Il y a des voix qui racontent des histoires, et puis il y a celles qui ouvrent des mondes. Johannes Eckerström, chanteur d’Avatar, appartient à cette seconde catégorie. Derrière son maquillage devenu emblématique, il ne joue pas un rôle, il devient conteur, clown tragique, passeur d’émotions brutes. Entrer dans l’univers d’Avatar, c’est accepter de se laisser happer par une énergie à la fois primitive et théâtrale, où le métal se mêle à la soul, au blues, au cirque et aux rêves d’enfant. C’est un voyage où les souvenirs deviennent des scènes, les émotions des personnages, et où chaque concert se transforme en rituel collectif, quelque part entre le feu de l’âge de pierre et l’opéra rock.

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Dans cette interview, Johannes nous entraîne dans ses souvenirs les plus intimes, ses premières révélations musicales, ses crises existentielles et ses renaissances artistiques. Une plongée dans l’imaginaire d’un artiste qui, derrière le maquillage, n’a jamais cessé d’être lui-même.
RockSound (Caro) : Quand je fais une interview, j’aime voyager dans le temps : revenir sur ton enfance, puis parler du présent et du futur. Ça me permet de mieux te connaître en tant que personne et de comprendre l’artiste que tu es devenu. Alors si tu es d’accord, allons dans le passé. Par exemple, enfant, te souviens-tu de ta toute première mémoire musicale ? Était-ce un son, une sensation ?
Johannes (Avatar) : Mon premier vrai souvenir de musique, c’est quand on a eu un piano électrique à la maison. J’avais cinq ans et mes frères et sœurs ont commencé à prendre des cours. Mais avant même ça, je m’amusais déjà à pianoter dessus. Je me rappelle avoir posé un doigt sur le do et un autre sur le mi : une tierce majeure. Il y avait déjà quelque chose là-dedans, une logique, une émotion. Comme un enfant qui joue, mais qui sent qu’il y a plus. J’étais naturellement attiré par ça.
RockSound (Caro) : Par la mélodie.
Johannes (Avatar) : Exactement. Très tôt, la musique est devenue excitante, comme une évidence. À la maison, on écoutait beaucoup de classique : Beethoven, Mozart, Haendel… Et j’étais fasciné. On avait un livre avec une grande photo d’un orchestre symphonique, et je passais des heures à l’observer. À la télé aussi, il y avait parfois des concerts classiques. Alors je montais sur une chaise, je mettais du Beethoven et je faisais semblant d’être chef d’orchestre. J’étais encouragé à plonger dans la musique dès le départ.
RockSound (Caro) : Et est-ce qu’il y a eu une chanson ou un album qui a marqué ta “révélation rock” ?
Johannes (Avatar) : Le premier choc, ça a été les Beatles. En Suède, à Noël, il y avait une émission pour enfants où une femme voyageait dans le temps, un peu façon Forrest Gump. Dans un épisode, elle rencontrait les Beatles et les aidait à devenir bons. La chanson utilisée était She Loves You. Ma sœur et moi avons vu ça, et tout de suite notre père a sorti l’album pour nous le faire écouter. Ça a été une révélation, une ampoule qui s’allume. Puis, plus tard, vers 12–13 ans, mon frère s’est mis au metal. En rentrant de vacances, je lui ai demandé une cassette pour écouter dans la voiture. Il m’a donné Keeper of the Seven Keys Part II. Et là… terminé. C’était le déclic : “Voilà, c’est ça. C’est ce que je veux.” C’est là que mon voyage dans le metal a commencé.

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RockSound (Caro) : Tu avais des posters de groupes sur les murs ?
Johannes (Avatar) : Plutôt des vinyles accrochés partout. Ceux que j’achetais moi-même — beaucoup d’Ozzy Osbourne à l’époque — mais aussi ceux de mon père. J’étais passionné par les années 60, et il avait une belle collection des Kinks. Ma chambre était recouverte de pochettes de vinyles.
RockSound (Caro) : À ce moment-là, tu te voyais déjà sur scène, en train de chanter ?
Johannes (Avatar) : Oui. Parce que j’étais déjà inscrit à l’école de musique : piano, trombone… Jouer devant des gens faisait partie du quotidien, indépendamment des rêves rock’n’roll. Donc ça ne me semblait pas étrange. Vers 15 ans, j’ai intégré mon premier groupe de reprises heavy metal. On jouait mal, on apprenait ensemble, mais on avait déjà cette mentalité : on savait qu’on deviendrait les meilleurs. Pas qu’on l’était, mais qu’on allait le devenir. Si je pouvais dire à mon moi adolescent que j’allais réussir, il aurait répondu : “Oui, logique.” Aujourd’hui je serais plus humble, mais à l’époque, j’avais une relation tellement naturelle avec la musique… et un énorme ego d’enfant.
RockSound (Caro) : Et tu m’as dit qu’au départ tu jouais du piano et des claviers. Et à ce moment-là, tu te voyais plutôt comme chanteur ou comme musicien ?
Johannes (Avatar) : Je ne sais pas exactement quand la transition s’est faite, parce qu’au fond, je crois que j’ai toujours voulu être chanteur. Les Beatles étaient très présents à cette époque : il y avait la série documentaire Anthology à la télé, j’avais les disques… Je regardais ça en boucle, et ça nourrissait mon rêve d’être dans un groupe. Et puis il y a eu Dangerous de Michael Jackson, sorti quand j’étais enfant. Tout ça alimentait mes fantasmes de scène. Mais si j’ai commencé à chanter dans des groupes, c’est surtout parce que j’étais le dernier à les rejoindre. Quand des ados montent un groupe de metal, ça commence toujours par un batteur et un guitariste. Puis le guitariste ramène son pote, et on ajoute un deuxième guitariste. Ensuite, il faut un bassiste et un chanteur. Et si tu arrives en dernier, ou si tes parents ne veulent pas t’acheter une basse… tu deviens le chanteur. C’est un peu la dernière carte, et c’est aussi la plus effrayante pour un ado : être devant, exposé au regard des autres. J’avais ça en moi, mais avec beaucoup d’insécurités. Au début, j’ai accepté à contrecœur : “Bon, je chante alors.” Et finalement, j’ai embrassé ce rôle. Au fond, c’était ce que j’avais toujours voulu.
RockSound (Caro) : Tu imitais des stars devant ton miroir, en essayant de chanter comme elles ?
Johannes (Avatar) : Je le fais toujours mais à l’époque, devant le miroir, c’était plus avec la guitare que je m’exerçais. Je voulais voir si j’avais l’air cool. Le chant, c’était différent : je m’amusais à essayer de sonner comme Black Sabbath un jour, puis comme Michael Kiske de Helloween le lendemain. Mais le miroir, c’était pour la guitare.
RockSound (Caro) : Tu te souviens du premier concert auquel tu es allé en tant que fan, celui où tu t’es dit : “Wow, cette énergie sur scène est incroyable” ?
Johannes AC/DC, j’avais 14 ans.
RockSound (Caro) : Ah oui, AC/DC… je comprends. Et pour les débuts d’Avatar, comment as-tu rencontré les autres membres ? Tu disais que tu avais été choisi.
Johannes (Avatar) : Les premiers à se rencontrer ont été Jonas et John. En Suède, chaque ville a une école de musique où tu peux aller après les cours pour prendre des leçons. C’est subventionné, accessible, donc beaucoup d’enfants jouent d’un instrument, trompette ou autre. C’est génial, et je pense que c’est une des raisons pour lesquelles des groupes comme Avatar existent. Même ceux qui n’ont pas continué la musique ont quand même touché à cette culture, appris des choses, et gardé ça dans leur vie. Jonas et John se sont rencontrés là-bas, mais aussi en jouant au tennis. Jonas jouait du clavier dans un ensemble de reprises rock, John dans un autre. Et un jour, à l’entraînement de tennis, Jonas lui dit : “Tu fais quoi ce week-end ? Moi je joue avec mon groupe.” John répond : “Moi aussi.” Et voilà, ils ont commencé à se connecter et à monter un groupe ensemble. Moi aussi j’étais dans cette école de musique. Mon premier vrai groupe, avec nos propres chansons, venait de là. On s’était déjà croisés. Et un ami d’un groupe que j’avais rejoint était brièvement dans Avatar, c’est lui qui m’a présenté aux autres. Tout est né dans cette ambiance de l’école de musique.
RockSound (Caro) : Vous étiez jeunes.
Johannes (Avatar) : Oui, très jeunes.
RockSound (Caro) : Et vos premiers concerts, c’était comment ? Tu as une anecdote qui te fait encore rire aujourd’hui ?
Johannes (Avatar) : Franchement, je suis en paix avec tout ça. Mes tout premiers concerts, c’était avec ce groupe de reprises à l’école : on jouait Living After Midnight, Paranoid… J’étais terrorisé, les mains tremblaient, et il y avait quelques élèves qui nous regardaient en mode “qu’est-ce qu’ils font ?”. Ensuite, j’ai joué dans un autre groupe, pas metal mais funk, avec nos propres morceaux, dans une maison de jeunes. Ça m’a donné un peu d’expérience. Du coup, quand Avatar a fait son premier concert, je me sentais déjà plus prêt.

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RockSound (Caro) Et donc, tu n’étais pas si nerveux pour ces premiers concerts ?
Johannes (Avatar) : Non, pas vraiment. Le tout premier, c’était une compétition de groupes à Möndal, appelée Möndalskrocken (Möndal’s Rock). Les règles imposaient d’avoir au moins une chanson originale, pas seulement des reprises. Alors on a joué Clayman d’In Flames, puis notre premier morceau écrit une semaine avant, intitulé Hymn to the Victim of the Liar — parce qu’on trouvait que les longs titres, c’était cool. Et enfin Breaking Blood. J’avais du mal à retenir les paroles. À l’époque je portais des lunettes, pas encore de lentilles. Sur Clayman, j’avais mémorisé les paroles, donc je pouvais headbanger sans problème. Mais pour les autres, j’avais posé les paroles imprimées au sol. Et en headbanguant avec mes lunettes… elles ont volé ! Je n’avais jamais essayé ça avant. Résultat : ça sonnait affreux. Mais un ami avait filmé depuis la scène, et l’enregistrement est tellement saturé et distordu que ça sonne génial malgré tout.
RockSound (Caro) : : ahahaha ! Je viens d’avoir une image mentale !
Johannes (Avatar) : Tous nos amis d’école étaient là, on était déchaînés. Ça paraissait énorme. J’ai même tenté un stage dive… sauf qu’il n’y avait pas assez de monde pour me rattraper. Je me suis écrasé par terre, sur le dos. Mais j’avais 16 ans, donc rien de grave. J’ai atterri bien à plat, ce qui a évité les blessures. Avec le recul, ce n’était pas bon du tout… mais c’était fantastique et fun dès le premier instant.
RockSound (Caro) : Et quand vous avez commencé à jouer ensemble, aviez-vous déjà une vision claire du son que vous vouliez ?
Johannes (Avatar) : On était trop jeunes pour comprendre ce que “vision” voulait dire. On était juste un groupe de metal, influencé par ce qu’on écoutait : des reprises allant de Helloween à Cannibal Corpse. Mais surtout, The Haunted a eu une énorme influence sur nous au début. Quand on a commencé à écrire nos propres morceaux, c’était dans la tradition de Göteborg : des riffs très mélodiques, où une guitare fait à la fois la rythmique et la mélodie. L’école At the Gates, en quelque sorte. On n’avait pas encore les compétences ni l’expérience pour articuler une volonté artistique précise, mais on voulait déjà faire quelque chose de spécial. Comme beaucoup de groupes, normalement tu commences avec un premier projet, puis tu te sépares et tu rejoins d’autres musiciens ambitieux. Avatar, nous, on n’a jamais splitté. Au fil des années, ça a beaucoup évolué. Sur notre premier album, on avait 18–19 ans. Il a fallu plusieurs disques pour trouver notre voie : oui, du death metal, du mélodique, du rapide et lourd… mais aussi l’envie d’intégrer du heavy metal classique et d’expérimenter. Avatar a toujours été en mouvement, et continue de l’être.
RockSound (Caro) : Et toi, en tant que chanteur, comment as-tu découvert ta voix, cette capacité à chanter de manière mélodique et aussi à growler façon death metal ?
Johannes (Avatar) : Au début, j’aimais le metal mais pas le death metal. Je faisais partie de ceux qui disaient : “On ne comprend même pas ce qu’ils chantent.” Mais j’avais des amis, dont un plus âgé, qui en écoutaient beaucoup. Un jour, j’ai emprunté dix CD d’un coup : Carcass, Immolation, Gorguts… J’avais 14 ans, et je me suis mis à expérimenter chez moi, à grogner, à chercher des sons. Je n’étais pas un bon chanteur death metal, mais aux auditions j’étais le meilleur, parce que j’osais y aller à fond. Personne d’autre n’osait. Donc ce n’était pas une révélation de “j’ai une voix”, mais plutôt “je suis prêt à le faire, et ça m’attire”. Depuis, j’ai appris en pratiquant.
RockSound (Caro) : Tu as travaillé avec un coach vocal ou tu es entièrement autodidacte ?
Johannes (Avatar) : Au lycée, j’ai pris des cours de chant et chanté dans plusieurs chorales. Plus tard, quand le groupe a vraiment démarré, j’ai eu des problèmes de voix : gorge irritée, voix rauque… Avec le recul, ce n’était pas seulement lié au chant, mais au stress de devenir adulte, de travailler, de quitter l’école tout en gérant le groupe. J’étais juste épuisé. J’ai vu un coach vocal qui m’a appris des exercices de respiration de base, ça a été précieux. Puis j’ai eu un autre professeur, qui ne se concentrait pas sur la technique mais sur l’expression. Il venait du karaoké, travaillait avec des chansons célèbres. Ma première leçon, c’était I Still Haven’t Found What I’m Looking For de U2.
Je le chantais mal, et il m’a arrêté : “Tu dis que tu as grimpé les montagnes les plus hautes. Tu as marché ? Non. Tu as rampé ? Non. Tu as grimpé. Alors fais-le sentir.” Au début je ne comprenais pas, je plaisantais. Mais quand je lui ai expliqué pourquoi j’aimais les growls du death metal, il m’a dit : “Tu vois ? Là, tu parles avec passion, tu communiques quelque chose.” Et c’est ça qu’il voulait me faire comprendre : chanter, c’est transmettre.
RockSound (Caro) : C’est très juste…
Johannes (Avatar) : Quand tu chantes, il faut mettre l’accent sur certains mots, leur donner un sens. Pas “I have climbed the highest mountains” dit platement, mais “I have climbed the highest mountains” avec l’intention. Tu n’as pas grimpé une maison, tu as grimpé une montagne. Et là, ça devient puissant.
« Chanter, ce n’est pas une question de technique. C’est transmettre quelque chose qui touche. »
RockSound (Caro) : Oui, l’intention change tout…
Johannes (Avatar) : C’est là que ça a vraiment cliqué. J’ai compris qu’il fallait porter les paroles, les mettre en avant. Et j’y pense encore plus aujourd’hui. Je parle souvent d’Ozzy Osbourne, que je considère comme le chanteur le plus sous-estimé au monde. Il avait un charisme naturel, une voix unique, des qualités qu’on ne peut pas enseigner. Mais on oublie souvent à quel point il était aussi techniquement bon. Avant le metal, où trouvait-on des chanteurs passionnés, puissants, qui hurlaient leur âme ? Dans la soul. Les paroles des années 60 — “Baby don’t leave me”, “Baby come back” — sur le papier, ce n’est rien. Mais chantées, c’est tout.
Ronnie James Dio, par exemple, que j’adore, a des albums incroyables. Mais son morceau le plus connu, Holy Diver, qu’est-ce que ça veut dire ? Pas grand-chose. C’est la manière dont il le chante qui compte. Ozzy, lui, peut chanter Changes et quand il dit “I feel unhappy”, tu sens le blues, tu sens l’âme. Il sait donner du poids aux paroles. C’est pour ça que ses plus grands morceaux ne parlent pas de dragons ou de guerres, mais de choses simples et humaines. Mama, I’m Coming Home : il dit juste qu’il rentre voir sa femme. Et c’est génial. Tu veux l’écouter encore et encore.
RockSound (Caro) : Oui, c’est une question d’émotion.
Johannes (Avatar) : Exactement. C’est ça le secret : certains chanteurs ne sont pas techniquement parfaits, mais ils te touchent parce qu’ils savent donner vie aux mots. Mon coach m’a appris ça. J’ai commencé à exagérer, à incarner quelqu’un quand je chantais, puis à doser. C’est ce que j’ai fait avant l’enregistrement de Black Walls. Ça a été un tournant, autant pour ma manière de chanter que pour la perception de notre musique. Après ça, j’ai beaucoup appris par moi-même.

RockSound (Caro) : Tu parlais de ce tournant. Quand as-tu senti que le groupe devenait plus grand que toi ? Était-ce quand vous avez commencé à vous peindre le visage ?
Johannes (Avatar) : Oui, c’était à l’époque de Black Walls, notre quatrième album. On traversait une sorte de crise de quart de vie. Je ne m’étais jamais senti aussi vieux que lorsque j’ai eu 24 ans. Oui c’est étrange… Le groupe n’avançait pas vraiment. Le troisième album, aujourd’hui je peux en voir les qualités, mais à l’époque il était marqué par notre envie de plaire aux gens. Et c’est une motivation pourrie pour faire de la musique. On faisait quelques festivals, quelques concerts, mais ça ne menait nulle part. Et à 24 ans, tu regardes autour de toi : tes amis ont fini leurs études, trouvé un job, acheté une voiture correcte… Tu vois ce que tu as sacrifié, et tu commences à douter.
Un jour, après une mauvaise session d’écriture, je me suis dit : “C’est nul, allons boire une bière.” Avec John, on s’est assis, on a parlé : “Et si on arrêtait ? Tu ferais quoi ?” Moi, peut-être retourner à l’école, travailler avec des enfants — j’étais prof remplaçant en maternelle. Lui pensait à la psychologie. On a réfléchi, silencieux, puis on s’est dit : “Ce serait dommage de ne pas finir cette chanson, on avait un bon riff.” Et là, révélation : réunion. On s’est dit que ce serait peut-être notre dernier album. Alors autant le faire pour nous. Et c’est ça qui a changé tout.
À partir de Black Walls, on n’a plus cherché une image. Tout est devenu art. La musique, le visuel, les idées. Le clip de Black Walls ? On voulait que je ressente vraiment la chanson. “Et si j’étais un clown effrayant ?” Ping, ping, ping… ça s’est imposé naturellement. On ne pensait plus à plaire, seulement à créer. Et c’est ce qui a résonné chez les gens. Depuis, chaque album est pensé comme si c’était le dernier.
RockSound (Caro) Tu parlais du maquillage et de cette persona scénique qui est devenue iconique, désormais indissociable d’Avatar. Tu disais que c’était né d’un accident.
Johannes (Avatar) : On expérimentait plein de choses. On voulait une photo pour la pochette de l’album, on cherchait à faire quelque chose de plus fort. On a tenté des trucs fous qui n’ont pas toujours bien marché. Le clown, au départ, c’était juste pour un clip. Mais voilà : je me suis découvert moi-même à travers ça. Ce n’est pas un personnage, c’est une extension de qui je suis. Mettre du maquillage, paradoxalement, ça m’a enlevé le masque que je portais.
RockSound (Caro) : Comme si ça te permettait de dire des choses que tu n’oserais pas sans maquillage, un peu comme un super-héros qui cache son identité tout en se libérant ?
Johannes (Avatar) : C’est l’inverse : ça a révélé mon identité. J’étais déjà le clown à l’école, c’est moi. Porter une veste en cuir et essayer d’avoir l’air menaçant sur scène, ça c’était un masque. Le maquillage, lui, m’a permis d’être moi. Et c’est pour ça que ça fonctionne depuis tant d’années.
RockSound (Caro) : Tu as l’impression que le maquillage amplifie l’émotion, comme dans le théâtre kabuki ?
Johannes (Avatar) : Oui, quand tu souris, le sourire est plus grand. Ma bouche est déjà énorme, mais le maquillage accentue tout. C’est aussi une façon de créer une maison, une tribu, une identité forte. Et c’était magnifique de voir ça prendre forme à la fin de cet été-là, après tout le travail qu’on avait fourni.
« Mettre du maquillage n’a jamais été un masque. Au contraire, ça a révélé qui je suis. »
RockSound (Caro) : Sur scène, j’aime observer le public, raconter ce qu’il se passe pour ceux qui n’y étaient pas. L’énergie circule comme une vague : elle part de la scène, et si tout va bien, le public la renvoie.
Johannes (Avatar) : C’est exactement ça. Le vrai concert ne se passe pas seulement sur scène, mais dans cet espace invisible entre nous et le public. C’est là que la magie opère. C’est une rue à double sens. C’est ce qui distingue un concert rock d’un ballet ou d’un opéra, où le public reste passif. Le rock est interactif, et ça touche quelque chose de primitif : comme à l’âge de pierre, autour du feu, à faire du bruit ensemble. Quand ça marche, c’est ça qu’on crée.
RockSound (Caro) : Et c’est ça, le meilleur moment sur scène ?
Johannes (Avatar) : Oui. Avec l’âge, tu apprends à mettre ton ego de côté autant que possible. Il reste là, bien sûr, mais aujourd’hui, ce qui compte le plus, c’est cette connexion avec les autres. C’est devenu l’essence de ce que je recherche.
RockSound (Caro) : J’ai lu que tu avais un rituel avant de monter sur scène, avec du jus de pomme, et que tu disais “faites-leur ressentir quelque chose”. C’est vrai ?
Johannes (Avatar) : Le jus de pomme, c’était temporaire, un ami chanteur m’avait dit que c’était bon pour la voix. Mais mon vrai rituel, c’est simplement de me maquiller, d’écouter de la musique, de m’échauffer physiquement. Tout ça devient un rituel en soi.
RockSound (Caro) : Et quand tu dis “faites-leur ressentir quelque chose”, qu’aimerais-tu que le public ressente ?
Johannes (Avatar) : Ils sont libres de ressentir ce qu’ils veulent. Ce n’est pas à moi de décider. Mais j’espère qu’on s’exprime d’une manière qui leur parle, qui s’aligne avec eux.
RockSound (Caro) : On arrive à la fin. En France, on a ce qu’on appelle le mot de la fin. Quel serait ton mot de la fin, pas pour ta vie, mais pour nos lecteurs ?
Johannes (Avatar) : J’aime beaucoup la France, et je suis reconnaissant que la France nous aime en retour.
RockSound (Caro) : La France aime vraiment Avatar en retour. Merci beaucoup. On n’a pas eu le temps de parler du clip fantastique de Tonight we must be warriors, mais ce sera pour une prochaine fois.
Johannes (Avatar) : Avec joie. C’était un plaisir de discuter avec toi.
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L’album Don’t go into the forest est disponible depuis le 31 Octobre 2025
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