Motocultor 2025 : Diatribe pour un pogo polaire

Retour sur le Motocultor 2025 : Diatribe pour un pogo polaire

par | 24 Oct 2025 | Live Report

⏱ Temps de lecture : 9 min

Camarades de la sueur et du cuir noirci par le soleil, asseyez-vous un instant et imaginez. Imaginez la lumière crue d’août brûlant la peau, éclatant les couleurs, transformant chaque tatouage, chaque perle de sueur, chaque mèche de cheveux rebelle en éclats de verre fondus. Les nuques s’échauffent avant même le premier riff, la poussière monte comme une brume ardente et colle aux lèvres, aux doigts, aux cordes de guitare. L’air est saturé de chaleur et de poussière, des corps empilés comme du bois dans un fourneau, respirant, haletant, transpirant la vie et la fureur en même temps.

Motocultor 2025 : Diatribe pour un pogo polaire

Motocultor 2025 : Diatribe pour un pogo polaire

 

Les bénévoles circulent, souriants, intrépides, offrant leur aide et leurs regards chaleureux comme autant de petites oasis. L’accueil du Motocultor est irréprochable, presque familier, dans ce chaos de chaleur et de bruit. Et pourtant, une question persiste : pourquoi continuer ? Pourquoi choisir volontairement l’étuve quand la musique pourrait se déployer sous un ciel clément, dans des conditions moins apocalyptiques ? Quand la peau s’écarlate, que les coups de chaleur s’accumulent, que certains s’évanouissent dans la poussière, est-ce encore de la célébration ou juste un rite de passage un peu cruel ?

Motocultor 2025 : Diatribe pour un pogo polaire

Motocultor 2025 : Diatribe pour un pogo polaire

 

Chaque année, août transforme le Motocultor en une épreuve de résistance thermique. Le headbanging n’est plus un geste musical, c’est un acte de survie pour tenter comme on peut de brasser de l’air. Les circle pits ne sont plus des jeux collectifs, mais des saunas ambulants. Et pourtant, personne ne recule. Alors, rêvons un instant : et si les festivals se tenaient en automne, ou mieux, en hiver ? Imaginez des slams dans des bras glacés, des rires qui s’échappent avec la vapeur des corps, de grands pichets de grog, des pogos qui réchauffent l’âme. Bref : un pogo polaire.

En attendant ce jour de rédemption, il faut affronter la fournaise. Et au Motocultor, les flammes viennent autant du ciel que des scènes, faisant de chaque concert un combat et une fête à la fois.

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Jour 1 : Baptême de feu

Le jeudi ouvre le Motocultor comme un uppercut. Dogma lance les hostilités avec un set carré, parfois trop scolaire, mais qui ose une reprise de « Like A Prayer » assez jouissive. Une entrée en matière qui prépare le terrain avant que The Callous Daoboys ne viennent pulvériser la scène : un chaos mathcore où les éclats de pop surgissent comme des blagues bien placées. On ressort étourdi, riant presque de ce grand écart sonore.

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Dogma – Gael Mathieu

 

Pas le temps de souffler : Aldebert ramène l’esprit de famille et l’héritage Cavalera. L’instant devient surréaliste lorsque Claudie, grand-mère tirée au hasard, slamme au-dessus de la foule. Un moment d’anthologie qui laisse tout le monde hilare.

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Il est 20h quand Nailbomb entre en piste. La Supositor Stage tremble sous les riffs de ce projet culte ressuscité. Max Cavalera et Alex Newport, accompagnés d’Igor Amadeus Cavalera, incarnent la violence contrôlée du thrash-indus des années 90, avec une énergie intacte qui fait rugir la fosse.

 

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Nailbomb par SeikoCats – Motocultor 2025

 

C’est maintenant au tour de Mogwai d’entrer en piste, et que fait Mogwai ? Eh bien, Mogwai nous captive, comme toujours. Il y a quelque chose d’instantanément hypnotique chez eux, c’est cette manière qu’ils ont de faire plier le temps, suspendre l’air, capturer la foule dans un filet de sons délicats et puissants à la fois. Les yeux brillent derrière la buée, la poussière danse dans la lumière, et chaque note devient presque tactile, comme si elle pouvait toucher l’âme. Le set se construit lentement, patient et majestueux, et quand arrive « We’re No Here », c’est l’apothéose : un mur de son magistral qui écrase, élève touche tout le monde. Les corps tanguent, la tête bascule, le cœur bat plus vite — et, quelques instants, tout le Motocultor semble retenir son souffle, subjugué par cette beauté brute et aérienne, suspendue entre fureur et contemplation.

 

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Diiv prend ensuite le relais et ralentit le rythme : nappes brumeuses, guitares liquides, une respiration nécessaire avant que Me And That Man et Magma ne referment la journée sur une note mystique, transformant le site en cathédrale cosmique. La chaleur redescend enfin, et l’air se charge de ce qui ressemble à une première communion collective.

 

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Diiv par SeikoCats- Motocultor 2025

 

Jour 2 : Le sol se soulève

Le vendredi commence sous un voile nuageux bienvenu. C’est ici que l’on comprend pourquoi ce festival s’appelle Motocultor. Ce n’est pas un nom jeté au hasard pour son côté brutal ou motorisé : c’est un avertissement inscrit dans chaque vibration du sol. Dès que Benighted démarre son circle pit, la terre se transforme en mer mouvante de poussière et de sable, comme si le site lui-même s’était joint au pogo. Chaque saut, chaque chute, chaque torsion soulève des nuages arides qui griffent les yeux et arrachent la gorge. Respirer devient un exploit ; on inspire à contre-courant de cette tempête de corps, tous serrés, tous excités, tous en transe.

 

Il y a une ironie délicieuse à voir des milliers de personnes transformées en cyclone vivant, la poussière recouvrant chaque visage, chaque muscle, chaque tatouage. Le sol tremble littéralement sous nos pieds et à un moment, on a presque l’impression que la gravité a pris congé. C’est drôle, effrayant, exaltant et totalement addictif. Le public est poussiéreux, rouge, couvert de sueur, mais heureux, heureux d’avoir été écrasé, happé, secoué jusqu’au dernier souffle. C’est une danse avec l’absurde, une leçon de survie où la terre, la poussière, les corps et le son fusionnent en une expérience humaine totale.

 

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L’après-midi se déploie comme un crescendo sombre. Les Italiens de Lacuna Coil arrivent sur scène avec une aisance déconcertante. Cristina Scabbia délivre des « je vous aime » qui flottent dans l’air comme des sorts lancés à la foule. Les tubes s’enchaînent et, instantanément, le public tombe sous le charme : les mains se lèvent, les têtes se balancent, les regards s’illuminent. On sent que tout est fait pour conquérir l’audience.

Puis arrive Fleshgod Apocalypse. Cliché à souhait ? Oui, mais on ne peut s’empêcher de tomber dedans. Dans ce mélange de métal baroque et d’opéra, les Italiens déploient une théâtralité monstrueuse : claviers clinquants, riffs titanesques, blast beats qui explosent les tympans. Julien de Benighted vient poser sa marque sur un morceau, et l’effet est d’une perversité jubilatoire : brutalité et théâtralité fusionnent. Et comme si le spectacle n’était pas déjà assez surréaliste, le set se termine par une reprise improbable « I’m Blue » d’Eiffel 65. L’absurde et le grandiose s’entrechoquent, et c’est précisément ce mélange qui rend le moment magique.

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Il est 21h, l’heure où l’on pensent à manger, et au menu ce soir, c’est Mur d’amplis et Tête de lard façon Kerry King. Sur scène, le guitariste semble avoir pris ses distances avec le reste de la formation : isolé sur le côté, silencieux, le visage fermé, la posture arrogante. Le volume qui s’échappe de ses amplis est clairement hors norme, bien plus fort que tout le reste. On imagine facilement que c’est un caprice de monsieur Kerry King, désirant dominer ses « petits copains » de scène — un ego monumental enveloppé dans un mur de décibels. Et pourtant, dans sa bonté extrême, King gratifie le public d’un « God Hates Us All » d’anthologie : riffs tranchants, précision chirurgicale, brutalité intacte. L’air vibre, les nuques se cassent et, malgré son melon indéniable, on ne peut qu’admettre : sur ce titre, il régale.

 

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Dimmu Borgir déploie son black symphonique comme une grand-messe inversée. Capes noires, riffs glacials et claviers frissonnants : chaque note fige les corps et élève l’esprit. Le Motocultor se transforme en cathédrale de l’extrême, majestueuse et irrésistiblement fascinante.

 

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Jour 3 : L’apothéose

Le samedi, les corps endurcis reprennent lentement vie sous l’onde sonore de Pelican, qui déploie ses paysages instrumentaux comme des tableaux contemplatifs, où chaque riff semble suspendre le temps et inviter à la méditation au milieu du tumulte du festival. On se laisse flotter, bercé par l’ampleur de chaque note, respirant enfin entre deux vagues de sueur et de poussière. Puis, brusquement, Didier Wampas déboule sur scène et fait basculer cette bulle de sérénité dans un chaos jubilatoire : sauts frénétiques, cris d’amour lancés comme des projectiles, punk-rock débraillé et contagieux.

 

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Paleface Swiss par SeikoCats- Motocultor 2025

 

Puis vient le moment où tout s’illumine : Møl apporte sa joie communicative, Paleface Swiss transforme la fosse en cyclone de circle pits simultanés… et enfin, Envy. les pilliers du screamo japonais livrent un concert d’intensité quasi irréelle. Chaque morceau est une montée inexorable, chaque tremolo picking un cri de catharsis. Les envolées vocales, les mélodies qui se brisent puis s’élèvent, tout semble suspendre le temps. On est happés, submergés, haletants. Envy ne joue pas seulement, ils transforment, ils élèvent, ils bouleversent — un moment dont on sort à la fois épuisé et extatique, convaincu que le Motocultor 2025 vient de révéler son cœur battant.

 

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Envy – Gael Mathieu- Motocultor 2025

 

Puis vient Trivium, déferlant sur la Dave Mustage comme une marée. Matt Heafy bondit partout, l’air d’un enfant le soir de Noël. Chaque riff allume un nouveau feu, chaque cri rallume les étoiles au-dessus du site. La poussière devient dorée dans les projecteurs, les corps dansent malgré la fatigue. Un concert où la brutalité devient fête, où la rage devient célébration, et où l’on retrouve tous le plaisir pur et simple d’être là, ensemble, au milieu du vacarme.

 

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Trivium par Gaël Mathieu- Motocultor 2025

Jour 4 : Le déchaînement final

Dimanche, les Parisiens de Solitaris ouvrent le bal avec un métal dit « moderne ». On pourrait résumer ça comme un cocktail de djent acéré, de chant hardcore et de textures industrielles. Incontestablement, on a l’impression que les Français ont croqué un sanglier au petit-déjeuner, tant l’énergie qu’ils déploient est massive et immédiate. Le pit se réveille en sursaut, et pour le coup, difficile de rester assis.

 

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Solitaris – Juliane Lancou- Motocultor 2025

 

Ensuite, les vents nordiques d’Ensiferum soufflent sur la foule. Leur folk metal épique transforme la fosse en une armée en marche : chants guerriers, riffs lumineux, et une ferveur collective qui vous emporte comme si vous étiez tous des vikings en transe. L’énergie continue de monter avec Landmvrks, qui électrise la masse avec son metalcore incisif. Les corps frappent le sol en cadence, les circle pits s’ouvrent en spirales, et chaque breakdown est un souffle brûlant qui secoue la nuque et le cœur.

 

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LANDMVARKS par Gaël Mathieu- Motocultor 2025

 

La tension se teinte d’épopée avec Blind Guardian : l’univers se dilate, le public est transporté par des hymnes qui font vibrer l’imaginaire. La foule chante, se balance et se laisse emporter par la majesté collective. Puis le chaos festif reprend avec The Bloody Beetroots, électrisant la scène et la fosse d’un mélange de rock et d’électro où tout le monde danse, saute et rit, complètement happé par le rythme et l’absurde joie partagée.

 

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Et enfin, Machine Head clôt le Motocultor 2025. Noir de monde comme de poumons, souvenez-vous de cette poussière qui vole encore, héritage des pogos d’hier. Robb Flynn harangue la foule, jette des bières, et transforme chaque riff en catapulte. La masse compacte vibre, respire, crie et saute ensemble, dans un déluge de son et de poussière qui scelle ce Motocultor dans nos mémoires. Une apothéose qui vous laisse à la fois épuisé, exalté et heureux d’avoir survécu à la fournaise et au chaos.

 

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Machine Head par Gaël Mathieu- Motocultor 2025

Conclusion : Diatribe pour un pogo polaire

Le Motocultor, c’est un rite, une expérience où l’on se dépouille de tout pour se laisser traverser par la musique. Sous le soleil de plomb, la sueur, la poussière et la chaleur deviennent matière vivante, chaque souffle, chaque pogo, chaque cri se transforme en énergie collective. Tenir, c’est déjà exister pleinement, se laisser submerger et transcender par le chaos et la communion.

 

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On rêve alors d’un futur différent : des slams dans la neige, des pogos qui réchauffent au lieu d’assommer, un Motocultor sous les étoiles d’hiver. Là, la rage devient chaleur, la transe devient clarté, et la musique nous traverse jusqu’aux os. Être vivants, c’est sentir chaque note, chaque frisson, chaque cri, dans une osmose parfaite avec ceux qui partagent cette même folie sublime.

Le Motocultor, c’est ça : une fête, un apprentissage, un souffle vital. On reviendra, prêts à tomber et se relever, à rire, à hurler, à vibrer ensemble — parce qu’au fond, c’est exactement ce que nous cherchons à chaque édition : sentir la vie nous traverser, brute et entière.

 

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Site Officiel : motocultor-festival.com
Instagram : motocultorfestival
Youtube : https://www.youtube.com/user/MotocultorFestProd