NOFX – A to H

par | 5 Déc 2025 | Chroniques

Temps de lecture : 6 min

4/5  ⭐️⭐️⭐️⭐️  – À croire que même séparés, NOFX refuse de nous laisser faire notre deuil. Chaque fois qu’on pense avoir séché notre dernière larme, ils reviennent nous balancer un trésor planqué sous des décennies de bordel. A to H n’est pas un simple volume de raretés : c’est une capsule temporelle ouverte à la disqueuse, un premier chapitre d’un alphabet punk qui résume quarante ans de chaos organisé, de blagues et de génie mélodique.

 

NOFX A to H album

 

26 lettres d’outre-tombe

Quand NOFX a tiré sa révérence en 2024, personne n’y a vraiment cru. On les connaît trop bien : le groupe a toujours fait les choses à sa manière, et leur “fin” n’échappe pas à la règle. Une tournée d’adieux qui s’étire, des archives qui débordent, et maintenant un alphabet entier de raretés. Clairement, on ne va pas s’en plaindre : tant qu’ils continuent de lâcher des morceaux, on sera toujours là pour les faire tourner sur la platine.

Et puis on savait que Fat Mike avait des tiroirs pleins à craquer. Il l’avait même avoué en 2022 : “J’ai déjà trois autres disques prêts… puis il y aura NOFX : A to Z.” Pas complètement une surprise donc, de voir débouler aujourd’hui A to H, première pierre d’un triptyque rempli de démos, de versions fantômes, de titres jamais publiés, chaque track couvrant l’alphabet complet avec une pochette signé de la légende Shag. Nostalgie collective activée.

 

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NOFX

 

The Audition

On commence avec un morceau déjà passé entre les mains des fans en 2019 via le 7” of the Month Club. Mais ici, la version gagne quelques secondes d’intro supplémentaires — rien d’extravagant, mais assez pour rappeler ce qu’est l’archéologie selon NOFX : on reprend, on gratte, on retouche… ou pas. Musicalement, ça sent encore le local de répet’ crade où les amplis bourdonnent avant même d’être allumés. Pas indispensable, mais cohérent avec l’idée d’une « lettre A” : poser les fondations de l’alphabet avec l’état brut du groupe.

Barcelona

Là, on entre dans le nectar. Un morceau imaginé il y a douze ans mais enregistré après les derniers concerts du groupe. C’est donc, techniquement, la vraie dernière chanson de NOFX. Et elle a un petit truc en plus : David Pastorius. Oui, le neveu de Jaco Pastorius. Oui, Fat Mike a recruté un bassiste alors qu’il est bassiste. Et oui, c’est complètement NOFX. Résultat : un morceau dans lequel Mike pose l’intro et les premiers couplets, puis Pastorius déboule avec un jeu plus acrobate, plus nerveux, et même un passage en tapping que le groupe n’avait pas prévu de garder — mais qu’ils ont finalement laissé parce que… pourquoi pas. La rencontre improbable est belle, le morceau sonne comme une carte postale envoyée en retard depuis une époque déjà finie, mais toujours présente dans nos petits cœurs à crête.

 

 

Cigarette Girl

Le seul vrai inédit du lot. Court, sec, efficace. Un peu le type de morceau qui aurait pu se glisser sur Self Entitled : tempo direct, humour en fond de gorge, attitude fainéante mais efficace. Pas le titre qui va bouleverser le répertoire, mais celui qui justifie à lui seul d’ouvrir la boîte des archives.

Don’t Count on Me (Demo)

Encore un fantôme du 7” of the Month Club, même version que celle de 2019. L’intérêt ici n’est pas la découverte, mais l’idée de réentendre la structure pas tout à fait finalisée d’un morceau qui avait surtout montré à quel point NOFX enregistrait autant qu’ils respiraient. C’est rugueux, volontairement pas finalisé, exactement ce que le 7’’ Club capturait : des éclairs d’écriture posés à l’instinct.

Everything in Moderation

Déjà présent sur l’EP Never Trust a Hippy (2006) et aussi sur The Longest EP (2010). Rien de neuf, mais symboliquement ça marche : si tu veux faire un musée NOFX, tu dois accepter qu’une partie des œuvres aient déjà été empruntées trois fois.

Fleas (Live at MySpace)

Gros moment nostalgie. Enregistré en 2009 lors des sessions MySpace Transmissions, cette époque bénie/malaisante où MySpace tentait de devenir une plate-forme de “contenus exclusifs” avec sessions live et interviews pré-millennials. Le son n’est pas parfait, les paroles changent légèrement, mais l’énergie… c’est du jus concentré. Le genre de performance où tu sens que même un play-back défoncé aurait eu du groove.

 

 

Generation Z (Demo)

L’un des sommets émotionnels du volume. La version finale de 2016 sur First Ditch Effort était déjà un coup de massue existentielle. La démo, plus courte, plus rêche, garde ce ton prophétique : un monde qui court vers le mur, un futur qui ressemble à une mauvaise blague écrite à l’acide. Dix ans plus tard ? Rien n’a changé. Peut-être que c’est ça le pire. Écouter cette démo aujourd’hui, c’est se rappeler que NOFX a toujours eu ce talent de passer du potache au profond sans t’avertir.

Hardcore 84

La claque finale. Déjà présent sur Regaining Unconsciousness (2003) et The Longest EP (2010), mais ici encore : impossible de s’en lasser. Du punk qui cogne comme si le groupe essayait d’arracher la moquette du studio. Sous les blagues et la dérision, NOFX est avant tout un pilier hardcore de ces 80’s punk, un morceau efficace et intensément mélodique. Un pur shot d’ADN du groupe.

 

NOFX final concert

NOFX

 

A to H, et encore tout l’alphabet à venir

A to H est moins une compilation qu’une excavation. Une plongée dans les strates d’un groupe qui n’a jamais su s’arrêter d’enregistrer, d’expérimenter, de laisser traîner des morceaux comme on laisse traîner des canettes vides après une tournée. Ce n’est ni un “retour”, ni une “suite”. C’est un premier acte post-séparation, une main tendue depuis le passé. Et surtout, c’est le début d’un alphabet complet en trois volets remplis de reliques, d’ébauches, de nouveautés, de bizarreries — bref, tout ce qui fait qu’on aime NOFX depuis quarante ans. On n’a peut-être plus le groupe, mais on va continuer à recevoir leurs messages dans des bouteilles jetées depuis leur espace-temps, pour notre plus grand bonheur de fans inconditionnels.

A to H sortie le 5 décembre 2025 chez Fat Wreck Chords / Hopeless Records

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