4/5 ⭐️⭐️⭐️⭐️
« December 32 ». Un clip nerveux et intense se pointe sur notre boîte mail. On écoute une fois, puis deux, puis vingt, en hypnose devant la beauté graphique du truc en plus du son qui déchire. On pense direct à Queens of the Stone Age, Pixies, L7, à ce rock percutant qui roule des épaules mais cache une faille sous la peau. Et surtout, on se dit : mais putain de bordel pourquoi on ne connaissait pas encore Amness ?

AMNESS – La déferlante du sud-ouest
Le bruit, l’urgence et l’intégrité
Virginie, Gaëtan, Niko. Un trio du Sud-Ouest. On aurait pu vous les présenter à notre sauce, mais même leur bio nous a tuée tellement elle était bien écrite. Alors pour une fois, on vous la balance telle quelle. Parce que franchement, elle se suffit à elle-même : « Si tu lis ça, c’est peut-être que tu veux une histoire. Une chronologie. Une montée, une chute, une rédemption. Désolé : y’en a pas. Personne n’a rencontré personne en centre de désintox. On ne te racontera pas qu’on a « trouvé notre son » dans une cave moite à Berlin ou lors d’une retraite mystique au Larzac. Pas de légende.
Juste une bande de freaks avec des instruments et quelques névroses : Un mec de Bordeaux fuit quelque chose – personne ne sait quoi, et lui non plus. Il vise Barcelone, mais le destin le plante dans les Landes. Fin du voyage. Début de l’histoire. Une fille de la côte passe ses journées sur sa board, les oreilles pleines de punk rock et de rage dans les veines. Un batteur basque claque la porte d’un groupe dans lequel il ne se reconnaît pas. Un jour, ces trois-là se croisent. Par hasard, ou par nécessité.
Il y a une guitare, une batterie, un ampli qui crache, une sono fatiguée, des bières tièdes. Et cette urgence de faire du bruit. Vite. Fort. Maintenant. La nuit s’étire. Le son cogne. Et à l’aube, sans vraiment se l’expliquer, Amness a vu le jour. Pas de plan. Pas d’étiquette. Pas d’explication. Juste un groupe né d’un raté, d’un hasard, et de trois aquitains inadaptés. » Des génies on vous dit !
La musique avant tout
Ce qui fait la force d’Amness, au-delà du son, c’est leur posture. Pas de course aux followers. Pas de plan com. Tout est fait maison, de la prod aux visuels, jusqu’à la dernière prise voix mixée sur matos bricolé. Leur seule obsession : que le rendu soit à la hauteur de leurs exigences internes. « On n’est pas des commerciaux, on préfère bosser sur nos morceaux que de se montrer en train de boire des bières sur Insta. » C’est dit. Et ça fait du bien.

AMNESS – La déferlante du sud-ouest
Ego Circus : 5 titres, 0 filtres
Avec Ego Circus, leur dernier EP sorti le 16 avril, Amness signe un concentré d’intensité. Cinq titres qui vrillent les nerfs, « un hurlement existentiel post-punk, entre chaos urbain, introspection et guitares torturées. Une crise d’égo mise en sons, un coup de gueule bruitiste balancé à un monde accro à son reflet » comme ils nous le définissent si bien.
« December 32 » ouvre l’arène tel un funambule sous acide : instable, magnétique, impossible à ignorer. Un morceau à la fois massif et mouvant, qui te fait plonger dans une transe viscérale. Le clip, réalisé par Gaëtan, est un condensé de leur vision : à la croisière entre technologie domptée et chaos organisé. « On voulait que chaque image ait du sens. Comme un dessin animé qu’on téléguide ». « Dangerous » prend le relais dans un registre plus mélancolique et tendu. Ce morceau convoque des fantômes grunge, et un certain esprit shoegaze. Les voix s’enroulent autour d’un riff lancinant, les nappes montent doucement, et on reste suspendu à cette ambiance crépusculaire. Le genre de titre qui te laisse seul, dans le noir, avec le bourdonnement encore accroché au tympan.
« The Smoke of Dawn » ralentit encore un peu plus la cadence pour mieux cogner. Le morceau a la lente montée d’un orage d’été : au début, ça rampe, ça suinte, et puis sans prévenir, ça craque. Le chant se fait plus félin, entre caresse et menace. La batterie de Niko, tout en tension contenue, nous enferme dans un fond sonore dont on ne veut plus sortir. « Nurse » revient sur un tempo plus rentre-dedans. Fuzz à tous les étages, voix déchirée, riff à faire trembler les murs d’un squat. On pense à ce rock à la fois sale et habillé d’une vérité brute. Amness y déploie toute sa fureur contenue avec un sens du timing impeccable. Un dix sur dix.
« Plastic Gun » referme l’EP sur une note introspective qui nous bluffe totalement. Les sonorités dévient vers l’oriental, les nappes synthétiques évoquent une ambiance psychédélique, et les riffs finissent le travail : une incantation moderne. Ça s’écoute en fermant les yeux, ça pique les tripes, ça élève. Fin du cirque.
Retour vers le passé
Avant Ego Circus, Amness a déjà posé quelques balises bien senties. En 2022, ils sortent un premier 4 titres éponyme, une démo autoproduite au son plus brut mais déjà marquée par leur identité forte. En 2024, le single The New Orders of Crowds vient bousculer les oreilles avec deux morceaux plus produits, préfigurant la mue en cours. C’est Ego Circus qui viendra sceller l’ADN : noise, post-punk, tension et liberté. Chaque sortie a son clip, son esthétique, sa couleur. Et pour tout saisir de leur univers, on vous conseille vivement de faire un tour sur leur chaîne YouTube. Il y a des trésors visuels à (re)découvrir, des petits bijoux d’images animées, de graphismes délirants et d’atmosphères aussi intenses que leurs riffs.
Voir la musique, ressentir l’image
Chez Amness, le visuel est un instrument à part entière. Chaque clip est pensé comme un prolongement du morceau, un espace de liberté graphique où les idées prennent corps. « Chrysalis », entièrement animé image par image, mêle 2D, 3D et incrustations réelles pour un résultat qui colle des frissons. Le noir et blanc de « December 32 », quant à lui, navigue entre collage mental et hallucination stylisée. Ce souci de l’image n’est pas un bonus : c’est une revendication artistique. L’envie de proposer un univers complet, où le son et la forme dialoguent, où la musique se regarde autant qu’elle s’écoute. Et quand ils parlent de mettre en scène leurs lives avec une véritable scénographie, on a qu’une hâte : voir ça en vrai.
En attendant la suite…
Ego Circus, c’est un EP qui sent la pâté d’ampli chaud et la passion. Le groupe prépare déjà une suite : une résidence, une mise en scène visuelle pour leurs lives, un univers à 360°. La musique se regarde autant qu’elle s’écoute, et Amness l’a bien compris. Honnêtement, on ne comprend pas comment ce groupe n’est pas déjà programmé sur toutes les grosses scènes de France et d’ailleurs, ou signé par un label qui aurait deux oreilles et un peu de flair. Parce que oui, Amness est ultra talentueux. Et le pire ? Ils ne le crient même pas.