4/5 ⭐️⭐️⭐️⭐️
Il y a des albums qui ne demandent pas la permission. New Decade, premier long format du quatuor nantais Basic Partner, fait partie de ceux qui glissent sous la peau plutôt qu’ils ne cognent, avec une main tendue plutôt qu’un poing levé. C’est l’histoire de quatre gars bien ancrés dans leur époque, lucides, un brin fatigués du monde qui tourne en rond, mais toujours debout, instruments en main. Leur disque, c’est un carnet de bord chaotique et sincère d’une génération qui en a marre d’entendre qu’on lui dise où aller.

Basic Partner photo by Marine Bouteiller
Une multiple identité forgée par les contrastes
Avant d’être Basic Partner, chacun a testé, exploré. Marius (basse, voix) venait du garage rock pur jus. Clément (chant, clavier, saxophone) traînait sa voix et son sax dans des projets plus électros et déséquilibrés. Sacha (guitare, clavier) s’essayait à l’hyperpop et Anton (batterie) naviguait entre folk sensible et punk foudroyant. Tous avaient leurs terrains de jeu, leurs accidents sonores. « On s’est auto-influencés avec nos anciens projets, c’est ce qui fait qu’aujourd’hui on touche un peu à tout ». Et c’est justement ce melting-pot qui donne aujourd’hui à Basic Partner cette richesse d’écriture et de textures.
Un son qui n’appartient à aucun genre, mais qui parle à tous.
Le groupe se forme officiellement fin 2021, commence les concerts en 2022, et ne tarde pas à faire parler de lui. En décembre 2024, ils jouent aux Trans Musicales de Rennes. Et quelques jours plus tard, coup de fil magique : KEXP les choisit pour une session live, filmée à l’Antipode et de toute beauté. Le buzz se met en route. Leur album est prêt. Les étoiles s’alignent.

Photo by Marine Bouteiller
Un début d’album comme une mise au poing
« New Decade » ouvre l’album sur une ligne tendue, presque clinique, qui laisse peu de place à l’échappatoire. C’est un morceau à la pulsation irrégulière, comme un battement sous perfusion. Derrière son refrain haché, les paroles dressent un panorama brutal des cycles historiques qui se répètent, des conflits qu’on laisse pourrir, de la résignation qui gagne du terrain. Il donne le ton de l’album, à la fois énergique, inquiet, et délibérément conscient. La force de Basic Partner, c’est de ne pas surjouer l’engagement. Il est là, dans les textes, dans les choix esthétiques, dans leur façon d’être sur scène et dans la vie. Ils parlent de charge mentale avec « Mother Has No Time », morceau au climat froid, rehaussé de séquences et d’arrangements aériens. Ils posent la question de la perte de sens sur « Unfinished », l’un des plus courts du disque, où chaque seconde compte. Ils racontent le poids invisible des comparaisons sociales dans « Trapped Boy », entre shoegaze sautillant et désillusion douce. Mais ils le font avec une grande pudeur.
L’engagement du cœur, pas celui du slogan
Derrière leurs instruments, il y a aussi des interventions en milieu scolaire, des ateliers avec des enfants, des mini-concerts dans les campagnes bretonnes, des projets de création partagée. « Ce n’est pas de l’éveil musical, ce sont des gamins de dix ans. On crée un vrai spectacle avec eux », en collaboration avec L’Armada Productions, ils conçoivent des passerelles culturelles où la musique devient lien, et parfois révélation. « Il y avait une petite qui jouait super bien de la batterie, on s’est dit : peut-être qu’elle sera une rockstar un jour. » Et ce n’est pas qu’une anecdote : c’est une véritable volonté de transmettre, d’occuper le terrain culturel, et de ne pas le laisser à ceux qui feraient tout pour le rendre stérile.
Un mélange de chaleur et de givre
L’album, sorti le 11 avril et écrit à quatre, séduit par sa capacité à varier les intensités sans jamais perdre le fil. « Them », composé sur un coup de cœur collectif, est une véritable ode à la puissance de l’amitié. Sur « Buy & Sell », les guitares se font plus électriques, les refrains plus tubesques, mais la trame est acide : celle d’un homme piégé dans une logique de profit absurde. Les sonorités nous rappellent Nine Inch Nails sans jamais tomber dans la citation servile. « She Cares for Me » apporte une respiration vaporeuse, presque amoureuse. Un morceau qui flotte, joue avec les déséquilibres, et fait penser que le groupe sait aussi manier la tendresse. Le titre « As You Want », lui, porte encore les traces de leur premier EP Insomnia’s Road, plus psyché, plus brut, mais toujours bien construit. Quant à « Wasting Time », pièce finale, il déroule une progression noise saisissante, où le saxophone vient ponctuer une ultime décharge d’incompréhension face au monde.
Un album qui serre sans écraser
Ce qui frappe à l’écoute, c’est cette mélancolie diffuse qui traverse l’ensemble de l’album, « Je crois que c’est ce qui nous fait triper ensemble, musicalement. On a voulu popifier notre univers, et je pense que c’est ça qui l’a mélancolisé. » Il y a des morceaux qui s’envolent doucement, d’autres qui frappent frontalement. C’est ce va-et-vient constant, cette tension entre la retenue et la déflagration, qui donne à l’album sa force émotionnelle. Avec New Decade, Basic Partner livre un premier album d’une cohérence remarquable. Pas une démo, pas un manifeste. Un disque entièrement habité, qui donne envie de se lever même quand tout s’effondre autour. C’est beau sans le vouloir, c’est politique sans être programmé, c’est direct. Et surtout, c’est fait avec le cœur.

Basic Partner
Basic Partner version vivante
S’il y a un endroit où cette musique prend toute sa puissance, c’est bien sur scène. « Le live, c’est là où tout le monde trouve sa place, où tout se soude ». Et bonne nouvelle : ils repartent sur la route pour un Spring Tour 2025 qui passera par Annecy, Bourges, Nantes (release party au Ferrailleur), Pau, Rennes (release party à l’Antipode), Etouteville (Nounoune Festival) et Paris (release party au Point Ephémère). Une occasion en or de découvrir l’énergie de Basic Partner, car rien ne remplace la fusion du face-à-face. Rendez-vous devant la scène.
Tu veux voir du live qui déchire ? Va faire un tour ici.