C’est le come back de l’année : celui de Marilyn Manson, chanteur au surnom psychopathique, qui accusé de s’être comporté comme tel par une dizaine de femmes, s’était retiré de la vie publique et des décibels. Comme à la grande époque de Holy Wood, le voici qui assure sa défense, délesté d’au moins 20 kilos, une voix qu’on n’avait plus entendue aussi virulente depuis 2001, des prestations scéniques enfin dignes de sa réputation et plein de fan service aussi bien dans le marketing que dans la conception des morceaux, pour reconquérir le cœur de son public.
Marilyn Manson » One Assassination Under God » : L’effleure du mal
« One Assassination Under God » pose les jalons de la politique brulée de Manson : sa ligne de défense est catégorique : loin de s’auto-apitoyer, de chercher la repentance ou même le pardon de ses victimes présumées, tout l’album sera placé sous le signe de l’agressivité maximum, celle de l’Antéchrist Superstar, l’incarnation préférée de ses fans.
Reste à savoir comment doit se positionner son auditoire : faut-il voir une impressionnante déclaration d’innocence ou le manifeste d’un criminel qui continue de terroriser ses victimes à l’aide de refrains explicites , « I won’t suffer for your amusement », » I won’t repent », « You’re the only one who should be ashamed », « My red flag is your white one soaked in blood », « Keep sleeping I’ll make you dream of me ».
En tentant de séparer l’artiste de ce dont il est accusé (à coup de hache, bien entendu…), force est de reconnaître que One Assassination Under God est un grand disque de métal, que ce soit le titre éponyme, appuyé par un clip brillant où les hurlements de Manson donnent le frisson, les arpèges déglingués de « No Funeral Without Applause » qui ne sont pas sans rappeler ceux du « Heart-Shaped Box« de Nirvana ou « Nod If You Understand » dont la furie renoue avec le « Little Horn » d’Antechrist Superstar.
« As Sick as The Sercret Within », braconne aussi bien dans le rythme que dans le visuel de « Tourniquet », un des morceaux-phares du révérend. C’est un nouveau classick, de Manson, mélodique et malsain, superbement arrangé par Tyler Bates. « Sacrilegious » tente de ressusciter la verve glam de « Mechanical Animals » mais échoue dans la dernière ligne droite d’un pre-chorus et d’un refrain assez médiocre.
« Death Is Not a Costume » rappelle que la plupart des chansons de Manson se construisent sur des mi-tempo et le phénix prend ici son envol après un refrain mémorable tout droit sorti de chez Killing Joke.
« Meet Me in The Purgatory » s’adresse clairement à Lindsay Usich, son épouse qu’il remercie dans les crédits et à qui il demande si elle le soutiendra ou le lapidera avec la foule, histoire d’assurer la jonction avec le clip inoubliable de « Man That You Fear ». Manson excelle depuis Pale Emperor sur ces compositions post-punk et celle-ci est impressionnante, le dernier refrain donnant à Manson l’occasion de hurler presque touchante. Cette déclaration de foi qu’il attend, c’est aussi à nous qu’il l’adresse. Il l’écrit dans les crédits : « À tous les fans qui m’ont soutenu vigoureusement. »
Où est Trent Reznor ?
Vient alors « Raise the Red Flag, le second single porté par un clip qui citait sans détour le « March of the Pigs » de son mentor et frère ennemi, Trent Reznor. Encore une chanson puissante, mélodique, rageuse où Manson passe du chuchotement aux cris, avec ses gimmicks (« Hey Hey Hey« ) de Holy Wood, encore. Sur scène, porté par le charisme de sa guitariste Reba Meyers, le morceau prend toute son ampleur avec cette constatation : non content d’avoir retrouvé dans un puits de Lazare une improbable jeunesse, Marilyn Manson a enfin un groupe consistant.
« Sacrifice of the Mass » conclue l’album en acoustique. Le chanteur délaisse l’agressivité pour laisser enfin parler Brian Warner, l’alter ego enterré depuis 30 ans sous le maquillage et les outrances. La mélancolie semble profondément sincère autour de ce qui semble être une tentation suicidaire.
Une grande réussite artistique entachée par l’annulation des procès où Manson n’aura pas à répondre de ses actes et où on aurait aimé l’entendre démontrer son innocence avec autant de brio. Car désormais planera sur lui un doute malsain, un de plus, qui lui a valu de ne pas être invité au Hellfest 2025 : ce que chante Manson depuis une trentaine d’années et que nous avons tant chanté avec lui, sont des chansons pleines de poésie à l’imagerie macabre ou le journal de bord pervers et à la vue de tous des tortures, viols et séquestrations dont il a été accusé ? Comment oublier le clip de « No Reflection » où on le voyait empoisonner et noyer 5 jeunes femmes ? Ou celui de « Dont’ Chase The Dead » qui le voyait mourir, poignardé par une femme : la sienne…
Quel est ton choix, ami rocker ?