Grandma’s Ashes

Grandma’s Ashes : l’interview encre et musique !

par | 22 Sep 2025 | Interview

⏱ Temps de lecture : 6 min

Bassiste incandescente, tatoueuse à l’âme vibrante, Eva compose sa vie comme un morceau sans refrain. À la tête du trio féminin Grandma’s Ashes, elle fait gronder les amplis et danser les lignes, entre chaos maîtrisé et beauté brute. Icônes punk, sororité, amour du live : ses mots résonnent comme ses riffs. L’encre, chez elle, n’est pas décor, c’est un cri, une mémoire, une reconquête. Rencontre avec une artiste qui transforme le chaos en beauté, à coups de décibels et de pigments.

 

IMG 3493 V4 credit Elisa Grosman

 

Rock Sound : Ta première claque rock, tu t’en souviens ? Le moment où tu t’es dit que tu ferais de la musique ? C’était en écoutant une chanson ou un album en particulier ?

Eva (Grandma’s Ashes) : Oh, ça remonte ! Le punk — les Ramones, les Sex Pistols — a bercé mon enfance et m’a donné un avant-goût du fun scénique. Mais c’est à l’adolescence, en découvrant Alice Cooper, que j’ai vraiment eu le déclic. Un choc, autant musical que visuel. Je voulais faire de la scène, avec les cheveux dressés sur la tête et une esthétique horreur/métal. L’album Welcome to My Nightmare, suivi de Psycho Circus de Kiss et Hellbilly Deluxe de Rob Zombie, m’ont plongée dans un univers métal coloré. Théâtral, déglingué, fun… c’est là que j’ai su que c’était mon rêve.

 

Qui étaient tes icônes rock quand tu étais adolescente ?

Eva (Grandma’s Ashes) : Ma première icône, c’était sûrement Jean-Jacques Burnel des Stranglers. Son jeu de basse, agressif et riche, son attitude punk et nonchalante… j’étais fan. À l’époque, peu de figures féminines dans ce style, mais Joan Jett, évidemment ! Avec les filles, nos influences sont très variées et ça se ressent dans nos compos. Edith est branchée folk et post-rock, Myriam écoute du hard rock 70s, de l’électro et du prog, et moi je suis à fond métal, grunge, prog 70s et pop. Parmi nos références, je citerais Yes, Radiohead, Alice in Chains…

 

Comment le groupe s’est-il formé ? Comment vous êtes-vous rencontrées ?

Eva (Grandma’s Ashes) : À l’époque, je composais seule avec un backing band changeant. En cherchant une guitariste j’ai rencontré Myriam via un site de mise en relation entre musicien·nes. Nos influences communes ont tout de suite créé un socle solide. Après quelques concerts et mois de recherche, on a trouvé Edith sur le même site. Encore une fois, coup de foudre humain et musical. Et voilà !

 

Vous êtes un groupe 100 % féminin. C’était voulu ou un hasard ?

Eva (Grandma’s Ashes) : Totalement un hasard. On s’est tout de suite hyper bien entendues, avec les mêmes ambitions, plein d’idées de compos, et une vraie envie d’avancer ensemble. Aujourd’hui, notre line-up est devenu très politique, et on en est fières.

 

Et ce nom un peu funeste… Grandma’s Ashes ? D’où vient l’idée ?

Eva (Grandma’s Ashes) : Quand Myriam a rejoint le groupe (qui portait mon nom avant), on voulait un nom qui claque, qui dérange un peu. On cherchait quelque chose de féminin, avec une notion d’héritage — on avait pensé à “Lucy’s Fur”. Mais “Grandma’s Ashes”, c’était à la fois choquant, mystérieux et intriguant. On s’est arrêtées là-dessus !

 

Les premiers concerts de Grandma, c’était comment ? Des bars, des soirées entre potes ?

Eva (Grandma’s Ashes) : Exactement ! Des petits clubs parisiens en sous-sol, des squats, des salons chez des particuliers… Puis, grâce au réseau et au culot, on a décroché des dates plus grosses. Mais rien ne vaut une cave remplie d’ami·es qui chantent tes morceaux par cœur depuis le début !

 

Y a-t-il une chanson que tu préfères jouer sur scène ? 

Eva (Grandma’s Ashes) : J’adore jouer nos nouveaux titres. Pour cette tournée, on a plein de morceaux inédits, et j’ai vraiment pensé certaines lignes de chant pour le live. J’y ai intégré du chant saturé — c’est cathartique, libérateur. J’ai hâte de cracher mes tripes tous les soirs, ahaha ! Sinon, Borderlands me touche particulièrement. C’est une chanson évolutive, où je sens l’énergie monter entre nous trois comme un courant électrique. Le breakdown final me file des frissons à chaque fois. Elle parle de notre parcours commun, de notre lien. Quand on est bien connectées sur scène, c’est presque une communion. Très émouvant.

 

Un souvenir de scène marquant ? Bon ou mauvais, drôle ou bizarre ?

Eva (Grandma’s Ashes) : En Espagne, lors de notre troisième date de tournée, j’ai fait exploser le retour devant moi. Le public était à fond, c’était l’un des derniers morceaux, très prog, et personne n’a réagi — tout le monde trouvait ça “rock”. Le retour s’est mis à fumer, ça sentait le brûlé. On n’a pas arrêté de jouer. Avec Myriam, on a posé le pied dessus et terminé le concert dans la fumée, avec un public en transe ! Ça aurait pu être dangereux, mais l’ambiance nous a emportées.

Photo Nicolas Chaigneau

Votre nouvel album, Bruxism, qui sort le 24 octobre, marque une évolution plus grunge, plus alternative… C’était voulu ou naturel ?

Eva (Grandma’s Ashes) Après trois ans de tournée, on avait envie de composer en pensant au live. On voulait du plus efficace, plus intense, plus sombre. Et puis, le contexte politique mondial inspire des idées noires… Les gens autour de nous à Paris sont tristes, inquiets, en colère. Ça donne un album qui parle d’urgence, de stress, de perte de sens.

 

Les groupes de filles ont-ils pris leur place dans le rock, ou reste-t-il du chemin à faire ?

Eva (Grandma’s Ashes) : Oui, clairement, ça bouge ! Il reste du boulot, mais des musiciennes comme Poppy, Crypta, Witch Club Satan, Heriot ou Jinjer ont rouvert la voie pour les plus jeunes. La représentation féminine est essentielle dans un milieu encore très masculin. Tout le monde a sa place dans le métal — sauf les fachos !

 

 

Tu es tatoueuse quand tu n’es pas sur scène ou en studio… Quand a commencé ton intérêt pour le tattoo ?

Eva (Grandma’s Ashes) J’étais en troisième année d’études supérieures quand mes proches m’ont suggéré de tenter une voie artistique qui me ferait vraiment vibrer — plus que “prof de français” ou langues orientales. Je m’ennuyais à mourir, avec l’impression de passer à côté de quelque chose d’énorme. Une prof m’a même conseillé d’aller faire un tour au Mondial du Tatouage, juste pour voir si ça me parlait. À l’époque, je trouvais le bodmod un peu flippant, presque vulgaire (si je me voyais aujourd’hui !). Mais en arrivant à la Grande Halle de la Villette, je me suis sentie instantanément chez moi. Entourée de gens comme moi : rebelles, marginaux, créatifs. J’ai décroché quelques semaines d’observation chez un tatoueur, et j’ai su que c’était ça. Depuis, ça fait presque dix ans que c’est mon métier.

 

Qu’est-ce que tu aimes dans le tatouage — autant en tant que tatoueuse que tatouée ?

Eva (Grandma’s Ashes) Dans la pratique, j’adore le côté artisanal du métier. Être en contrôle total de mes outils, de ma palette, être mon propre patron, et partager de l’art avec des gens différents chaque jour. J’aime pouvoir hyperfocus pendant des heures sur un projet, les longues séances de concentration extrême me galvanisent. En tant que tatouée — et c’est une des raisons pour lesquelles je fais ce métier — j’aime l’idée de pouvoir s’approprier son corps. Choisir ses cartes, décider de son apparence. Beaucoup de gens souffrent dans leur corps, s’excusent d’être eux-mêmes pendant les séances. J’aime savoir qu’on repart toujours un peu plus soi-même à la fin. On a enfin l’opportunité de se ressembler vraiment.

 

Le tatouage est-il pour toi un moyen d’expression, au même titre que la musique ?

Eva (Grandma’s Ashes) Absolument. Comme l’illustration — je fais aussi un peu de linogravure. C’est juste un autre biais pour raconter des histoires, transmettre des émotions. Il y a toujours un public : un auditeur ou un tatoué.

Photo Pascal Bauret

Quel style de tattoo pratiques-tu ? Pourquoi ce choix ?

Eva (Grandma’s Ashes)  Je fais une sorte de néo-trad acidulé, très influencé par l’art nouveau et le vitrail. J’adore les gros tracés noirs — mes clients connaissent bien la vladblad assourdissante qui ronronne avec un shader de 18 dans la buse ! — et les aplats de couleurs flashy. Je préfère les grosses pièces, les tattoos qu’on reconnaît de loin. Pour moi, rien de pire que de devoir s’approcher à 5 cm d’un tatouage sans comprendre ce qu’on regarde, parce que c’est trop petit, trop fin ou pas assez contrasté. Avec le vitrail, aucun risque ahaha !

 

Quel serait ton mot de la fin, si tu avais un message à faire passer aux lecteurs ?

Eva (Grandma’s Ashes) : Continuez à soutenir les artistes locaux : tatoueurs, petits groupes de musique, créateurs de votre ville. Achetez-leur de l’art, faites-les vivre ! Les artistes fabriquent de la beauté et de l’espoir dans des temps compliqués, c’est exactement le moment de leur tendre la main. Et enfin… rendez-vous à l’Élysée Montmartre avec Sun en mars !

 

Une interview encre et musique de Caro @Zi.only.Caro

Retrouvez Grandmas’Ashes sur instagram @grandmas.ashes.band

Bruxism, le nouvel album de Grandma’s Ashes, sort le 24 octobre !