Black Rabbit : le thriller qui bouscule Netflix

par | 30 Sep 2025 | Films / Séries

⏱ Temps de lecture : 8 min

Black Rabbit, c’est huit épisodes, un décor new-yorkais étouffant, un restaurant de luxe en guise d’arène, et deux frères qui se regardent comme des boxeurs au bord du KO. Jude Law, impeccable en restaurateur au vernis craquelé, affronte Jason Bateman, junkie de dettes et d’autodestruction, revenu semer le chaos dans une vie trop bien rangée.

Le pitch pourrait sonner classique – un frère qui revient, des comptes à solder, des dettes à payer – mais la série de Netflix, créée par Zach Baylin et Kate Susman, n’est pas juste un drame familial de plus. C’est un thriller sombre, tendu comme une corde, où la loyauté se mélange au poison et où chaque silence pèse plus lourd qu’un coup de feu. On a adoré.

Black Rabbit le thriller qui bouscule Netflix

Black Rabbit le thriller qui bouscule Netflix

 

Il y a dans Black Rabbit une brutalité feutrée. La série s’ouvre sur New York la nuit, ses néons, ses cuisines moites, ses salons chics qui sentent la coke et le parfum hors de prix. La ville n’est pas un décor, c’est un personnage : elle observe, elle écrase, elle corrompt. On pense à Ozark pour le poids du crime, à Succession pour les guerres de famille, à The Bear pour la tension d’une cuisine qui déborde. Mais ici, tout converge vers une seule obsession : le sang. Pas celui qu’on verse sur le carrelage, mais celui qui coule dans les veines, celui qui t’attache à ton frère même quand tu voudrais l’étrangler.

Jake Friedken (Jude Law) a tout ce que Vince (Jason Bateman) n’a plus : un restaurant qui cartonne, une compagne solide, une façade de respectabilité. Vince débarque avec des dettes monstrueuses, un regard torve et ce besoin maladif de reconnaissance. Leur relation, c’est Caïn et Abel remixés à l’ère Netflix : l’un construit, l’autre détruit, et au milieu, une famille qui se déchire dans le silence. La disparition d’Anna, personnage clé et blessure béante, hante les épisodes comme un fantôme qu’on ne nomme jamais trop fort. Les flashbacks, disséminés, reconstituent l’enfance fracturée, les traumatismes, les rancunes. Pas de happy end possible : chaque épisode resserre le piège, jusqu’à l’asphyxie.

Black Rabbit le thriller qui bouscule Netflix

Black Rabbit le thriller qui bouscule Netflix

Mais Black Rabbit n’est pas seulement un récit de frères ennemis. C’est aussi une série sur le pouvoir : celui de l’argent, des dettes, des usuriers incarnés par Joe Mancuso (incroyable Troy Kotsur, magnétique jusque dans le silence de ses gestes). C’est une série sur les façades sociales, ces vitrines que l’on entretient – un restaurant chic, une réputation en béton – pendant que les murs s’effritent derrière. Et c’est une série sur le poids du non-dit : les dialogues sont souvent minimalistes, mais chaque pause, chaque regard trahit la peur, la haine, ou cet amour impossible qui subsiste malgré tout.

Visuellement, c’est une réussite. Bateman, qui réalise plusieurs épisodes, joue avec les contrastes : l’éclat des cocktails contre l’ombre des ruelles, le luxe tapageur contre la crasse des arrières-cuisines. La photographie accentue les fractures : lumière chaude dans la salle, froide et métallique dans les cuisines, obscure et glauque dans les dettes. La bande-son, minimaliste, alterne silences pesants et tensions sourdes. Rien de superflu : chaque plan est pensé pour faire monter la pression.

Alors oui, Black Rabbit n’est pas parfaite. Elle souffre parfois de longueurs, certains seconds rôles semblent sacrifiés, et l’écriture peut paraître trop appuyée. Mais c’est aussi ce qui la rend intéressante : une série qui n’a pas peur de trop en faire, de risquer l’excès dramatique. Parce que derrière ses défauts, elle a une âme – ce qui manque cruellement à tant de productions calibrées.

La critique s’est divisée : certains hurlent au chef-d’œuvre, d’autres dénoncent un drame déjà vu. Mais tous reconnaissent la force du duo Bateman-Law, ce duel fraternel qui transcende le reste. Et toi, si tu l’as aimée, c’est sûrement parce que la série tape là où ça fait mal : dans cette zone grise où la famille est à la fois refuge et malédiction.

Black Rabbit ne cherche pas à plaire à tout le monde. Elle est sombre, exigeante, parfois inconfortable. Mais elle marque, elle laisse une trace. Et dans le flot infini des séries de plateforme, ça suffit à en faire un objet rare.

Black Rabbit 1

Les personnages : une galerie d’âmes cabossées

Derrière le duel fraternel qui occupe tout l’écran, Black Rabbit doit beaucoup à ses personnages secondaires. Et c’est là que réside sa force : aucun n’est totalement accessoire, même quand l’écriture les traite un peu trop vite. Roxie (Amaka Okafor), cheffe de cuisine au Black Rabbit, incarne une forme de rigueur morale : elle est celle qui tente de maintenir un équilibre, mais la tempête finit par la rattraper.

Estelle (Cleopatra Coleman), compagne de Jake, symbolise la tentation de la normalité, le désir de vivre hors du chaos, mais sa fidélité vacille sous la pression. Et puis il y a Joe Mancuso, le prêteur sourd incarné par Troy Kotsur, sans doute le personnage le plus fascinant après les frères Friedken : il ne parle pas beaucoup, il impose par le silence, il menace par sa simple présence. Rarement une série aura donné à un antagoniste une aura aussi mythologique, presque biblique.

Quant aux frères, tout repose sur eux. Jude Law offre une performance tendue, nerveuse, parfois fragile, souvent cruelle. Son Jake est un homme qui construit mais qui vit avec la peur que tout s’effondre – un rôle taillé pour lui, tant son visage exprime la fatigue et l’élégance dans le même mouvement. Jason Bateman, lui, rejoue en partie ses obsessions d’Ozark : l’homme qui tente de survivre dans le chaos. Mais ici, il se laisse aller à plus de vulnérabilité, moins de calcul, plus de désespoir brut. Les critiques lui reprochent parfois d’être trop monolithique – “un type en colère” – mais c’est précisément ce qui fonctionne : Vince n’est pas subtil, il est une plaie ouverte qui saigne sur tout ce qu’il touche.

Black Rabbit

 

Esthétique et mise en scène : New York comme piège

Ce qui frappe dans Black Rabbit, c’est la façon dont New York est filmée. Pas la carte postale de Times Square, ni le glamour des rooftops instagrammables. Ici, c’est une ville de contrastes : un restaurant où se pressent les puissants, des cuisines où l’on crie plus qu’on ne cuisine, des ruelles où les dettes se règlent dans l’ombre. La série refuse la propreté. Elle filme les murs moisis, les couloirs étroits, les regards qui glissent entre deux portes. Jason Bateman, qui signe la réalisation des deux premiers épisodes, impose un style sec, tendu, qui donne le ton pour la suite.

La lumière joue un rôle essentiel. Dans la salle du restaurant, tout brille, tout scintille. Mais dans les cuisines, la lumière devient métallique, froide, presque chirurgicale. Et quand la série s’aventure dans les bas-fonds de la dette et du crime, tout se teinte d’ombre et de glauque. La photographie accentue cette descente progressive : plus on avance, plus l’écran se noircit. C’est presque un thriller expressionniste, à la frontière entre polar et cauchemar.

La bande-son, minimaliste, sait se faire oublier. Peu de musiques envahissantes, beaucoup de silences lourds. Et quand la musique surgit, elle est souvent utilisée comme contrepoint : une scène violente accompagnée d’un jazz élégant, un règlement de compte sur fond de soul nostalgique. Ce décalage crée une tension supplémentaire : le spectateur ne sait jamais sur quel rythme danser.

 

Forces et faiblesses : le fragile équilibre

La grande force de Black Rabbit, c’est son intensité émotionnelle. Les confrontations entre Law et Bateman tiennent en haleine, parfois plus que les intrigues secondaires. La série réussit à faire d’un restaurant un champ de bataille, d’une table dressée un champ de mines. Et ce mélange entre gastronomie, famille et criminalité lui donne une identité singulière.

Mais cette ambition est aussi son talon d’Achille. Par moments, la série veut trop en faire. Elle accumule les drames, les flashbacks, les coups de théâtre, au point de frôler la surcharge. Certains épisodes ralentissent, étirent des scènes, perdent en tension. Les personnages secondaires – Estelle, Wes, Val – auraient mérité plus de profondeur. À force de tout miser sur le duel fraternel, Black Rabbit sacrifie parfois la richesse de son univers.

Reste que même dans ses excès, elle dégage une énergie brute. Une série imparfaite, mais vivante, habitée, qui refuse le tiède.

Réception critique : un débat enflammé

Les critiques se sont divisées. Sur Rotten Tomatoes, la série plafonne autour de 65 % d’avis positifs. Metacritic parle d’un accueil “généralement favorable”. Certains journaux, comme Time ou Hollywood Reporter, saluent l’ambiance visuelle, le duo d’acteurs, la capacité à créer un univers sombre et crédible. D’autres, comme RogerEbert.com, dénoncent une série “trop lourde, trop bavarde, trop déjà-vu”.

Mais la presse n’est pas tout. Sur les réseaux, Black Rabbit a trouvé son public. Les discussions tournent autour de la question : “Qui est vraiment coupable ?” ou “Qui mérite d’être sauvé ?” Certains fans comparent la série à une pièce de théâtre grecque, d’autres à une version gastronomique d’Ozark. Et l’idée d’une saison 2, bien que la série soit annoncée comme “limited series”, alimente déjà les fantasmes.

Black Rabbit le thriller qui bouscule Netflix

Conclusion : une morsure qui reste

Black Rabbit n’est pas une série confortable. Elle ne flatte pas, elle ne caresse pas. Elle mord. Elle montre une famille qui s’autodévore, un monde où chaque succès cache une dette, et une ville qui ne pardonne rien. C’est imparfait, parfois maladroit, mais ça a du sang, du nerf, du cœur. Et c’est bien pour ça qu’elle marque.

Dans un océan de productions formatées, elle ose être trop sombre, trop bavarde, trop dramatique. Elle ose être excessive, parce que la vie l’est aussi. Et si tu l’as aimée, c’est sans doute parce que tu t’es reconnu quelque part dans ce chaos : un frère qu’on aime et qu’on hait, une façade qu’on entretient pour ne pas sombrer, un silence qui en dit plus que mille mots. Black Rabbit, c’est tout ça. Et c’est déjà énorme.

 

FAQ : Black Rabbit

1. Combien d’épisodes compte la série et quelle est leur durée ?
Black Rabbit compte huit épisodes, chacun durant entre 45 et 65 minutes. Cette durée variable permet aux créateurs d’adapter le rythme à la tension dramatique, plutôt que de suivre un format standardisé.

2. La série est-elle inspirée d’une histoire vraie ?
Non, c’est une création originale. Mais ses thématiques – dettes, famille, loyauté – s’inspirent de réalités universelles. Elle puise aussi dans une tradition littéraire et cinématographique où la famille devient une tragédie.

3. Quelle est la place de la gastronomie dans Black Rabbit ?
Le restaurant n’est pas un simple décor. C’est le cœur symbolique de la série : lieu de réussite sociale, mais aussi façade fragile. Chaque plat, chaque service devient une métaphore de l’équilibre impossible entre ordre et chaos.

4. Pourquoi la série fascine-t-elle autant autour du lien fraternel ?
Parce que tout le monde comprend ce lien : l’amour et la haine, la loyauté et la trahison. Jake et Vince incarnent cette dualité universelle, poussée ici à l’extrême dramatique.

5. Joe Mancuso est-il le vrai “méchant” ?
Oui et non. C’est l’antagoniste visible, l’usurier, le prédateur. Mais le véritable ennemi, c’est la fracture entre les deux frères, leur incapacité à se réconcilier. Mancuso ne fait qu’accélérer l’inévitable.

6. Peut-on comparer Black Rabbit à Ozark ?
Absolument. Même tension familiale, même obsession du crime et des dettes. Mais là où Ozark se concentrait sur les cartels et le blanchiment, Black Rabbit reste plus intime, plus psychologique.

7. Y aura-t-il une saison 2 ?
Officiellement, non : Netflix a présenté la série comme une mini-série. Officieusement, tout dépendra du succès. Si le public répond présent, difficile d’imaginer la plateforme ne pas tenter de prolonger l’histoire.

8. Quelle est la performance la plus marquante du casting ?
Beaucoup citent Troy Kotsur pour son rôle de Joe Mancuso. Mais le duel Bateman/Law est l’ossature : Law impressionne par sa fragilité élégante, Bateman par sa colère contenue.

9. Quelles critiques reviennent le plus souvent ?
La lenteur de certains épisodes, l’impression de déjà-vu, et le manque de profondeur de certains personnages secondaires. Mais aussi la force visuelle et la tension des scènes principales.

10. Pourquoi Black Rabbit mérite-t-elle d’être regardée ?
Parce qu’elle ose. Parce qu’elle raconte la vérité crue sur les familles : ce sont elles qui te sauvent, ce sont elles qui te détruisent. Et parce que, malgré ses défauts, elle marque la mémoire plus longtemps qu’une série trop lisse.