Moonball – Parallel Frame

par | 14 Nov 2025 | Chroniques

⏱ Temps de lecture : 3 min

Deux ans après Mysteryland, Moonball revient avec Parallel Frame, un EP où le temps se plie, l’espace se déforme et l’identité vacille. Entre riffs grunge, urgence punk héritée de The Distillers et touches emo éparses, le groupe tord la réalité et nous entraîne dans un vertige sonore à la fois brut et profondément intime.

Moonball - Parallel Frame

Moonball – Parallel Frame

 

Nous vivons tous un peu à l’intérieur de nous-mêmes, dans des bulles où les heures se dilatent et où les contours du monde se brouillent. Dans nos vies, un brouillard discret s’installe, s’immisce dans nos pensées. Ni entièrement inquiétant ni tout à fait rassurant, il est simplement là, il nous rappelle que l’existence se traverse autant qu’elle se comprend. Dans ce vertige intime, ont porte nos doutes, nos fragilités, en espace clos. Souvent la tronche baissée sur un écran, à chercher du sens, un truc auquel s’accrocher dans cette inexorable fuite en avant. Une structure parallèle.

Parallel Frame, c’est une descente dans le vertige. Un disque qui refuse de choisir entre rage et flou. Addictif et profond, il ne reste pas à la surface d’un son, il creuse, déforme et reflète nos propres mirages. Derrière ses murs de guitares et ses refrains saturés, Moonball tord la réalité pour mieux la regarder en face.

Comme pris dans un miroir déformant, on avance dans cet EP sans savoir vraiment où se termine la colère et où commence la confusion. Porté par la voix de Nicolas Exposito — qu’on avait jusque-là surtout vu faire hurler sa guitare chez Landmvrks- on le découvre ici plus vulnérable, plus incisif aussi. Le groupe assume un son plus abrasif, mais aussi plus fragile et trace une ligne trouble entre le punk, le grunge et l’émo, sans jamais se perdre dans la nostalgie.

Tout semble mouvant, instable. Les riffs s’effritent, les refrains s’ouvrent comme des gouffres, et la tension n’a de cesse de monter. Cette sensation d’étirement, de perception altérée, traverse le disque tout entier — comme si la musique elle-même subissait ce syndrome d’Alice au pays des merveilles dont elle s’inspire. Les morceaux s’étirent, se contractent, se cognent aux murs — comme si la musique perdait elle-même ses repères. Mais le groupe en fait autre chose : une métaphore du vertige intérieur, du moment où l’on doute de tout, y compris de soi. On y entend autant l’urgence du hardcore “Dying To Know” que la langueur d’un après-coup “Seahaven”, cette impression que tout se déforme sans jamais vraiment s’effondrer.

Il y a quelque chose de profondément sincère dans ce chaos. Parallel Frame parle d’identité, de perte de repères, mais aussi de la beauté qu’il y a à s’y abandonner. Le groupe ne cherche pas la perfection puisqu’il cherche la vérité, brute et mouvante, celle qu’on ne peut saisir qu’en fermant les yeux et en écoutant vraiment. Les paroles de “Seahaven” et “Shifting Shadows” glissent comme des échos de ce maelstrom intérieur. Les repères se déplacent, se froissent, et la musique capte ces oscillations avec une précision brute.

Ce qui frappe avec Moonball, c’est la matière du son. Cette densité presque palpable, cette épaisseur qu’on ne retrouve que chez les groupes qui enregistrent avec le corps autant qu’avec les amplis. Chaque instrument semble respirer dans le même espace, saturé mais vivant, comme si tout vibrait à la même fréquence émotionnelle. Dans le paysage français Parallel Frame apporte un vrai bol d’air. Cette production fat, pleine et sans compromis, rappelle qu’on peut, ici aussi, faire du bruit avec du fond et de la sincérité.

Et au-delà du volume, il y a quelque chose de plus rare : une épaisseur de sens. Ce mur de son n’est pas là pour impressionner, mais pour traduire une tension intérieure. Chaque distorsion devient une manière de dire sans parler, chaque réverbération un fragment d’introspection. Dans ce chaos organisé, Moonball ne cherche pas à dominer : il cherche à se comprendre. Et c’est peut-être là, dans ce besoin brut de s’exprimer fort, de brouiller les contours pour trouver la vérité, que réside la beauté de ce disque.

Avec Parallel Frame, Moonball prouve qu’on n’a rien à envier à personne et que derrière la fureur et les guitares, il y a surtout une envie farouche d’exister pleinement. Quand tout se brouille, il reste le bruit — celui qui apaise, qui nettoie et qui remet les pendules d’Alice à zéro.

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