c’était ton premier instrument. Il y en avait une à la maison, ou c’était un vrai choix ?
Mammoth : Je m’asseyais toujours sur la batterie de mon oncle Alex dès que j’en avais l’occasion, même si j’étais trop petit pour atteindre les pédales. Et quand mon père a vu que ça m’intéressait, il m’en a offert une pour mon neuvième anniversaire. C’est là que j’ai vraiment commencé à en jouer.
Rock Sound (Caro) : J’ai des amis batteurs qui me disent que c’était compliqué au début, parce que leur famille trouvait ça trop bruyant. Certains ont même fini par jouer de la guitare parce que leurs parents leur disaient : “Non, non, joue de la guitare, c’est moins fort…”
Mammoth : Ouais, je pense que le soutien de mon père a vraiment aidé. Et je crois que la pièce était insonorisée aussi ahaha ! Il y avait des instruments partout et je passais mon temps à les attraper et à les essayer, sans savoir en jouer, juste pour m’amuser.
Rock Sound (Caro) : Et quand est-ce que tu as eu envie de jouer de la guitare ?
Mammoth : Je m’y suis mis deux ou trois ans plus tard, vers 12 ans. Je voulais apprendre pour un spectacle de talents à l’école, en sixième. Et ensuite, j’écoutais des morceaux que j’aimais et j’essayais de les reproduire. J’étais vraiment mauvais au début, mais quand tu passes du temps sur quelque chose, tu t’améliores.
Rock Sound (Caro) : Tes parents t’ont un peu destiné à être musicien, avec ce nom si emblématique… Wolfgang était le prénom de Mozart !
Mammoth : Ils ont toujours été très encourageants, c’est certain. Et je pense que ça a beaucoup compté. C’était un environnement très créatif, très nourrissant. Ils ne m’ont jamais découragé. Ni limité d’aucune manière. Être soutenu quand on est enfant, c’est essentiel.
Rock Sound (Caro) : Qui étaient tes icônes rock ?
Mammoth : C’est difficile à dire, quand tu grandis avec un père et un oncle qui sont des rockstars. Je n’ai pas vraiment eu d’icône unique, mais plutôt des musiciens que j’admirais pour chaque instrument. Travis Barker ou Danny Carey à la batterie, Justin Chancellor ou Les Claypool à la basse… Un fil conducteur dans ce que j’aime, c’est Tool. Chaque membre de ce groupe est une référence pour moi. Et Maynard au chant aussi. Donc ouais, comme je joue de tout, j’avais un modèle pour chaque instrument.
Rock Sound (Caro) Tu mentionnes souvent Alice in Chains comme l’une de tes grandes influences. Le grunge, c’était important pour toi ?
Mammoth : Carrément. J’adore tout le grunge. Soundgarden, Nirvana… Alice in Chains, c’est clairement l’un de mes groupes préférés. Le grunge a changé quelque chose dans la manière d’écouter, de ressentir et d’exprimer le rock !
Rock Sound (Caro) : Nirvana et le grunge reviennent souvent comme un vrai tournant dans la perception et appréciation de la musique chez de nombreux artistes… Et à quel moment tu as décidé de suivre ta propre voie musicale ?
Mammoth : Après avoir joué dans plusieurs groupes, j’ai commencé à avoir mes propres idées. C’était la suite logique. J’ai commencé à écrire des démos vers 2012–2013. Et ça m’a mené en studio en 2015 pour les premières maquettes et enregistrements. Il m’a fallu du temps pour trouver qui j’étais, mais c’est là que ça a commencé. Tout ce processus d’expérimentation, de voir si je pouvais faire un album en jouant tous les instruments moi-même, c’était une aventure passionnante.
Rock Sound (Caro) : Tu joues tous les instruments, tu crées la musique, la mélodie, les paroles… Qu’est-ce qui vient en premier, les paroles ou la mélodie ?
Mammoth : Pour le chant, c’est souvent la mélodie qui vient en premier. Elle guide ensuite les paroles. Mais pour la musique, ça commence généralement par une idée à la guitare. Il y a eu des morceaux qui ont commencé par la batterie, une ligne de basse ou même une idée vocale, mais le plus souvent, c’est la guitare.
Rock Sound (Caro) : Tu te réveilles parfois avec une mélodie en tête ?
Mammoth : Oui, ça m’est déjà arrivé de me réveiller en pleine nuit, de courir jusqu’à la salle de bain, en essayant de ne pas réveiller ma femme et de chanter une idée dans mon téléphone.
Rock Sound (Caro) : Tu la chantes, tu ne la joues pas directement ?
Mammoth : Non, surtout si la guitare est en bas ahaha… Je préfère l’enregistrer sur mon téléphone pour ne pas l’oublier. Ça arrive comme ça. Tu ne peux pas forcer le processus, il faut juste le laisser venir. Une idée surgit, et elle finit par évoluer en quelque chose de complètement nouveau.
Rock Sound (Caro) : Tu écris généralement à partir d’une position très autobiographique, non ?
Mammoth : Oui, je pense que certaines chansons pourraient exister comme des histoires à part entière, mais je m’inspire clairement de mon vécu. Ce que j’essaie de faire, c’est de les écrire d’une manière qui permette à chacun de s’y projeter. Que ce ne soit pas juste “l’histoire de quelqu’un d’autre”, mais que chacun puisse y trouver sa propre résonance.
Rock Sound (Caro) : Et le fait de jouer tous les instruments toi-même, c’est un besoin de contrôle ou une manière de rester fidèle à ta vision musicale ?
Mammoth : Je dirais que c’est plutôt la deuxième option. Comme j’ai toujours fonctionné ainsi depuis le début, et qu’on en est maintenant au troisième album, je pense que c’est ce qui définit Mammoth. Ce serait différent si j’avais impliqué d’autres personnes. Mais le fait que ce projet soit comme ça depuis sa création, c’est ce qui fait qu’il est ce qu’il est.
Rock Sound (Caro) : Donc Mammoth, c’est toi. 100 % toi. Qu’est-ce que tu veux que les gens ressentent en t’écoutant ?
Mammoth : Je veux qu’ils ressentent quelque chose, peu importe quoi. La musique doit provoquer des émotions. Elle peut rendre heureux. Elle peut rendre triste. Elle peut faire ressurgir des souvenirs, des pertes. Elle peut faire réfléchir. Elle peut donner de l’espoir. Elle doit faire ressentir toute une palette d’émotions. Si quelqu’un écoute Mammoth et que ça lui fait ressentir quelque chose, alors c’est tout ce qui compte.
Rock Sound (Caro) : J’ai lu quelque part que le nom Mammoth vient du premier groupe de ton père. Mais aujourd’hui, c’est aussi ton projet, ton identité. Est-ce qu’un jour tu envisages de changer de nom de scène ?
Mammoth : En fait, on voulait que ce soit Mammoth depuis le début. Tu sais, comme le groupe Ghost qui s’appelait Ghost BC aux États-Unis pendant un temps, le temps d’obtenir les droits. C’est pareil pour nous. Maintenant qu’on a enfin les droits sur le nom, c’était le bon moment pour abandonner le “WVH” et être 100% Mammoth.
Rock Sound (Caro) : Et sur scène, qu’est-ce que ça fait de passer du studio où tu décides de tout et où tu joues de tous les instuments, à la scène avec des musiciens ?
Mammoth : C’est super, parce que ça devient un vrai travail collaboratif. C’est l’autre face de la même pièce. Tu ne peux pas avoir le processus de création sans le live. C’est toujours quelque chose qu’on attend avec impatience. Jusqu’ici, c’était vraiment fun. On a pu jouer deux nouveaux morceaux pendant la tournée qu’on vient de faire. Et là, avec la tournée en tête d’affiche qu’on a aux États-Unis en fin d’année, on va pouvoir jouer tous les nouveaux titres. C’est très excitant. Ça va être génial.
Rock Sound (Caro) : C’est facile de laisser quelqu’un d’autre jouer les parties que tu aimes jouer toi-même ?
Mammoth : Complètement, quand tu fais confiance à la personne. Et j’ai une grande confiance en mon groupe live. C’est vraiment agréable de partager ça avec eux, de les laisser s’approprier les morceaux. Je ne leur dis jamais comment jouer. Je préfère les encourager à trouver leur propre interprétation. C’est comme ça qu’on fonctionne. Je ne veux jamais être dans le contrôle ou leur dire quoi faire. Tant qu’on joue le morceau et qu’il sonne comme il doit sonner, c’est tout ce qui compte.
Rock Sound (Caro) Le clip de The End est fantastique ! Je suis grande fan du film de Robert Rodriguez et j’ai retrouvé tous les codes, l’ambiance et la folie décalée du film : les danseuses avec le serpent, Danny Trejo… Tu étais fan de From Dusk Till Dawn ? L’idée était déjà dans ta tête ?
Mammoth : Oh, carrément. Dès que j’ai rencontré Robert, j’ai eu cette idée : si jamais il était partant pour faire quelque chose, je voulais que ce soit ça. Je lui ai envoyé le morceau avec mon idée, et il a adoré. Et on l’a fait. J’en reviens toujours pas.
Rock Sound (Caro) : C’était trop cool ! Et Myles Kennedy qui se fait mordre… ahahaha !
Mammoth : Ouais, il devient un zombie un peu vénère qui finit par tuer John sur scène. C’était assez drôle.
Rock Sound (Caro) : À mi-chemin entre un vampire et une goule… J’imagine que c’était fun à tourner.
Mammoth : Oh oui. Deux journées très intenses de 12 heures, mais on s’est éclatés. On a fait un tournage de quatre jours en deux. Donc deux très longues journées avec beaucoup de maquillage, beaucoup de figurants, plein de plans différents. Il y avait les scènes d’action, les performances… Beaucoup d’éléments à coordonner.
Rock Sound (Caro) : Est-ce que Slash se fait blesser à la fin ? Il profite du spectacle mais n’est pas inquiété pendant la bagarre…
Mammoth : Non, jamais. Slash est un super-héros, il ne peut rien lui arriver, il a la classe, même au milieu d’une baston de zombies et de vampires, il reste cool.
Rock Sound (Caro) : Sur scène, tu te dis maintenant : “C’est là que je devais être, c’est ma place” ?
Mammoth : Oui, je pense que c’est le seul endroit où je peux vraiment être moi, quand il s’agit de défendre mes propres morceaux. À ce stade, c’est ce que je fais, ce qui me donne un sens. C’est tout ce que je veux faire, au fond.
Rock Sound (Caro) : Y a-t-il un morceau que tu préfères jouer en live ? Un favori ?
Mammoth : Oui, en ce moment on joue des titres du nouvel album. On joue The Spell et le morceau de fin, et c’est vraiment fun. Ça nous donne envie de jouer encore plus de nouveautés.
Rock Sound (Caro) : Et parfois, tu te dis qu’un morceau va cartonner en live… et finalement, c’est un autre qui fonctionne ?
Mammoth : Ça arrive. Parfois, c’est l’inverse : tu es surpris par la réaction du public. C’est impossible à prévoir. Et ça dépend aussi de la salle, du public. C’est toujours intéressant d’essayer. Ce qu’on a remarqué, surtout en première partie, c’est que le tempo joue beaucoup. Les gens réagissent plus à certains tempos. Donc on aime bien expérimenter. C’est pour ça qu’on change parfois les morceaux dans notre set, selon l’endroit et le temps qu’on a.
Rock Sound (Caro) : Mammoth, c’est ton projet, ton univers : tu crées tout, tu joues tous les instruments. Tu parles de solitude, parfois de reconstruction. Est-ce que Mammoth, c’est une forme de thérapie pour toi ?
Mammoth : Absolument. Je pense que l’écriture de chansons est un vrai processus thérapeutique pour moi. Elle me permet d’exprimer des émotions que je ne pourrais pas forcément verbaliser autrement, et surtout de les traverser, comme tu dis. Ça m’aide clairement à rester sain d’esprit.
Rock Sound (Caro) : Et sur scène, qu’est-ce que ça fait d’entendre le public chanter tes paroles ?
Mammoth : C’est dingue. J’ai du mal à y croire. Voir des gens chanter des mots que j’ai écrits, c’est complètement fou. Tu te sens incroyablement chanceux d’être dans cette position. Je n’aurais jamais pu imaginer ça. Je fais de la musique pour moi, pour le plaisir créatif. Mais le fait que d’autres puissent y trouver de la joie et venir la partager avec nous en live, c’est un sentiment incroyable.
Rock Sound (Caro) : Est-ce qu’il arrive que des fans te disent qu’ils ont une interprétation de tes chansons complètement différente de ce que tu avais en tête au départ ?
Mammoth : Ça arrive tout le temps. Et ça me fait plaisir, parce que ça veut dire que j’ai écrit les paroles comme je le voulais. J’aime les écrire de manière à ce que chacun puisse y projeter son propre sens. Donc si quelqu’un y voit quelque chose de totalement différent de mon intention initiale, c’est que le boulot est réussi.
Rock Sound (Caro) : Si Mammoth était un film, ce serait quoi ? Un road movie poussiéreux, un thriller psychologique, ou un documentaire ?
Mammoth : Probablement un mélange de documentaire, comédie et road trip. Avec des moments dramatiques, mais au fond, ce serait ça l’essence. Presque Spinal Tap. Un film rock complètement barré comme Tenacious D.
Rock Sound (Caro) : Si tu devais choisir une chanson pour dire “voilà qui je suis aujourd’hui”, ce serait laquelle ? Peu importe l’album.
Mammoth : Pour définir ce qu’est Mammoth, je dirais le morceau Mammoth du premier album. C’est vraiment le cœur du projet, ce que j’essaie de transmettre en termes de mélodie, de rythme, etc. Mais sur le nouvel album, je pense que One of a Kind ou The End sont de très bonnes représentations de ce que je veux exprimer.

Mammoth photographié par Caro
Rock Sound (Caro) : Tu dirais que tu as trouvé ton son, ton univers, celui dans lequel tu te sens bien ?
Mammoth : Oui, je pense que c’est le moment où je me sens le plus à l’aise. J’ai vraiment trouvé le son que je cherchais. Et je pense qu’on le peaufine à chaque album, en intégrant de nouvelles inspirations et en voyant comment elles nous influencent. Et jusqu’ici, c’est l’album de Mammoth le plus abouti, le plus mature et le plus confiant que j’ai fait.
Rock Sound (Caro) : Et donc, bientôt en tête d’affiche à Paris ?
Mammoth : Oui, on reviendra l’année prochaine. Je ne peux pas donner les dates exactes, sinon mon manager Tim va me gronder. Mais on sera de retour l’année prochaine avec un show qu’on a rôdé aux US. J’ai hâte !
Rock Sound (Caro) Merci beaucoup pour ton temps et cet échange. Et merci de m’avoir emmenée dans ton univers !
Mammoth : Merci à toi, c’était très fun !
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Une interview de Caro @Zi.only.Caro
Le nouvel album de Mammoth The End sort le 24 octobre !
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