Dropkick Murphys – For The People

par | 9 Juil 2025 | CHRONIQUES

⏱ Temps de lecture : 4 min

Entre crises politiques, fatigue sociale et désillusion globale, Les Dropkick Murphys reviennent avec un treizième album, For The People. Un disque taillé dans la rage ouvrière, la mémoire des luttes et les amitiés indélébiles.

Dropkick Murphys - For The People

 

 

L’Irlande. Ses falaises battues par les vents, ses landes vert émeraude, ses vieux pubs accrochés au bitume comme des reliques, et ce joli ciel gris qui semble ne jamais vouloir se lever (en ces temps caniculaires, que rêver de mieux). Voyez, mes amis, le Connemara, son folklore et ses brumes romantiques.
Voyez encore Michel Sardou se noyer dans le lac de Letterfrack, un bien beau spectacle, n’est-ce pas ?
Mais il y a une autre Irlande, tapie sous les clichés. Une Irlande qui boîte, qui gueule et qui picole. Une Irlande des docks, des luttes ouvrières, des familles qui se serrent autour d’un feu trop maigre et d’une assiette trop vide. Cette Irlande, c’est celle des Dropkick Murphys : elle est cabossée, rugueuse, mais grandement vivante.

Mais, à ce stade, il est peut-être temps de rétablir une vérité qui risque de fendre le cœur de quelques punks en herbe. Non, les Dropkick Murphys ne viennent pas de Galway, ni de Limerick, ni même d’un quelconque faubourg pluvieux de Dublin. Nos bardes en Doc Martens sont nés sur l’autre rive de l’Atlantique. Ils viennent du Massachusetts. Boston, plus précisément. Là où l’Irlande s’est exilée dans les valises des grands-parents et s’est mélangée au goudron, aux grèves, au punk et à l’accent yankee.

Alors oui, ils n’ont peut-être pas grandi face à la mer celtique. Mais ils en ont gardé l’écume dans la voix et la révolte dans le sang. Comme quoi, même les bastons les plus sincères peuvent traverser l’Atlantique en claquant du bodhrán.

 

 

Ailleurs, le monde tangue, et les Dropkicks, eux, persistent à croire que gueuler ensemble, c’est déjà résister. Et comment leur donner tort quand, fidèles à leurs racines punk et à leur ADN irlando-bostonien, ils livrent un disque frontal, gorgé d’(i)odes à l’amitié, à la lutte et à ceux qu’on enterre trop vite.

Musicalement, on retrouve ce qu’on vient chercher : des riffs taillés pour les pogos, des couplets qui sentent la sueur et des refrains qui goûtent la bière trop brune. Mais ce qui frappe, ce qui donne au disque sa chair et ses aspérités, c’est la qualité des invités. Ici, chaque apparition a du sens et raconte quelque chose.

Et ça commence fort avec le groupe The Scratch, qu’on retrouve sur deux titres. Ces Dublinois mutent le folk traditionnel en bête hybride, mi-acoustique, mi-métallique, et leur présence sur Longshot ou One Last Goodbye ajoute cette rugosité chaleureuse qu’on croyait disparue, partie avec Shane MacGowan. La connexion avec les Dropkicks, presque trop évidente, fonctionne à plein régime.

Autre apparition marquante : celle de Billy Bragg sur School Days Over. Un morceau qui débute comme un chant funèbre, avant de virer au cri social. Bragg, vieux camarade des luttes, y pose sa voix comme un témoin jamais résigné. Ensemble, ils racontent la fin de l’innocence, les gosses qu’on envoie à la mine, et les lendemains qu’on nous vendait brillants.

 

 

Le disque fait aussi revenir une figure totémique de la maison : Al Barr, l’autre voix emblématique du groupe, revient pour The Vultures Circle High. C’est brutal, c’est râpeux, c’est comme une Guinness… Et puis il y a The Mary Wallopers, venus de Dundalk, qui déposent sur Bury the Bones leurs mélodies de travées. C’est du trad qui se prend les pieds dans l’ampli, c’est beau, c’est crade, c’est vivant. Comme un folk bastonné au punk, ou l’inverse, avec cette phrase qu’on retiendra longtemps : “we are many, and they are few.

For The People est un disque collectif qui jamais ne trahit l’ADN du groupe. Dropkick Murphys, c’est toujours une bande, et cet album, c’est une grande tablée de gueules cassées qui trinquent à la survie. Mais trêve de beuveries, Chesterfields and Aftershave ou Streetlights dévoilent l’autre versant du groupe : celui de la pudeur, des pères disparus. C’est beau, c’est juste, et ça frappe sans effet de manche.

 

 

Parce que oui, il y a de la politique, de la colère, des machines à broyer contre lesquelles hurler Who’ll Stand With Us ? Mais jamais au détriment de l’humain car For The People tient parole, car c’est un disque qui rassemble. C’est une grande table de bois bancale où chacun vient poser ses cicatrices sur des bocks. Et si l’album est plus abouti que leurs précédents, c’est peut-être parce que Dropkick Murphys ont compris que leur punk ne devait pas choisir entre les poings et le cœur.

 

Dropkick Murphys - For The People

Dropkick Murphys – For The People

 

Ken Casey mène la bande avec l’acharnement du last man standing, et les siens ne bronchent pas. Ils avancent comme des frères d’armes, unis par la rage, la fidélité et l’espoir rugueux de la victoire.

We are many and they are few. Et ça n’a jamais été aussi vrai.

For The People est sorti le 4 Juillet 2025 chez Pias

Style : Celtic Punk Brut (Comme le cidre)

1 Who’ll Stand With Us?
2 Longshot (Featuring – The Scratch)
3 The Big Man
4 Chesterfields And Aftershave
5 Bury The Bones (Featuring – The Mary Wallopers)
6 Kids Games
7 Sooner Kill ‘Em First
8 Fiending For The Lies
9 Streetlights
10 School Days Over (Featuring – Billy Bragg)
11 The Vultures Circle High (Featuring – Al Barr)
12 One Last Goodbye « Tribute To Shane » (Featuring – The Scratch)

Site Web : https://dropkickmurphys.com/
Instagram : https://www.instagram.com/dropkickmurphys/