Des millions d’entre nous ont voulu vivre en rock : ils ont tout plaqué, ils ont tout tenté au rythme d’hymnes, de refrains et de slogans : « Vivre vite, mourir jeune », « J’espère crever avant de devenir vieux », « Sexe, Drogues et Rock’n’Roll », « Né pour être sauvage », « Imagine», « No Future » ou « Viens comme tu es ». Voilà ce que sont ces 14 portraits de Serial Rockers : des méfaits et des gestes commis par des demi-dieux et déesses qui nous ont fait chanter, danser, rêver…

Serial Rockers
« C’était plus qu’une musique, un langage, une communion, une religion laïque, notre façon de dire non », chantait en son temps Goldman. Il évoquait ce qu’éveilla chez lui cette épitre au peuple rock. Des histoires, des récits, des légendes morales ou immorales, belles ou pathétiques, des mille et une briques du mur qui ont construit le rock, ce Dieu aimant, destructeur et jaloux.
Le chanteur non homologué disait aussi des chansons qu’elles étaient plus belles que leurs interprètes. Et là encore, il avait raison. Car la vie en rock se targuait d’être dangereuse, borderline, défiant la moralité bourgeoise quand après une guerre mondiale, l’horreur de la Shoah, du Stalinisme et du Vietnam, les jeunes occidentaux s’unirent sous la bannière du rock pour vivre, baiser et exister. Les faits décrits ici par Corbeyran et Deschamps sont connus et trouvent ici le plaisir de la lorgnette, celle où le lecteur n’a plus recours à son imagination pour se représenter le moulage du pénis d’Hendrix, les volatiles d’Alice et Ozzy ou les requins de Led Zeppelin.
Le vent de liberté qui soufflait sur le rock n’était jamais aussi beau lorsqu’il favorisait toutes les émancipations sexuelles représentées ici par les orgies d’Angie et David Bowie, les émeutes que Jim Morrison déclenchaient et qui rappellent la chance inouïe que tout ne s' »Altamontise » pas tout en constituant une brillante métaphore d’un artiste face à la foule, d’un homme face à ses démons et le mur entre un chanteur et son public.
Dans un style cartoon étonnant, Katia Even et Sùria racontent les aventures de Madonna qui gravit un à un les échelons de la renommée en s’élevant loin de la misère, du viol et de l’humiliation des artistes féminines.
Car disons-le, si le rock est aussi pittoresque quand des tarés comme Keith Richards, Alice, Kiss et Ozzy injectent du second degré dans leur mythologie et ne sont finalement dangereux que pour eux-mêmes, cette quête de liberté a souvent asservi, humilié ou dégradé les femmes qui furent souvent les grandes sacrifiées de la mythologie rock. On peut trouver minable le fait d’insérer dans le sexe d’une femme un animal vivant tout fan de Led Zep soyez-vous, se désoler des destins des femmes de Jerry Lee Lewis noyées ou overdosées au point de ne vouloir retenir de lui que l’image d’un homme face à un piano en feu ou Chuck Berry, le pire d’entre eux, qui a injecté ce vent de folie sur le rock’n’roll tout en étant coupable de proxénétisme sur une mineure ou de violences sur 59 femmes.
Corbeyran et Deschamps ne glorifient ni ne jugent ces vignettes, rappelant que le rock était une musique de taré et que si les temps changent, il y a nettement moins à raconter sur les buveurs de tisane que sur Ozzy Osbourne sniffant des fourmis rouges au bord d’une piscine. Parmi les belles réussites graphiques de cet album érudit et plein de bons mots, citons Paskal Millet qui rappelle ce que Kiss doit aux super-héros, Hélene Bruller que l’on n’attendait pas sur Hendrix ou Denis Medri en mode cartoon pour James Brown. Et si les artistes ont des styles très différents, le plaisir de lecture est identique pour toutes ces rock stories. Bien entendu, les paris sont ouverts pour un deuxième tome.
Serial Rockers par Corbeyran et Deschamps et Collectif
Petit à petit- 21.90€