Ouais je sais, ça fait mal. Tu pensais échapper à ce moment où tes gosses s’habillent en toi. Tes baggys, tes Adidas Campus, ta casquette Von Dutch (RIP Cricri, l’ami des stars) : tout ça revient à la mode, et eux trouvent ça cool. Nous, on l’a vécu en vrai : entre deux MSN et trois riffs de Korn, sans même se rendre compte qu’on vivait notre meilleure vie. Et bizarrement, vingt‑cinq ans plus tard, on n’a pas tant changé.
Quand la Gen Z s’habille en nous
TikTok, hashtag #Y2K (comprenez l’abréviation de Year 2000), des millions de vues. La Gen Z a décidé que notre adolescence valait la peine d’être pillée. Leurs jeans taille basse sortent tout droit de nos photos Skyblog, et les Speedcat qu’ils portent n’ont rien à envier à 2001. C’est ça le choc : eux trouvent ça vintage cool, nous on revoit les heures passées à supplier nos darons de nous acheter un pull Lulu Castagnette ou un sac DDP. Le plus drôle ? Cette génération n’a même pas connu la sacro-sainte bible MTV (certains n’ont même plus de télé !), en boucle avec Total Request Live ou Pimp My Ride. Pourtant, ils singent ces codes avec un sérieux implacable. Comme si dans ce monde post-pandémie anxiogène, s’habiller comme Hilary Duff ou Avril Lavigne version 2004, c’était un acte de fraîcheur.
Et la différence est là mes chers amis : tandis qu’on se cherchait maladroitement avec toute notre innocence, entre eyeliner bleu qui bave et string qui dépasse (et qui gratte), sourcil bien trop fin et contour des lèvres bien trop foncé, eux font ça en toute conscience, body positive et genderfluid. Quand Bella Hadid ressort le sac Saddle de Dior, ou que le symbole papillon refait surface, pendant qu’on tente de cacher cette tragique erreur tatoo creux des reins, c’est plus du cringe, c’est du statement. Bref, ils nous ont volé nos fringues, les portent avec la certitude que c’est stylé, et ça fonctionne putain. Nous, on a juste nos vieilles photos compromettantes pour pleurer.

#Y2K : le come-back des années 2000
Les années 2000, âge d’or du gros son
Faut pas se mentir : les années 2000, c’était notre terrain de jeu. Certains essayaient de reproduire les chorés de Britney et JLo, pendant que d’autres apprenaient à gratter. Dans la librairie du coin, y’en a qui bavaient en lisant Fan 2, et d’autres qui filaient écouter la dernière compil Rock Sound avec leurs potes. Le hip-hop côtoyait depuis un moment le métal, et paf les chocapics, la naissance du divin enfant : le nu métal.
Korn, Slipknot, Limp Bizkit, System of a Down, Deftones, Linkin Park : une armée de riffs et de growls qui sonnaient bon la porte claquant à la gueule des parents, les roues du skatepark et les hormones en ébullition. MTV, encore elle, diffusait à la fois Dirrty de Christina Aguilera et Freak on a Leash. Deux mondes qui ne se parlaient pas, mais qui coexistaient dans la même décennie schizophrène. Le nu métal, c’était les baggys trop longs et les Vans crados, le vernis noir et les mèches rouges, un mec mi-Tony Hawk mi-Method Man, qui aurait bouffé un métalleux première génération. Ce moment, c’était celui où tu pouvais passer de Nookie à Complicated sans lever un sourcil, parce que tout sonnait comme une explosion d’adolescence permanente.

Rock Sound Mag – Y2K
Et le plus dingue, c’est que ces groupes sont encore là, plus puissants que jamais. Certains n’ont pas sorti d’album depuis plus de quinze ans mais on s’en branle, leur empreinte colle au monde à jamais. Korn, Limp Bizkit, SOAD, se repointent et remplissent des stades sur tous les continents en 2025 à faire péter les records. Live Nation l’a confirmé : le métal représente désormais 13 % des shows en arène et c’est un peu grâce à eux. On peut dire ce qu’on veut, mais cette énergie des 2000’s n’a jamais disparu. Elle sommeillait, le temps qu’on se calme un peu et qu’on joue aux adultes, mais pas trop quand même.

Korn – Y2K
Le lifestyle 2000, entre Blackberry et Paris Hilton
La mode, c’était une chose. Mais les années 2000, c’était surtout un univers, une ambiance totale. Nous, on vivait ça dans la spontanéité la plus crue. On tchattait sur MSN avec des pseudos en hiéroglyphes, on se passait des MP3 compressés à mort, et si tu avais un Blackberry, t’étais persuadé d’être un boss à 17 ans. C’était ridicule, mais c’était sincère. On consommait MTV en planant : Cribs pour rêver de villas improbables, Jackass pour se casser la gueule avec ses potes, The Simple Life pour prendre des barres de rire et de style. Rien n’était filtré, rien n’était ironique : on prenait tout ça au premier degré.

Jackass – MTV
La Gen Z de nos têtes blondes reprend ces codes, mais dans une logique inverse. Là où l’on vivait l’instant sans recul, eux jouent du second degré permanent. Ils achètent un Nokia 3310 non pas parce que c’est le seul téléphone dispo, mais parce que c’est un statement de déconnexion. Ils portent du Juicy Couture non pas pour copier Paris Hilton, mais pour parodier la vulgarité assumée des années 2000. Là où nous on se ridiculisait sans le savoir, eux se ridiculisent exprès, parce que tout est conscient, archivé, instagrammé.
Et c’est là que le choc générationnel se creuse : nous, on baignait dans une insouciance totale, tout était trop — trop large, trop brillant, trop assumé, trop ridicule — et c’était parfait justement parce que ça n’avait aucune arrière-pensée. Eux, sous la mitraille de TikTok et d’algorithmes Meta, cherchent dans nos codes une échappatoire : ils veulent vivre un moment de désinvolture, même factice. On s’habillait sans savoir qu’on créait une esthétique, eux le refont en sachant très bien ce que ça va donner.

The Simple Life – MTV
Pourquoi ça revient ?
Simple : parce que les années 2000, c’était la dernière décennie avant que le monde ne bascule dans la lourdeur permanente. Avant le 11 septembre, la crise de 2008, la pandémie, les guerres interminables et les nouvelles, la pression nucléaire, le mariage et la belle-mère qui va avec. Et surtout avant l’internet comme on dit, et ses indéniables dérives. Bref, avant que notre jeunesse se fasse voler son insouciance et sa vie privée. Pour nous, Millenials, c’était la Belle Époque. Les années où on n’avait pas encore de responsabilités, juste des rêves démesurés et des fringues douteuses. Pour la Gen Z, c’est un passé idéalisé, désinvolte, qu’ils n’ont jamais connu mais qu’ils fantasment à travers TikTok et les archives infinies d’Internet.

Limp Bizkit – MTV Music Awards
Et puis, pour l’explication Bernard Pivot, il y a la rétromanie : ce mouvement dans lequel la pop culture recycle sans cesse son propre passé. Avant, les cycles de mode prenaient 30 ou 40 ans. Aujourd’hui, il suffit d’un hashtag pour faire revenir une décennie. En 2020, c’était les 90’s. En 2023, c’était déjà les 2000’s. Dans cinq ans, on aura probablement le revival 2010. Mais celui des 2000’s est particulier, peut-être aussi parce qu’on est un bon paquet à ne jamais avoir quitté nos Vans et nos baggys, à vernir nos ongles en noir à l’occas, et à claquer la porte de la maison des darons le dimanche de temps en temps.
Les années 2000 ne sont pas un revival, elles sont éternelles
C’est clair, on a pris un peu de bide, on cache nos cheveux blancs sous une casquette rouge NY, et le bruit de fond c’est plus souvent les cris des gosses que ceux de Corey Taylor. Mais la vérité, c’est qu’on n’a jamais quitté les années 2000. Et le bonus ? Nos gamins nous accompagnent en concert, portent les mêmes fringues, et on partage avec eux ce que ça voulait dire de vivre une décennie où tout paraissait possible. Parce qu’au-delà de ce qui est pioché et déformé dans les archives du net, y’a surtout les anecdotes vécues des pionniers qui l’ont faite cette putain d’époque : NOUS.
Alors non, les années 2000 ne sont pas un revival. Elles sont une dimension parallèle où l’adolescence n’en finit jamais. Et si on n’en sort pas, c’est peut-être bien parce qu’on n’a jamais trouvé mieux.





