AC/DC a beau sillonner l’autoroute de l’enfer depuis maintenant plus de 50 ans, le groupe fondé par les frères Young en a encore sous le capot. 17 albums, 200 millions de copies à travers le monde, des stades toujours pleins à craquer et un septuagénaire grimé en collégien pour qui l’école de la vie sur la route ne veut pas finir : en plus de cette musique qui vient de là, qui vient du blues et qui a cette rareté de mettre tout le monde d’accord, AC/DC a désormais une dimension mythique… celle d’un groupe plus fort que la mort. Cela valait bien une belle biographie par Axel Brémond, par ailleurs musicien pour le groupe Loving Dead.

AC/DC : Electric Story
Et Angus Young est le premier à s’en foutre : peu lui importe les critiques faites au groupe depuis Back in Black (« le groupe n’a jamais été aussi bon depuis la mort de Bon Scott, qui d’ailleurs aurait écrit toutes les paroles du disque posthume » – une affirmation réfutée avec énergie par Axel Brémond – , « AC/DC sort le même disque depuis plus de quarante ans », « ils feraient mieux d’arrêter et rentrer à l’EHPAD »), cette biographie le martèle avec l’énergie du courant alternatif : la musique chez AC/DC est littéralement une affaire de vie ou de mort.
Elle prend ses racines dans le blues de ces écossais expatriés en Australie et pour qui la musique va être une échappatoire au déracinement de la famille Young qui arrive dans un foyer pour immigrés où il pleut sans arrêt, dans une maison infestée de serpents. Lorsque Malcom Young, celui qui deviendra la colonne vertébrale du groupe, et son petit frère Angus voient leurs parents pleurer le soir de leur arrivée, ils développent la principale qualité qui fera puissance d’AC/DC : la résilience.
Ce blues de l’expatrié se précise quand le grand frère George Young se découvre des talents d’auteur compositeur pour les Easybeats qui va donner envie à Malcom de fonder à son tour un groupe, lui qui caresse sa Gretch depuis ses quatorze ans. Quant à Angus, il manque de se déboiter les hanches en jouant sur une Les Paul du haut de son mètre 57. Il opte pour sa Gibson SG beaucoup plus légère.
Impatient d’attirer l’attention, le petit Angus donne des concerts pour des bikers dans des pubs déguisé en gorille, en super-héros, en gorille avant que sa sœur ne lui souffle l’idée de s’habiller en écolier sous les moqueries du public. Le petit homme a alors envie de se surpasser et de les faire taire, se roule par terre avec sa guitare, lance son duck walk, devient fou furieux et forge ainsi l’adn du groupe sur scène: un pur concentré de simplicité et d’énergie, à une époque où le groupe est persuadé qu’un riff = une chanson.
Axel Brémond se montre très rigoureux sur les anecdotes de compositions dont les plus étonnantes restent celles où, pour l’album TNT, George Young teste la structure des morceaux au piano (AC/DC au piano ?!) pour valider la composition avant d’autoriser le groupe à la dérégler ensuite à la guitare. Il y a aussi, le morceau « High Voltage » composé en « la » « do » ré » « do », soit A C D C selon l’appellation anglaise de ces notes. Et puis, ce rythme de travail incroyable d’entrer en studio pour enregistrer l’album Let There Be Rock juste après être sorti de scène ! Une énergie prodigieuse qui va permettre à ce groupe de Hard-Rock de s’imposer en pleine vague Punk !
Axel Brémond s’attarde également sur le mal-être de Bon Scott, sa consommation effrayante d’alcool et l’hypothèse selon laquelle, comme Jim Morrison, il serait mort d’une dose d’héroïne. Tandis que que la chanson « Highway to Hell » a bien failli ne jamais voir le jour, l’enfant de l’ingénieur du son manquant de détruire la bande originale où la chanson avait été enregistré.
Axel Brémond rappelle aussi la personnalité attachante de Brian Johnson dont la simplicité, l’humilité et la culture musicale lui vaudront de devenir le fontman le plus improbable de l’histoire du rock. L’anecdote de son recrutement au sein du groupe vaut à elle seule son pesant de cacahuètes : plutôt que de jouer « Smoke on the Water », Brian propose du …Tina Turner, ce qui achève de séduire Malcom Young !
Globalement Axel Brémond parvient à restituer la force motrice d’AC/DC : l’amour de ces gens entre eux. Il y a bien sûr des histoires de dope, les débordements borderline de Phil Rudd et Malcom mais AC/DC n’a jamais été impliqué dans des affaires dégueulasses, avec un des casier judiciaire les plus clean de l’histoire du rock. A l’inverse, voilà des gens qui meurent de ne pas pouvoir jouer, qui se jurent de continuer même après la mort de Malcom et George en ces années fatidiques en 2016-2017 où avec la perte de l’audition de Brian, la blessure d’Axl Rose, le prestigieux remplaçant qui se tiendra à courant pendant toute la tournée, le sort semble s’acharner contre eux.
Le principal obstacle finalement à la Carrère d’AC/DC aura été d’ouvrir la famille à l’extérieur avec la venue de producteurs prestigieux : Mutt Lange, Rick Rubin ou Brendan O’ Brien qui vont réaliser à quel point la simplicité du rock d’AC/DC est difficile à enregistrer pour en restituer l’énergie pure.
Une biographie complète et enamourée où chaque album est passé en revue, et à laquelle il manque évidemment une iconographie mais aussi parfois un peu d’humour et de distance.
AC/DC : Electric Story
- Une biographie d’Axel Brémond
- Edition City
- 333 pages
- 20€