Interview : Biffy Clyro, Histoire d’une fraternité Rock !

par | 19 Déc 2025 | Interview, À la Une

Temps de lecture : 22 min

Trois Écossais, trois amplis, et zéro filtre. Ben et James Johnston, jumeaux soudés comme les fûts et les cordes, et leur frère de cœur Simon Neil, balancent depuis plus de vingt ans un rock qui cogne fort et rit encore plus fort. Entre riffs puissants, mélodies qui serrent le coeur et tatouages partagés comme des serments d’amitié… leur histoire est celle d’une fraternité rock indestructible. Authentiques, imprévisibles et toujours prêts à rire de leurs propres galères, les trois continuent de prouver qu’on peut être à la fois simples et gigantesques. Bienvenue dans l’univers de Biffy Clyro, où la sueur, l’encre et l’amour fraternel s’entrelacent pour écrire une légende vivante.

 

Caro (RockSound) : Si cela vous convient, replongeons dans vos souvenirs d’enfance, vos premiers pas musicaux, avant de revenir au présent. Et bien sûr, nous parlerons tatouages, puisque vous êtes tous bien tartinés d’encre !

Ben (Biffy Clyro) : Ça me paraît parfait. Je pense que Simon, qui est encore plus couvert de tatouages que nous, nous rejoindra un peu plus tard.

Caro (RockSound) : Racontez-moi… enfants, y a-t-il une chanson ou un album qui vous a donné envie d’aimer la musique ?

Ben (Biffy Clyro) : On a grandi dans une maison très musicale. Notre père est passionné de guitare, il en joue encore aujourd’hui. Il avait toujours une collection d’instruments, au moins une dizaine de guitares à la maison. Et il y avait constamment des vinyles qui tournaient : The Beatles, Elvis Costello, Steely Dan… On a eu une éducation musicale formidable dès le plus jeune âge. Il n’y a pas eu de “révélation” soudaine : la musique était simplement là, tout le temps. Plus tard, vers 12–14 ans, on a commencé à découvrir nos propres groupes, et ça a allumé une autre passion. Mais jusqu’à nos 14–15 ans, on écoutait surtout ce que nos parents mettaient. Puis on a découvert Nirvana, et ça a changé la donne.

James (Biffy Clyro) : Je me souviens d’un Noël où Ben a reçu une batterie et moi une basse.

Ben (Biffy Clyro) : Ce jour-là, on a joué Till There Was You, une reprise des Beatles, avec notre père. Je galérais un peu, mais c’était un moment incroyable : partager la musique autrement, sentir que ce qui avait inspiré nos parents nous inspirait à notre tour. Et puis il y avait Dire Straits. Brothers in Arms reste une chanson qui me bouleverse encore aujourd’hui.

Caro (RockSound) : Et dans votre chambre, il y avait des posters ?

Ben (Biffy Clyro) : Oui, plein. Nirvana, Pearl Jam, Soundgarden… tout le grunge. Et aussi Pantera, j’étais très fan à l’époque. Comme on partageait une chambre, on avait même tracé une ligne imaginaire pour séparer nos espaces.

James (Biffy Clyro) : Oui, il y avait cette ligne imaginaire au milieu de la chambre. La télé était du côté de Ben, donc c’est lui qui choisissait les chaînes. Et partout, des posters.

Ben (Biffy Clyro) : J’avais aussi des photos de batteries accrochées au mur. À l’époque, je n’avais pas encore de batterie. Je n’en ai eu une qu’à 14 ans. Mais dès mes 12 ans, je découpais des images de batteries dans les magazines et je les collais près de mon lit. Un peu pathétique, ahaha !

Caro (RockSound) : Ce n’est pas triste du tout… tu étais déjà passionné !

Ben (Biffy Clyro) : Oui, j’étais amoureux des batteries, de leur look, de leur énergie. Je voulais tellement en jouer. Mais notre école n’en avait pas, bizarrement. Alors je frappais sur des casseroles et des poêles. Jusqu’au jour où je suis rentré de l’école et mon père m’avait acheté une vraie batterie.

Caro (RockSound) : Donc c’était un amour précoce. Tu n’as jamais joué d’un autre instrument ?

Ben (Biffy Clyro) : Non. J’ai toujours su que je voulais être derrière une batterie. Mais comme il y avait plein de guitares à la maison, j’ai appris un peu la guitare avec mon père et avec James. Pourtant, je savais que mon vrai désir, c’était de frapper les fûts. Quand j’ai enfin eu ma batterie, tout s’est déclenché. Et c’est seulement parce que j’ai eu une batterie que Simon et moi avons commencé à jouer ensemble. J’avais 14 ans.

Caro (RockSound) : À ce moment-là, vous vous imaginiez déjà musiciens professionnels, sur scène ?

Ben (Biffy Clyro) : Pas du tout. C’était juste l’amour de la musique, le plaisir d’être ensemble, de faire du bruit, d’agacer nos parents et nos voisins. On ne pensait pas à en vivre, ni à tourner. Même l’idée de monter sur scène ne nous traversait pas l’esprit. On répétait dans le garage, sans ambition particulière. On n’avait pas d’amis dans des groupes, pas de modèle. Et on vivait dans une petite ville, loin de Glasgow et de sa scène musicale. Alors on restait entre nous, sans plan, juste pour le fun.

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Biffy Clyro : unis par le rock et l’encre sur la peau

Rencontre avec Simon et premiers concerts

 

Caro (RockSound) : Quand avez-vous rencontré Simon, tous les deux ?

Ben (Biffy Clyro) : On était à l’école ensemble dès l’âge de sept ans. On est devenus amis, et on a commencé à faire de la musique. Ça fait trente, quarante ans maintenant, et ça ne s’est jamais arrêté. Tout s’est fait naturellement. Aucun de nous ne voulait être “célèbre”. On ne le veut toujours pas. Que le groupe devienne connu, c’est très bien, mais nous, on ne cherche pas la célébrité.

Caro (RockSound) : Pourtant, il y a souvent une révélation rock qui marque un déclic. Vous n’avez jamais eu ce moment-là ?

James (Biffy Clyro) : Si, justement avec Nirvana ! Pour Ben, la révélation est arrivée en écoutant Lithium lors des MTV Music Awards. Il l’a passée et je me suis dit : “Mais qu’est-ce que c’est ?” J’aurais dû être au lit, c’était tard, j’avais école le lendemain… mais je suis resté devant la télé. Le lendemain, ma vie avait changé. Ce qui m’a frappé, c’est que je me suis dit : je peux faire ça. Contrairement à Guns N’ Roses ou Dire Straits, Nirvana jouait avec trois accords, quelque chose de simple mais puissant, punk. C’était accessible. Et ça m’a donné envie de monter un groupe. Des années plus tard, on est devenus amis avec Dave Grohl et on a tourné avec les Foo Fighters. Incroyable.

Caro (RockSound) : Et à quel moment avez-vous commencé à jouer ensemble “sérieusement” ?

James (Biffy Clyro) : Ça s’est fait assez naturellement. On avait nos instruments, on reprenait des morceaux, et très vite on a commencé à composer nos propres chansons.

Ben (Biffy Clyro) : Exactement. On passait des heures à répéter dans la maison, parfois au grand désespoir de nos voisins. Mais c’était une période incroyable : on découvrait notre son, notre complicité musicale.

Caro (RockSound) : Et vos premiers concerts, vous vous en souvenez ?

Ben (Biffy Clyro) : Oh oui. Des petites salles, des pubs, parfois devant dix personnes. Mais chaque fois, c’était une aventure. On voulait juste jouer, partager notre musique, peu importe le nombre de spectateurs.

James (Biffy Clyro) : Et puis, petit à petit, ça a grandi. On a eu plus de dates, plus de public. Mais l’énergie est restée la même : jouer comme si c’était la plus grande scène du monde.

Caro (RockSound) : En repensant à vos débuts à Kilmarnock… qu’est-ce qui vous semble aujourd’hui très lointain, et qu’est-ce qui reste exactement pareil ?

Ben (Biffy Clyro) : Bonne question. Ce qui paraît lointain, c’est quand on chargeait le matériel au YMCA, dans une salle minuscule, deux fois plus petite que celle-ci. On mettait un ampli, on ressortait une caisse, on rentrait une batterie… c’était étouffant et assourdissant. Mais la semaine dernière encore, on répétait dans une salle et ça avait la même énergie. Ce qui reste identique, c’est ce sentiment de redevenir des ados dès qu’on se retrouve tous les trois dans une pièce. Ce qui est loin, en revanche, c’est de devoir porter nous-mêmes les amplis. Heureusement, on a des gens pour ça maintenant.

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Ben, Simon et James : Biffy Clyro

 

Caro (RockSound) : Et quand vous avez commencé à tourner, puis aujourd’hui que vous parcourez toujours le monde, vivez-vous les tournées différemment ?

Ben (Biffy Clyro) : Oui. Lors de la première tournée, tout est incroyable : le bus, les villes… tu restes éveillé trop tard, tu bois trop, tu veux jouer aux rock stars. Mais ça ne dure pas longtemps, tu réalises que tu ne peux pas tenir ce rythme. Et tu finis par apprécier d’autres choses. Comme aujourd’hui à Paris : l’architecture, les rues. Quand tu es jeune, tu t’en fiches, tu ne penses qu’au concert. Et c’est toujours notre priorité, le concert reste le centre de tout. Mais un jour off, c’est différent. À Paris, on aime se perdre dans la ville, marcher toute la journée. Contrairement à d’autres villes où tu comprends vite le plan en quadrillage, ici tu peux te perdre et découvrir des merveilles à chaque coin de rue.

Caro (RockSound) : Paris offre tellement de lieux différents…

Ben (Biffy Clyro) : Oui, et ce n’est pas une ville comme les autres, pour nous. Les gens sont tellement chaleureux, on a toujours été très bien accueillis. Et il y a tous ces concerts incroyables qu’on a donnés ici, les souvenirs, les amitiés. Ça rend l’endroit plus familier, comme si on revenait chez des amis.

Caro (RockSound) : En parlant de “rock stars”, est-ce que ce mode de vie vous attirait à vos débuts ?

Ben (Biffy Clyro) : Pas vraiment le côté “rock star”. Plutôt les fêtes.

James (Biffy Clyro) : Oui, les soirées, l’alcool.

Ben (Biffy Clyro) : On faisait la fête, mais jamais dans l’excès caricatural. Les rock stars, c’est un peu “regardez-moi”. Ce n’était pas notre truc. Aujourd’hui j’ai des lunettes de soleil parce que la journée a commencé tôt et qu’on est fatigués, mais pour moi, les rock stars sont des idiots. Ils se croient au-dessus des autres. Nous, on est restés simples. On aimait s’amuser, mais on n’a jamais jeté de télé par la fenêtre. À 20 ans, en tournée, tu profites, mais on avait toujours des copines à la maison, et surtout, on n’a jamais négligé les concerts. On n’a jamais joué ivres ou épuisés. On a toujours pris les shows très au sérieux. Si tu plonges trop dans le cliché rock star, la musique en souffre.

Interview : Biffy Clyro

Interview : Biffy Clyro

Fraternité et évolution du son

 

Caro (RockSound) : Et en tant que frères ? Comment c’est d’être jumeaux et musiciens côte à côte ? Votre relation a-t-elle évolué ?

Ben (Biffy Clyro) : Sans doute, mais on ne connaît rien d’autre. On fait ça depuis nos 14 ans, c’est notre seul vrai métier. Je pense que c’est une force, cette télépathie des jumeaux. On n’a même pas besoin de parler pour se comprendre.

Caro (RockSound) : Et sur scène, ça change quelque chose ?

James (Biffy Clyro) : Je crois, oui. Mais c’est difficile à dire, on n’a jamais joué dans un autre groupe sans frère. Je pense que ça rend le rythme plus sûr. Dans un groupe, il faut un leader. Avec Ben et moi, c’est Ben le leader, et moi je le suis. Ça garde la cohésion, plutôt que chacun parte dans son coin. C’est comme ça que je le vois.

Caro (RockSound) : Oui, la batterie est la rythmique, et la basse fait le lien entre la mélodie et le rythme.

James (Biffy Clyro) : Exactement. Et je suis toujours un peu coincé au milieu, sans vraiment comprendre l’un ou l’autre. Mais notre relation, avec Ben et avec Simon, est tellement forte depuis l’enfance que c’est ce qui nous permet de continuer après trente ans. Ce n’est pas toujours facile, on a traversé des moments compliqués. Mais cette fraternité nous a toujours ramenés ensemble. Elle nous aide à tenir quand on est malade en tournée, loin de chez nous, ou dans une période difficile. Cette proximité est essentielle pour avancer.

Caro (RockSound) : Est-ce que travailler ensemble est plus simple, ou plus exigeant parce que vous vous connaissez si bien ?

James (Biffy Clyro) : Je pense que c’est plus simple. Quand on a un désaccord, ça passe très vite. Si on n’était pas liés, peut-être qu’on laisserait les choses s’envenimer et exploser. Mais heureusement, ça ne nous arrive pas.

 

 

Caro (RockSound) : Vous ne vous dites jamais : “Non, je sais que tu peux faire mieux, recommence” ?

James (Biffy Clyro) : Pas dans le sens d’être déçus l’un de l’autre. Mais on s’encourage toujours à donner le meilleur de nous-mêmes.

Caro (RockSound) : Et sur l’identité musicale, y a-t-il un album ou une chanson qui a marqué un tournant pour vous ?

Ben (Biffy Clyro) : Oui, Puzzle. Notre quatrième album. Les trois premiers étaient remplis d’idées, presque trop, chaque morceau débordait. Avec Puzzle, Simon s’est concentré davantage sur ses paroles. Pour que les textes soient entendus, la musique devait se calmer un peu. On a baissé le “bouton de folie”, comme on dit. Ça reste un album étrange, mais un peu moins. Simon a aussi pris confiance dans son chant, en assumant davantage notre accent écossais. Ça a été un vrai tournant. On est arrivés numéro deux des charts britanniques, ce qui était fou pour nous. Et puis il y avait ce contexte : Simon avait perdu sa mère, et l’album parle de deuil et de perte. Il a touché énormément de gens, et nous aussi. C’est un moment unique dans la vie du groupe, qu’on ne cherchera jamais à reproduire.

Caro (RockSound) : Est-ce qu’à ce moment-là vous vous êtes dit : “Ça y est, on a réussi” ?

Ben (Biffy Clyro) : Non, jamais. Même aujourd’hui, on ne le pense pas. Le jour où tu dis que tu as réussi, tu relâches ton effort, tu prends les choses pour acquises. Nous, on est toujours dans le combat, dos au mur.

James (Biffy Clyro) : On est écossais, ahaha !

Ben (Biffy Clyro) : Rien n’est jamais gagné. Le soleil ne brille jamais vraiment. Tu continues, et si tu te félicites trop tôt, c’est fini. On a eu la chance d’avoir quatre albums numéro un en Grande-Bretagne, mais je n’y pense pas. On a eu du succès, oui, mais on ne s’attarde pas dessus. En Écosse, tu n’as pas le droit d’être “successful”. C’est culturel. Aux États-Unis, on célèbre trop le succès. En Écosse, on pourrait apprendre à mieux soutenir ceux qui essaient de réussir. Là-bas, tu peux dire “Je suis génial, je suis incroyable”. En Écosse, jamais. On te renverrait direct chez toi.

Caro (RockSound) : Votre son a toujours été à la fois puissant et poétique, fort et romantique. Le premier album avait peut-être une touche un peu emo. Quand vous repensez à cette époque, ressentez-vous de la nostalgie pour cette première émotion ?

Ben (Biffy Clyro) : Oui, absolument. Surtout quand nous avons revisité ces albums l’an dernier, en octobre. Nous avons rejoué toutes les chansons des trois premiers disques, certaines pour la toute première fois en live. C’était un vrai voyage dans le passé, rempli de nostalgie. Et surtout, on s’est dit : c’est vraiment de la bonne musique.

Caro (RockSound) : Vous n’avez pas eu envie de réenregistrer certains morceaux ?

James (Biffy Clyro) : En fait, ça a inspiré notre nouvel album. On y a glissé des petits clins d’œil aux premiers disques, des références discrètes, comme des “cookies” pour les fans.

 

Caro (RockSound) : Je trouve que votre côté poétique agit comme un pont entre le passé, le présent et le futur.

James (Biffy Clyro) : Oui, c’est vrai, à la fois dans les paroles et dans les thèmes. Mais aussi musicalement : certains rythmes, riffs ou lignes de texte sont comme des messages adressés à notre “jeune Biffy”, une manière de lui dire bravo.

Caro (RockSound) : Et dans votre manière de jouer la basse et la batterie, comment votre approche a-t-elle évolué au fil des années ?

James (Biffy Clyro) : Il m’a fallu du temps pour comprendre qu’avec la basse, souvent moins c’est plus. Laisser des espaces, jouer plus sobrement. Avant, je suivais systématiquement la guitare, je calquais son rythme. Aujourd’hui, je joue davantage avec mes doigts, ce qui apporte plus de nuances. Je crois que c’est avec Puzzle que j’ai réalisé que je devais suivre Ben à la batterie plutôt que Simon à la guitare. Ça a simplifié les choses.

Ben (Biffy Clyro) : Et côté batterie, j’ai appris à ne pas trop en faire. Sur les premiers albums, je frappais partout, tout le temps, à une vitesse folle. C’était épuisant, et je le regrette un peu. Aujourd’hui, je privilégie la puissance et l’efficacité, plutôt que la démonstration.

Caro (RockSound) : Y a-t-il un morceau, peut-être sur Futique ou un autre album, où vous sentez que vous êtes le plus vous-mêmes en tant que musiciens ?

James (Biffy Clyro) : Peut-être True Reliever sur Futique. Cette chanson résume un peu tous les “Biffy”. Elle condense l’énergie des premiers albums tout en intégrant la finesse qu’on a acquise au fil des années. Elle capture ce qu’on voulait dire dès le début, mais reste actuelle et fonctionne parfaitement sur ce disque.

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On a rigolé fort – Photo by Caro

Nostalgie, anecdotes et rêves de scène

 

Caro (RockSound) : Et côté anecdotes, y a-t-il une histoire de tournée ou de studio qui vous fait encore rire ?

Ben (Biffy Clyro) : Ah, celle des pantalons… c’était très embarrassant. On jouait en tête d’affiche d’un grand festival en Allemagne, en plein air. À l’époque j’étais très mince, trop mince, et je portais un pantalon ultra-skinny… sans sous-vêtements. Juste avant de monter sur mon kit, le tissu a craqué de haut en bas. Tout est tombé. J’ai juste crié “argh !” et je me suis assis pour jouer. Le cameraman me faisait signe d’arrêter, mais j’ai joué tout le concert ainsi. Je hurlais au roadie : “Donne-moi une serviette !” Et je plaisantais : “Big balls !” Malgré tout, j’ai fait un bon show, sans faute. Ça me fait toujours rire.

Caro (RockSound) : Et votre meilleur souvenir de concert ?

Ben (Biffy Clyro) : Un jour incroyable : on jouait à Glastonbury, et le même soir on devait assurer la première partie de Muse au Stade de France à Paris. Après Glastonbury, on a sauté dans une voiture, puis un hélicoptère, puis un jet privé. On est arrivés en retard, escortés par la police sur la bande d’arrêt d’urgence. On a couru sur scène avec nos amplis, et j’ai lancé : “Bonsoir, Paris !” On a joué cinq morceaux, et l’ambiance était folle, comme si on était les têtes d’affiche. Le public a compris qu’on arrivait en catastrophe, sous la pluie, et ça a rendu le moment encore plus intense. Je me souviens du vide après coup, comme si mon âme était partie. Mais sur scène, c’était parfait.

Caro (RockSound) : C’est un beau souvenir. Mais parlons d’avenir : avez-vous encore des rêves, des festivals ou des collaborations que vous aimeriez explorer ?

Ben (Biffy Clyro) : Oui. On a parlé du Montreux Jazz Festival. Je ne sais pas s’ils accueillent des groupes comme nous, mais j’ai entendu tellement de choses incroyables sur ce lieu. C’est magnifique, j’aimerais vraiment y jouer. Sinon, on n’a jamais fait de liste de “must do”, mais on aimerait un jour être en tête d’affiche au Madison Square Garden, à New York. Et aussi au Stade de France. Ce serait énorme.

James (Biffy Clyro) : On ne l’a pas encore fait, mais ce serait génial.

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Unis par l’encre et la musique – Photo by Caro

Tatouages : mémoire, art et identité

 

Caro (RockSound) : Parlons un peu tatouage. Je sais que vous vous faites tatouer à chaque nouvel album que vous sortez ?

James (Biffy Clyro) : On n’a pas encore fait celui de Futique. On y va dans deux semaines. C’est devenu une tradition.

Caro (RockSound) : Donc à chaque album, un tatouage. Est-ce qu’ils sont identiques ?

Ben (Biffy Clyro) : Presque. Celui du cinquième album était un peu différent, on avait chacun dessiné notre motif. Le premier vrai tatouage, on l’a fait à 21 ans. On l’a tous. Le deuxième, c’était le logo du groupe à l’époque, fait au pochoir. C’était pour le premier album.

James (Biffy Clyro) : On a aussi un tatouage qui nous lie : il commence sur la jambe de Simon, traverse la mienne et remonte jusqu’à Ben. C’est un tatouage à trois, qui nous unit. On avait commencé une série de tatouages avec des dates : New York, Washington, Maurice, Afrique du Sud… puis on a arrêté, je ne sais pas pourquoi. En fait, c’était juste : “On est à New York, allons nous faire tatouer.” Et quand on nous demandait pourquoi cette date était spéciale, on répondait : “Parce qu’on s’est fait tatouer.” Ahaha !

Caro (RockSound) : Alors pour vous, un tatouage, c’est quoi ? De l’art ou un souvenir ?

Ben (Biffy Clyro) : Les deux. Pour moi, c’est surtout de la mémoire, comme un journal intime. Mais de plus en plus, je pense à l’aspect artistique : des motifs floraux, du cerisier japonais… quelque chose de beau, qu’on porte comme une œuvre. J’ai aussi La Grande Vague de Kanagawa de Hokusai. Et puis il y a l’histoire derrière : Hokusai peignait pour aider son petit-fils à rembourser ses dettes de jeu. Je trouve ça fascinant. J’ai aussi un tatouage inspiré du livre L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau du neurologue Oliver Sacks. Ce sont des études de cas sur l’esprit humain. L’une raconte l’histoire d’un homme brillant qui, à la fin d’une réunion, se trompe et essaie d’enfiler la tête de sa femme comme un chapeau. On a tous ce tatouage, réalisé par un artiste légendaire.

James (Biffy Clyro) : Tu l’as eu avant moi, le tien était plus épais. On l’a fait avec le légendaire Frank Carter, qui chante maintenant avec les Sex Pistols. Il nous a tatoués tous les trois, et ensuite Simon l’a tatoué lui, sur la poitrine pendant une tournée.

Caro (RockSound) : Je l’ai rencontré l’an dernier pour une interview, il est très gentil en plus d’être très doué.

Ben (Biffy Clyro) : Il voulait que Simon lui tatoue le mot Biblical sur la poitrine. Pas de stencil, juste écrit en minuscules. Simon l’a fait, mais en majuscules. Alors Frank lui a dit : “Non, je voulais en minuscules.” Simon a barré et recommencé. Résultat : Biblical, tatoué deux fois dont un barré. Un souvenir génial, ahaha ! On a aussi un petit symbole créé par notre premier tour manager, Stevie Broadfoot, qui nous avait amenés à Paris et qui est malheureusement décédé. On l’a tatoué pour lui rendre hommage. J’ai aussi un chardon écossais, pour me rappeler mes racines.

Caro (RockSound) : Quand vous vous faites tatouer, c’est réfléchi ou impulsif ?

Ben (Biffy Clyro) : Les deux. Parfois on prévoit, mais souvent c’est impulsif. Tu croises un tatoueur et tu te dis : “Allez, je me fais tatouer.” J’ai par exemple ce dessin d’un gars avec une boîte de conserve et une ficelle. Ma femme a le même motif sur son bras, et quand on se tient la main, le dessin se complète.

James (Biffy Clyro) : Simon en a beaucoup plus que nous, il est presque entièrement couvert.

 

Caro (RockSound) : Hello Simon, tu arrives pile au bon moment.

Simon (Biffy Clyro) : Vous avez commencé à parler tattoo ? Me voici !

Caro (RockSound) : On parlait de vos tatouages communs…

Simon (Biffy Clyro) : On en a plein. Le “B”, des symboles, des vibes…

Ben (Biffy Clyro) : Et les trombones !

Caro (RockSound) : Alors, qui est le plus tatoué ?

Simon (Biffy Clyro) : Moi, j’adore ça. Comme toi, c’est addictif. Mon dernier, je l’ai fait dans le creux de la jambe, et c’était vraiment douloureux. Il ne me reste que peu de place pour de petits motifs. J’ai même commencé à superposer certains tatouages.

Caro (RockSound) : Tu es plutôt dans le style graphique.

Simon (Biffy Clyro) : Oui, j’aime les choses esquissées, un peu “sketchy”.

Caro (RockSound) : Tu dessines toi-même ou tu laisses ton tatoueur décider ?

Simon (Biffy Clyro) : En général, je trouve une image qui me plaît. J’ai travaillé avec Zoyle, un tatoueur français près de Genève, et Lionel Fahey à Paris, qui m’a fait une grande pièce. Je voyage pour certains artistes, mais j’ai aussi mon tatoueur à Glasgow, Kevin. Il est très traditionnel, donc ce que je lui demande sort de son style habituel. Je lui apporte un projet et il me dit : “Comment je vais faire ça ?” Mais il le fait.

Caro (RockSound) : Tu as une anecdote tattoo en plus d’avoir tatoué Frank Carter ?

Simon (Biffy Clyro) : Oh ma longue session pour mes mollets ! Je les ai faits à Genève avec Zoyle : onze heures en une journée. On a commencé à dix heures du matin, mais il s’arrêtait tout le temps pour des cafés ou de la bouffe. Reprendre après une pause, c’est horrible. J’ai fini à trois heures du matin. Dans l’avion, je ne pouvais même pas m’asseoir, mes mollets étaient gonflés. Ahaha ! Je ne recommencerai pas !

Caro (RockSound) : Ah, on me fait signe que c’est l’heure de conclure l’interview, malheureusement.

Simon (Biffy Clyro) : Oh non, j’aurais pu continuer longtemps sur les tatouages !

Caro (RockSound) : Merci les gars pour cette belle interview entre vieux souvenirs et nouvelles émotions !

Simon, Ben et James (Biffy Clyro) : Merci à toi, on a bien papoté et rigolé, et tu n’as même pas été gênée par notre accent écossais, ahaha ! Grrreat ! On se voit en février à l’Olympia !

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Une interview de Caro @Zi.only.Caro

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