Twenty One Pilots – Breach

par | 17 Sep 2025 | Chroniques

⏱ Temps de lecture : 4 min

À peine un an après leur précèdent opus Clancy, Twenty One Pilots remettent le couvert pour cette fois-ci boucler la boucle. Breach vient fermer dix ans de narration tortueuse et livrer un disque à la fois sombre, lumineux et libérateur.

 

Twenty One Pilots - Breach

Twenty One Pilots – Breach

 

Dix ans ! Dix ans que Twenty One Pilots nous baladent dans leur tête comme dans une ville en ruine.
Cette ville, c’est Dema — un endroit imaginaire qui ressemble à un mélange de prison mentale et de cité dystopique, dans laquelle évoluent plusieurs personnages.

D’abord, il y a eu l’apparition de Blurryface (2015) — représentant l’ennemi intérieur, les doutes, l’anxiété qui vivotent dans la tête de Tyler Joseph (première moitié du duo) et qu’il a décidé de transformer en personnage. Dans ce petit monde, on croise aussi les Bishops à l’allure de prêtres cauchemardesques, et Clancy, un fugitif qui tente de s’évader. Puis la fuite à travers Trench (2018), les mirages pop de Scaled and Icy (2021), le vertige du cliffhanger de Clancy (2024). Autant d’albums éparpillés comme les cartes d’un territoire mental dissipé et tourmenté.

On vous a perdus ? Vous n’y comprenez rien ? Rassurez-vous, pour nous aussi ça paraît complexe, et c’est peut être bien ça qui nous accroche, l’histoire n’a jamais été faite pour être limpide. C’est une mythologie à tiroirs, un puzzle dont il manque toujours quelques pièces.

Breach, le nouvel album, c’est justement la pièce manquante. La brèche dans le mur, le moment où tout se fissure, où on voit enfin la sortie — ou peut-être l’entrée vers un autre monde. Nous laissons aux fans, la Skeleton Clique pour les intimes, le soin de pousser l’analyse scénaristique et d’en déceler chaque indice. Ce qui nous importe ici, c’est la musique — et musique il y a pléthore sur ce huitième album.

 

Si, dans un premier temps, l’album semble naviguer en eaux connues, presque sur pilote automatique, Breach prend un virage décisif avec « Robot Voices ». Ce morceau, plus aventureux, joue avec les textures électroniques, déforme la voix de Tyler comme pour signifier que quelque chose se débloque. Puis vient « Cottonwood », et on décolle vraiment sur cette ballade suspendue, au piano fragile et à la voix nue. C’est l’un des sommets émotionnels de l’album, qui nous happe dans son intimité. « One Way » poursuit l’ascension : morceau lumineux, presque cathartique, comme si le duo sortait la tête de l’eau.

C’est étrange, cette manière qu’a l’album de se réveiller, d’émerger la tête des limbes. Après une première partie un peu sous cloche, presque étouffée, il s’ébroue et retrouve de l’air, de l’espace, de la liberté. Comme si clore l’histoire de Dema avait d’abord vidé leur réservoir d’inspiration avant de les obliger à se réinventer dans l’instant. À partir de là, l’album ne retombe plus : chaque morceau semble libérer une tension, ouvrir une porte supplémentaire.

Twenty One Pilots - Breach

Twenty One Pilots – Breach


La montée continue avec « Tally » où la batterie martèle comme pour tenir le compte d’un dernier combat. Morceau intense et lumineux où l’espoir se montre plus présent que jamais — il fallait juste attendre que les brumes se dissipent.

Puis vient « Intentions », et soudain le temps se dilate. Ce n’est pas seulement la conclusion d’un album : c’est un rideau qui tombe sur toute une ère. La production devient diaphane, les synthés flottent. La voix de Tyler n’est plus celle d’un fugitif mais celle d’un homme qui a trouvé un lieu sûr, au moins pour un instant. Il y a quelque chose de spirituel dans cette chanson : pas dans le sens religieux, mais dans la façon dont elle élève l’album au-delà du trivial, du conflit, des angoisses qui l’ont précédé.

C’est un moment de pure lumière, celle que l’on voit après l’orage, quand tout est encore humide, encore fragile, mais où la possibilité de recommencer est palpable. La voix est emplie de gratitude et de sérénité, les arrangements se font éthérés, presque vaporeux, comme si la ville de Dema s’effaçait lentement dans le brouillard du matin. C’est une chanson qui nous laisse flotter dans son sillage bien après la dernière note. Et quand le silence revient, il n’y a pas de fracas, pas de sursaut. Seulement la certitude que le cycle est terminé, que le duo a déposé ce qu’il avait à dire. Breach se termine ainsi, dans une paix que l’on n’attendait plus.

En somme, pas besoin d’avoir suivi toute la mythologie pour être secoué. Breach nous prend par la main, nous plonge dans l’angoisse puis nous extirpe vers la lumière. Musicalement, Breach condense tout ce que Twenty One Pilots sait faire — rap tendu, pop euphorique, rock alternatif, synthés aiguisés à la mélancolie — mais avec un sens du récit rare. C’est à la fois un album de clôture et une libération : le rideau tombe, les personnages s’évaporent, et il ne reste que Tyler et Josh. Face à nous, un champ des possibles, de nouveaux horizons à dessiner, une page se tourne pour le meilleur

Twenty One Pilots - Breach

Twenty One Pilots – Breach

 

Genre : Alt-Pop, Alternative Rock

Site Officiel : twentyonepilots.com
Instagram : twentyonepilots
Youtube : Twentyonepilots

Tracklist Twenty One Pilots – Breach :

1 – City Walls
2 – Rawfear
3 – Drum Show
4 – Garbage
5 – The Contract
6 – Downstairs
7 – Robot Voices
8 – Center Mass
9 – Cottonwood
10 – One Way
11 – Days Lies Dormant
12 – Tally
13 – Intentions