Live report : quand l’indé met le feu à Paris

Trois groupes. Trois salles pleines. En juin, on a retrouvé Your New Favorite Tape, Basic Partner et Kairos Bloom pour célébrer ce que la scène indé a de plus précieux : le bruit, les liens et la liberté. Si juin était un film, ce serait un city trip entre néons moites et lumière crue, des caves suintantes aux scènes brutes. Retour sur trois soirées brûlantes qui ont fait vibrer Paris.

 

 

Your New Favorite Tape au Klub – 14 juin 2025

Il faisait une chaleur à faire fondre les amplis ce soir-là dans Paris. Salle comble, ambiance sauna et bière tiède dans la cave du Klub : tous les ingrédients étaient réunis pour la release party de Twenty Years Too Late.  Le quatuor parisien Your New Favorite Tape avait fait les choses en grand, à leur façon : 100% DIY, avec leurs tripes et leur bonne humeur.

La soirée s’ouvre avec Poésie Zéro (Rueil-Malmaison), qui balance un punk joyeux, fun, un brin ska, avec des textes drôles et décalés. On se laisse embarquer à chanter « Punk à vélo » qui nous aura bien fait marrer. Viennent ensuite les Luxembourgeois de Unread, cover band rock efficace, nous foutant les poils et la larmichette à l’œil finale avec leur reprise habitée de « Lonely Day » de System of a Down. Public conquis, voix en l’air.

 

 

Le public est chauffé à bloc quand les très attendus YNFT montent enfin sur scène. Ils enchaînent brillamment les morceaux de l’album malgré le thermomètre et le son qui les aura fait suer, kiffant chaque morceau, leur énergie communicative en gratitude pour le public venu les soutenir. L’ambiance monte d’un cran lorsque Benny saute dans le public et fait chanter la foule, ça se jette des slips, ça transpire l’amitié et la passion. Autour d’eux, leurs proches, leurs gosses, leurs darons : ambiance généreuse, bon enfant. C’était le couronnement d’un projet fou né en 2023, devenu en deux ans un vrai groupe avec un vrai album qui n’a rien à envier aux plus établis. Et ce soir-là, on l’a senti : ils sont bien là pour durer.

 

 

Basic Partner au Point Éphémère – 17 juin 2025

Trois jours plus tard, changement d’ambiance mais même ferveur. Au Point Éphémère, Basic Partner fête la sortie de New Decade devant un public dense et attentif. Le son est plus clinique, les lumières plus froides, mais l’intensité est bouillonnante. Les quatre Nantais ont conçu leur album comme un carnet de bord désabusé et lumineux à la fois, et le live le démultiplie.

La soirée démarre avec les Parisiens de Saint Negus, un rock garage brut de décoffrage, riffs puissants et batterie qui cogne comme un moteur en surchauffe. On est accrochés dès les premières mesures et on adhère jusqu’à la fin. Puis viennent Fragments, groupe nantais post-rock/electro qui fait planer la salle avec ses nappes organiques et ses montées en tension. Un bel écrin pour la tête d’affiche.

 

 

Basic Partner arrive sans frime mais avec beaucoup de conviction. Marius, Clément, Sacha et Anton envoient un set carré, mélancolique et tendu, qui touche droit au cœur. Ce n’est pas un show qui crie, c’est un show qui nous parle, chuchote des vérités dans le creux de l’oreille entre deux couches de synthés et un solo de sax. Leurs titres prennent une ampleur nouvelle en live, portés par une énergie collective qui ne cherche pas à briller, mais à relier. Ils jouent avec le silence comme avec le bruit, avec une intensité contenue qui déclenche les frissons. Les voix s’imbriquent, les mélodies s’étirent, la tension monte sauvagement. Et dans le public, ça résonne. Parce que ces gars-là parlent de nous. Pas en slogans, mais en doutes, en nuances, en failles. Avec leurs mots. Et surtout, avec le cœur. Des bêtes de scènes qui excellent en live et n’ont pas fini de nous secouer.

 

 

Kairos Bloom au Klub – 25 juin 2025

Retour dans la cave du Klub pour clôturer ce mois de feu. Cette fois, place à l’élégance et à la brume. Kairos Bloom y célèbre la sortie de Gallica, leur nouvel EP aussi beau qu’introspectif. Zéro Lézard démarre tranquillement avec leur rock français un brin dandy qui nous caresse les oreilles pour la suite. Riva Sinistra prend le relais, influences cold wave assumées, très belles découvertes pour ces deux groupes en première partie. Une mise en bouche parfaite pour la rêverie noire de Kairos Bloom qui s’installe à son tour.

 

 

Sur scène, Manu pose sa voix singulière sur des lignes de guitares divinement vaporeuses. Le temps se dilate, la salle retient son souffle. Les morceaux s’enchaînent, « Spaceship » plane, « Still There, Gallica » vibre. On retourne aussi avec émotion sur les morceaux de leurs débuts, l’alchimie est totale. Le son est mûr, précis, à l’image de cet excellent EP entièrement autoproduit par Ilan, batteur et architecte sonore du groupe. La salle est pleine, le groupe gère sa scène comme des vétérans : transitions fluides, regards complices, intensité maîtrisée. Chaque geste est pesé, habité. C’était beau et terriblement bien ficelé. Kairos Bloom ne donne pas juste un concert : ils créent un espace mental, un refuge poétique, dont on ressort à la fois apaisé et électrisé.

 

 

Trois soirs, un seul battement de cœur

Au Klub ou au Point F, dans la moiteur ou dans la clarté, ces trois releases ont dit la même chose : la scène indé française se porte merveilleusement bien. Elle fait du bruit et nous retourne les boyaux. Qu’elle soit punk, noise, ou spleen cinématique, elle nous touche parce qu’elle est faite de gens passionnés qui ne trichent pas. Qui créent, partagent, montent sur scène sans certitudes mais avec l’envie d’être ensemble et de nous donner du kiff.  Et en 2025, ça nous donne une raison de plus de ne pas la fermer.

 

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