La ballade de Gilles Bertin

par | 4 Juin 2025 | LIVRES

⏱ Temps de lecture : 3 min

Avec Camera Silens, le groupe punk qu’il a créé, Gilles Bertin oscille entre concerts turbulents, tremplins rock et petites combines. Jusqu’au jour où il braque près de 12 millions de francs à la Brink’s. Ses complices sont rapidement rattrapés… mais Gilles parvient à s’échapper en passant les Pyrénées. Une cavale de plusieurs décennies commence alors.

 

La ballade de Gilles Bertin

La ballade de Gilles Bertin

 

C’est une histoire vraie ! Celle d’un chanteur d’un groupe vénéré par la scène punk française des années 80 aux vies romanesques : frontman capable de rivaliser avec Bertand Cantat à l’époque où il chantait pour le proto Noirs Desirs, héroïnomane qui remplace la came par les braquages de banques, fugitif passé pour mort pendant 30 ans, il vivra sous de fausses identités dans l’Espagne post Franco en tentant péniblement de traiter sa séroposivité sans couverture sociale.

Au scénario et aux dessins, Stéphane Oiry qui adapte le roman de Bertin « Trente ans de cavale : ma vie de punk » publié en 2019. Déjà à l’œuvre sur le fameux « Rock Strips » de Vincent Brunner, Oiry -nommé chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres en 2023- a également illustré « Nous Sommes Motörhead. »

Et il est vrai que cette romanesque fuite en avant est aussi une épopée rock qui commence comme un remake français de « High Fidelity » où les débats autour de Bob Dylan seraient remplacés par ceux qui détermineraient le meilleur morceau des Ramones.

Car en plus d’avoir été braqueur et barman, Bertin ouvrira une boutique de disques d’occasion, l’occasion de disserter à longueur de pages sur  les pochettes de disques ou les logos des Sisters of Murphy, Popol Vuh, Can et des irrécupérables capables de vendre du Neu! pour acheter du Def Leppard !

La ballade de Gilles Bertin

La ballade de Gilles Bertin

La BD de Oiry, c’est plus que la cavale d’un homme paradoxalement respectable malgré les choix désastreux qu’il s’impose et que l’auteur refuse de juger ; c’est l’histoire d’un homme qui paie sur 30 ans ses erreurs de jeunesse en perdant son identité, sa famille et son fils et qui continue à se battre dignement contre la maladie et pour garder une liberté qu’il sait ne pas mériter.

La ballade de Gilles Bertin

La ballade de Gilles Bertin

C’est aussi la restitution immersive des années vinyles, des discothèques qui passaient du Killing Joke ou The Cult, de la France des baby foot et des cabines téléphoniques à l’Espagne des banlieues en passant par les restitutions graphiques des pochettes de PJ Harvey, Captain Beefheart, Jesus Lizard, Scorpions ou Nirvana. C’est enfin une touchante histoire d’amour entre Gilles Bertin et sa compagne Cecilia Miguel, une femme remarquable de courage et d’abnégation, qui postface le livre.

Malgré ces 30 saisons en enfer, Gilles Bertin, perpétuel exilé de toutes ces vies qu’il aura touchées du doigt, ne se plaint ou ne s’indigne. Il restera fidèle à une certaine éthique rock : « Ne se courber devant aucune autorité ». Il finira même par attendrir ses juges qui lui infligeront une peine minimum alors qu’il se rendra avant la prescription de ses délits. Il mourra fauché par le Sida en 2019, après avoir recouvré sa liberté et ses papiers d’identité.

Une remarquable BD dont les couleurs et le traits enchanteront les admirateurs de « Love and Rockets ». La bande son de Oiry fera le reste : Iggy Pop, Bahaus, Swell, The Cure, Mötley Crüe et… Annie Cordy !

 

La ballade de Gilles Bertin

La ballade de Gilles Bertin

 

Les héros du peuple sont immortels par Stéphane Oiry
Dargaud – 128 pages – 21.50€
Instagram : https://www.instagram.com/oiry.stephane/