Daron Malakian And Scars On Broadway – Addicted To Violence

par | 25 Juil 2025 | Chroniques

⏱ Temps de lecture : 4 min

Frontal, amer, sans la moindre intention de réconcilier qui que ce soit. Addicted to Violence, prévu pour le 18 juillet 2025, est le nouvel album de Daron Malakian — ou plutôt sa manière de rappeler, seul contre tous, qu’il n’a jamais eu besoin de personne pour faire ce qu’il veut.

Daron Malakian And Scars On Broadway - Addicted To Violence

Daron Malakian And Scars On Broadway – Addicted To Violence

 

Commençons tout de suite sans mentir, sans trahir ce sentiment têtu qui nous habite et disons-le franchement. Ce disque n’est pas ce qu’on veut. Ce qu’on veut, c’est que nos quatre super-héros de Los Angeles se rabibochent, mettent de l’eau dans leur vin d’Arménie et retrouvent enfin le chemin du studio. Ce qu’on veut, c’est un nouvel album de System of a Down.

Et puis il y a ce détail, cette dissonance à peine voilée dans le nom. Si avant c’était Scars on Broadway, un groupe, une entité un peu floue mais collective. Aujourd’hui, c’est Daron Malakian and Scars on Broadway. Une formule alambiquée, presque gênante, où l’élan initial semble être figé dans un besoin de contrôle. Peut-être faut-il voir dans ce choix troublant une simple envie de gagner en clarté. Peut-être est-ce aussi une manœuvre commerciale, ou bien une peccadille d’ego, celui d’un créateur qui n’attend hélas plus personne.

Ceci étant dit — et puisqu’on n’a que ça à se mettre sous la dent — on va lui donner sa chance. Daron Malakian reste l’un des architectes sonores les plus singuliers de sa génération et on a toujours envie de savoir ce qu’il a dans le ventre, même quand il fait l’autruche.

 

C’est cruel d’autant renvoyer Daron Malakian aux vestiges du passé, mais force est de constater que jamais sa musique n’a autant sonné comme du System of a Down. Sans rire, écoutez « The Shame Game » et essayez de ne pas visualiser Serj Tankian au micro. Impossible, tout dans Addicted to Violence respire cette envie féroce, presque désespérée, de recréer le souffle épique de SOAD, quitte à en frôler la parodie.

Chaque morceau ou presque repose sur le même schéma : deux voix en harmonie — ou plutôt en friction harmonique —, des riffs saccadés, des montées hystériques, et ce fameux synthé au son presque cartoon que Serj utilisait déjà sur scène il y a vingt ans. On croirait entendre Daron hurler à travers ses arrangements : « Regardez-moi, je peux faire un album de System of a Down tout seul ! C’est pas moi le problème, c’est Serj qui veut pas chanter mes chansons ! »

Daron Malakian And Scars On Broadway - Addicted To Violence

Daron Malakian And Scars On Broadway – Addicted To Violence – Crédit Photo Travis Shinn

 

Il y a quelque chose de touchant, pour ne pas dire risible, dans cette démonstration de force. Un peu comme un ancien amant qui imite les gestes d’un amour perdu dans l’espoir que le corps se souvienne. Et le pire, c’est que ça marche. Les riffs frappent fort, les breaks tabassent et les chœurs dissonants nous ramènent à la grande époque. Le feu est là, sous la cendre, et on ne peut s’empêcher de penser que ça marcherait encore mieux avec ceux qui savaient l’attiser avec lui.

Proposer des chansons aussi bonnes, aussi fortes, aussi savamment composées que « Imposter » ou « Watch That Girl » pour ne pas les porter au niveau qu’elles méritent, c’est du gâchis. Comme si, à force de refuser de faire taire son ego, Daron Malakian finissait par étouffer ses propres idées sous le poids de ses certitudes « You Destroy You ». Peut-être que, pour Daron, proposer ses morceaux à son groupe d’antan équivaut à de la confiture donnée à des cochons ? Mais ici, c’est le cochon lui-même qui plonge sa tête la première dans la confiture et qui s’étonne ensuite de ne pas retrouver le goût d’avant.

 

 

Le pire dans tout ça, c’est que l’album est excellent. Il pourrait être un classique. Il en a la trempe, l’envergure, l’énergie grande, les mélodies entêtantes et les ambitions folles. Par moments, Addicted to Violence tutoie les monuments qui l’ont précédé — ces disques qu’on a écoutés jusqu’à l’usure, et qui résonnent encore aujourd’hui avec une force intacte. Mais bien souvent, un classique ne naît pas tout seul. Il a besoin d’un contexte, d’un souffle collectif, d’un dialogue entre des forces contraires. Il a besoin d’un groupe. Et ici il manque ce supplément d’âme, ce chaos créatif, cette tension miraculeuse qui faisait de chaque disque de System of a Down une déflagration.

Alors oui, Addicted to Violence est une réussite, mais c’est aussi un monument d’orgueil. Une preuve éclatante que Daron Malakian peut presque tout faire, sauf se défaire de l’idée qu’il peut tout faire tout seul. Comme le grand qu’il est.

Daron Malakian And Scars On Broadway - Addicted To Violence

Daron Malakian And Scars On Broadway – Addicted To Violence- Crédit photo : Travis Shinn

 

Daron Malakian And Scars On Broadway – Addicted To Violence sortie le 18 juillet 2025 chez Scarred For Life / Virgin

Style : Metal Individualisto-Alternatif

Tracklist :
01 – Killing Spree
02 – Satan Hussein
03 – Done Me Wrong
04 – The Shame Game
05 – Destroy the Power
06 – Your Lives Burn
07 – Imposter 3:16
08 – You Destroy You
09 – Watch That Girl
10 – Addicted To The Violence

Site Officiel : Daron Malakian And Scars On Broadway
Instagram : Daron Malakian And Scars On Broadway