On préfère te prévenir : prépare tes mouchoirs et ton tensiomètre, parce que tu vas pleurer, sourire, retenir ton souffle et serrer les poings pendant deux heures. No Escape From Now nous plonge dans le combat d’Ozzy Osbourne contre la douleur, le doute et l’inexorable, pour rallumer la scène une dernière fois. Non pas pour lui, mais pour honorer ce public qui l’a porté toute sa vie.

OZZY OSBOURNE : NO ESCAPE FROM NOW
Le corps en vrac, le regard toujours incisif
Tourné entre 2021 et 2025, le film suit un Ozzy au crépuscule de sa vie, dans la plus totale intimité. Un accès rare, presque brutal, dans le quotidien d’un homme qui se bat contre la douleur, la dépression, la fatigue, mais qui refuse d’abdiquer si facilement. No Escape From Now n’est pas un simple portrait : c’est une traversée. Celle d’un corps qui lâche et d’un esprit qui s’accroche, d’un mythe du rock rattrapé par l’implacable destin, mais porté par une rage de tirer sa révérence dignement.
Maladies, chutes, opérations ratées : tout son corps y passe. Et pourtant, son regard perçant et farceur reste indélébile. Même diminué, le Prince des Ténèbres nous régale de son humour légendaire : « Avant, je prenais des pilules pour m’amuser. Aujourd’hui, j’en prends pour rester en vie. » Et quand il parle de ses idées noires, il trouve encore le moyen de désamorcer l’horreur : « Me connaissant, je merderais et je ne serais qu’à moitié mort. C’est bien ma veine. » Il n’y a que lui pour te balancer une vanne pareille en pleine nuit noire.

Ozzy Osbourne
Sharon, à la vie à la mort
On peut penser ce qu’on veut de Sharon Osbourne, mais sans elle, Ozzy ne serait sans doute plus là pour nous raconter tout ça. Le docu capte de manière très juste la sincérité de leur amour, ce lien indestructible entre ces deux âmes cabossées, soudées et forgées au sel, au soleil et au vent. Elle gère, veille, secoue, soutient — toujours là, pilier de béton infaillible. Et lui ne cesse de lui balancer des « Love U » qui te prennent au cœur.
Ce n’est pas de la mise en scène, c’est du vécu : un couple qui a tout traversé, de la gloire aux excès, sous le feu des projecteurs ou dans l’ombre des portes closes, et qui continue malgré tout à rire et se chambrer comme deux gosses. « J’espère que je ne vais pas penser à Sharon sinon je vais me mettre à chialer. On a fait un sacré bout de chemin, ma nana et moi ». Leur amour, c’est du rock’n’roll pur : loyal, bordélique et immortel.

Ozzy Osbourne
Kelly, Andrew Watt et la renaissance
Empêtré dans la douleur, en pleins tourments dont il ne voit pas le bout, c’est sa fille Kelly, complice de toujours, qui l’aide à rallumer la flamme. Elle le connecte à Andrew Watt, le jeune producteur qui rêvait depuis un moment de le faire chanter aux côtés de Post Malone. La suite ? Une alchimie instantanée, une amitié improbable et lumineuse.
Andrew n’est pas qu’un producteur : il devient un compagnon de route, un nouveau souffle. Quand Ozzy retourne en studio, on sent la transformation. Le dos tordu, mais la tête qui se relève. La musique agit comme une transfusion : chaque note semble lui redonner un peu de sang neuf. Comme le témoigne si justement Billy Morrison dans le documentaire : « On voit que c’est la musique qui enflamme son âme ». Et toi, t’y crois, parce que tu le vois : Ozzy revit littéralement dès qu’il se retrouve derrière le micro.
On traverse les mois et les années, on s’accroche avec lui : la rééducation, l’attente des verdicts des médecins, les rechutes vers la dépression, vague après vague. Et entre tout ça, chaque nouvelle chanson, chaque projet, devient une mini-renaissance, un espoir. La flamme à l’intérieur, même essoufflée, est plus forte que tout ; l’envie de retrouver la scène, de revoir son public, sentir la vibration du métal sous ses pieds. Pour Ozzy, la musique n’a jamais été une carrière, c’est la seule nourriture qui l’alimente.

La scène, l’oxygène
À plusieurs reprises, alors qu’on croyait tout fini, Ozzy trouve encore la force de remonter sur scène. Aux Jeux du Commonwealth de 2022 à Birmingham, sa ville natale, il débarque au dernier moment pour se défier lui-même. La douleur est toujours là, mais quand la foule rugit, il redevient instantanément ce môme qui voulait juste faire trembler le monde en hurlant.
Deux ans plus tard, en 2024, lors de son intronisation au Rock & Roll Hall of Fame, on retrouve un Ozzy plus fragile, mais habité. Le voir assis devant son micro qui le démange, suffit à ressentir sa frustration de ne pas être debout face aux honneurs. Mais peu importe, son aura est tellement grande qu’elle englobe toute la salle.
Le film culmine avec le déjà mythique concert Back to the Beginning, à Villa Park. 5 juillet 2025 : une date gravée au fer rouge dans le cœur de tous ceux qu’Ozzy a touchés. Son adieu tant espéré, mené jusqu’au bout de la douleur et de la passion. Pas besoin d’en dire plus, c’est un moment suspendu, pur, qui te cloue sur place.
L’homme derrière la légende
No Escape From Now parle de fragilité, de résilience et d’amour. De ce que c’est que d’être un géant du rock coincé dans un corps qui ne suit plus. De cette putain de contradiction entre l’énergie qu’on a dans la tête et la douleur qu’on traîne dans le dos. La réalisatrice Tania Alexander ne cherche jamais à enjoliver le mythe, et c’est ce réalisme presque cru qui rend le documentaire si bouleversant.
« Ça pourrait être pire, je pourrais être Sting. » Fou rire général entre Kelly et Ozzy. Même au bord du gouffre, il reste ce gamin farceur de Birmingham. C’est cette légèreté, au milieu du tragique, qui rend No Escape From Now si fort. Il n’y a pas d’héroïsme, pas de posture : juste un homme qui se marre pour ne pas s’effondrer. À travers Ozzy, c’est une réflexion sur le temps qui passe, sur la façon dont la passion pour son art peut retarder et adoucir l’inévitable, et sur l’importance de continuer à rire, même quand tout fout le camp.
Sans jamais tomber dans le pathos, le film s’impose comme un adieu magnifique et lucide. Pas de violons, pas de grandes tirades : juste Ozzy, Sharon, leur famille, leurs potes musiciens, le public, et ce lien indestructible entre eux. On en ressort lessivés, mais apaisés.
Ozzy Osbourne : No Escape From Now, réalisé par Tania Alexander, disponible sur Paramount+ depuis le 7 octobre 2025.





