Le mangaka Gou Tanabe a été la star de ce festival d’Angouleme à peine terminé. Lui qui, depuis presque 20 ans désormais, se consacre à adapter les cauchemars de Lovecraft en manga, histoire de prouver à tous les couillons comme Michel Onfray qui considèrent que la BD est un art mineur en comparaison de la littérature, que le neuvième art peut être un passage au sens Jim Morrison du terme. Son oeuvre est une exploration fascinante de l’écriture de Lovecraft revisitée par un auteur oriental et/ou une nouvelle porte de la perception pour qui découvrirait l’asile mental de ce bon vieux H.P…
Au menu, trois nouvelles écrites entre 1920 et 1922 : Celephaïs, Les chats d’Uthar et Les autres dieux qui peuvent être lues indépendamment les unes des autres, même s’il existe un certain fil conducteur entre elles et que le jeune Atal est le narrateur des deux dernières nouvelles.

©Tanabe Gou 2024 / KADOKAWA CORPORATION
Des trois histoires, seule Les chats d’Uthar revêt une dimension véritablement horrifique avec ces chats mangeurs d’hommes qui vengent l’affront qui leur a été fait en dévorant vivants deux vieillards. Le néophyte sera émerveillé de voir à quel point l’écriture de Lovecraft est toujours aussi moderne et ce que lui doivent des auteurs comme Neil Gaiman ou Junji Ito.
Les puristes se rappelleront qu’il s’agissait d’une des histoires préférées de Lovecraft à laquelle Tanabe apporte le plus grand soin. Son dessin est d’une simplicité effarante : aucune sophistication superficielle, une mise en scène qui va droit à l’essentiel sans fioritures et qui restitue le mysticisme de Lovecraft. Ses chats sont immédiatement familiers en adoptant ce qu’il faut d’inquiétude et de mysticisme.

©Tanabe Gou 2024 / KADOKAWA CORPORATION
Le lecteur pourra tisser des liens entre le Lovecraft de Céléphais et le Baudelaire du Spleen de Paris, avec ces deux amateurs de haschich qui redoublent d’efforts pour se réfugier dans les rêves, n’importe où mais hors de ce monde, des séquences sublimées par Tanabe qui se révèle aussi un décorateur hors-pair.
La dernière nouvelle, Les autres dieux se lira avec du Black Sabbath en fond sonore, avec cette cérémonie qui invoque les mauvais dieux, qui comme toujours chez Lovecraft n’ont que faire de l’humanité.
Voici un voyage aussi littéraire que perturbant au pays de l’occulte, des grands anciens, de l’invisible à peine moins abominable qu’une réalité impitoyable. Du grand art superbement empaqueté par les couvertures en cuir de Ki-oon qui confèrera à votre exemplaire les apparats d’un parchemin dont vous seul serez le maître, l’esclave ou les deux à la fois.

©Tanabe Gou 2024 / KADOKAWA CORPORATION
Les chefs d’oeuvre de Lovecraft par Gou Tanabe : Les chats d’Ulthar
Ki-oon – 18€