Il y a des fins qui ressemblent à des débuts. Ce samedi 5 juillet 2025, Birmingham, bastion ouvrier du Royaume-Uni et berceau du heavy metal, a vu Black Sabbath fermer la boucle avec panache, émotion et hurlements d’amplis. La pelouse de Villa Park, envahie par 45 000 fans venus du monde entier, a accueilli « Back to the Beginning » : une ode de dix heures à l’influence écrasante de Black Sabbath, et surtout à Ozzy Osbourne, son cœur noir et flamboyant.

Black Sabbath Back to the Beginning un adieu légendaire à Birmingham
Dès midi, le rythme est infernal. Sur une scène rotative façon Live Aid, les têtes d’affiche du Download Festival des vingt dernières années se succèdent dans des sets courts, nerveux, où chacun reprend un classique de Sabbath ou d’Ozzy. Jason Momoa, armé de blagues et de muscles, joue le maître de cérémonie, pendant que des messages d’hommage affluent de Judas Priest, Elton John ou encore Kathy Rhoads, sœur de Randy, guitariste mythique disparu.
Tout va très vite. Mastodon ouvre le bal avec un Supernaut dantesque. Anthrax et Halestorm enchaînent avec un respect quasi religieux. Lamb of God balance un “Children of the Grave” incandescent, et Randy Blythe balance ses baskets dans la foule, euphorique. Puis, viennent les supergroupes. Lzzy Hale, Nuno Bettencourt, Mike Bordin, Jake E. Lee… tous réunis par Tom Morello pour jouer “The Ultimate Sin” ou encore un “Sweet Leaf” un peu mou, hélas gâché par David Draiman.
Mais la grâce arrive quand YUNGBLUD reprend “Changes”, dédié au footballeur Diogo Jota, mort dans un accident. Dans le stade, le silence est religieux. À ce moment précis, ce n’est plus un concert. C’est une veillée.
La fête continue, inouïe. Alice in Chains atomise “Fairies Wear Boots”. Gojira transforme “Under The Sun” en cathédrale sonore. Puis les gros calibres arrivent. Travis Barker, Danny Carey et Chad Smith se livrent à un duel de batterie surréaliste. Billy Corgan, sourire carnassier, enchaîne “Snowblind” et “Breaking the Law” avec KK Downing. Tobias Forge (Ghost) surgit en veste argentée pour “Bark at the Moon”. Puis Steven Tyler crève l’écran avec “Walk This Way”. Même Slash s’incline en reprenant “Never Say Die” avec une classe insolente, malgré un Axl un peu perdu dans le tempo.
Metallica, eux, livrent une prestation hallucinante. Compressée, nerveuse, impitoyable. “Without Black Sabbath, there would be no Metallica”, balance James Hetfield. Le message est clair. Ce soir, tout le monde s’agenouille devant les pères fondateurs.
Et puis, l’instant de vérité. La scène s’ouvre. Ozzy surgit, juché sur un trône de cuir, comme un roi fatigué mais triomphant. Il enchaîne “I Don’t Know”, “Mr Crowley”, “Suicide Solution”, “Mama I’m Coming Home”. Il pleure. Il tremble. Il rit. Il est vivant. Zakk Wylde veille sur lui comme un frère. Il crie “Go fucking crazy!” avant “Crazy Train”, et le stade explose.
Enfin, dans un dernier acte de communion, Black Sabbath – le vrai, l’unique, avec Bill Ward de retour après 20 ans – monte sur scène. “War Pigs” résonne dans les rues où tout a commencé il y a 57 ans. “NIB”, “Iron Man”, puis “Paranoid” clôturent la cérémonie. Quatre morceaux. Quatre pierres tombales pour un mythe vivant. Le public exulte. Personne ne veut que ça finisse. Mais tout est dit.
Ozzy a dû se battre pour être là. Chaque note est un acte de résistance. Ce n’était pas un concert. C’était une éclipse. Une prière païenne. Une fin majuscule. Et dans le sillage de cette dernière messe, une certitude subsiste : personne ne fera jamais ce que Black Sabbath a fait. Personne.
Cette soirée n’avait rien d’une énième tournée d’adieu en demi-teinte : elle avait la densité d’un testament, l’urgence d’un adieu concret, un achèvement en majesté. À la fin, face à la scène engloutie par les lumières et les cris, un constat s’impose : le prince des ténèbres offrait son au revoir, enfin digne de sa légende.